Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, cette année encore, les crédits de la justice administrative du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » sont retracés dans la mission « Conseil et contrôle de l'État », à côté des programmes « Cour des comptes et autres juridictions financières » et « Conseil économique et social ».
Il conviendra sans doute - cette soirée nous éclaire, d'ailleurs, à cet égard - de préciser les choses, en tout cas, après le renouvellement sénatorial de septembre prochain, sachant que des liens continuent à exister entre les juridictions administratives et le ministère de la justice.
L'augmentation des contentieux, notamment dans le domaine de la contestation du retrait de points sur le permis de conduire, ou encore ceux qui sont attendus sur le droit au logement opposable, démontre chaque jour la montée en puissance de la justice administrative dans le quotidien de nos concitoyens.
Je voudrais aborder maintenant les moyens dont vont disposer ces juridictions l'année prochaine et interroger le Gouvernement sur quelques points particuliers.
S'agissant du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », on note que ce poste budgétaire progresse nettement plus que le budget général de l'État, soit, à périmètre constant par rapport à 2007, plus 4, 1 % contre 1, 6 % pour l'État.
Les priorités pour l'année à venir vont essentiellement se concentrer sur le financement de nouvelles créations d'emplois et la poursuite de la mise en oeuvre de mesures améliorant le statut des personnels, ainsi que sur un certain nombre d'opérations immobilières qui sont particulièrement indispensables.
Concernant le personnel, il est nécessaire de poursuivre les efforts de créations de postes. En effet, la loi d'orientation et de programmation de 2002 n'a atteint ses objectifs qu'à hauteur de 70 %, avec 335 emplois créés sur les 480 prévus ; les nouvelles .juridictions installées récemment, comme celle de Nîmes avec 15 créations de postes, absorbent un nombre important de ces créations. Il faut également prendre en considération des éléments plus conjoncturels liés à la hausse du contentieux ou encore les perspectives en matière de vieillissement, de pyramide des âges, dans le corps des magistrats et agents des greffes, de la première instance jusqu'au Conseil d'État.
Pour 2008, 29 postes de magistrat doivent être créés ainsi que 27 emplois d'agent des greffes, ce qui correspondra à une hausse de 6 % des dépenses de personnel. Il sera nécessaire d'amplifier ces efforts dans les années à venir.
Je me réjouis également de la prise en compte d'une ancienne revendication relative à la revalorisation du taux indemnitaire moyen, qui va être porté à 55, 3 %, certes avec un léger étalement dans le temps.
Concernant le programme d'investissement, je souhaiterais que le Gouvernement puisse apporter quelques précisions sur trois dossiers qui me paraissent prioritaires.
Tout d'abord, pour alléger la charge de travail très lourde des juridictions administratives de la région parisienne, celle du tribunal administratif de Cergy-Pontoise - créé en 2000 - en particulier, notamment du fait de l'explosion du contentieux des étrangers, nous croyons nécessaire la création d'un nouveau tribunal qui pourrait se situer en Seine-Saint-Denis.
Par ailleurs, plus au sud, si le projet de création du tribunal administratif de Toulon est en voie de concrétisation, je souhaiterais néanmoins qu'une décision puisse rapidement intervenir sur le choix du site destiné à l'accueillir.
Dans mon département, enfin, j'aimerais avoir des informations sur le financement du ravalement de la façade du tout nouveau tribunal administratif de Nîmes, pour un coût estimé à 655 000 euros TTC, sachant que des cofinancements peuvent être envisagés avec les collectivités locales concernées.
Je voudrais, cette année, insister tout particulièrement sur l'évolution préoccupante du contentieux, alimentée par la multiplication des procédures nouvelles.
Deux chiffres illustrent bien cette croissance exponentielle : entre 2005 et 2006, le contentieux du droit des étrangers a augmenté de 9 % et celui de la contestation du retrait de points sur les permis de conduire de 146 %. Ce sont, chaque année, des milliers d'affaires nouvelles que les juridictions administratives doivent absorber. Il ne faut pas que ces nouveaux contentieux, plus ceux qui sont attendus, nuisent à moyen terme à la qualité des jugements rendus.
Si, pour l'heure, l'augmentation constante des moyens alloués aux juridictions administratives, des tribunaux jusqu'au Conseil d'État, ont permis, d'une part, une amélioration constante bien qu'encore insuffisante des délais de jugement, encore trop souvent au-delà d'un an et, d'autre part, le maintien d'une grande qualité de jugement, il existe, pour l'avenir, un risque certain d'engorgement des juridictions administratives.
D'ores et déjà, plusieurs solutions sont envisageables pour désengorger les juridictions et faire baisser le délai prévisible moyen des affaires en stock de manière à atteindre les contrats d'objectifs qui se généralisent depuis 2002 à l'ensemble des juridictions.
Parmi ces solutions, je citerai l'extension du recours au juge unique, prévue par le décret du 23 décembre 2006, tout en préservant - j'y insiste tout particulièrement - le principe de l'examen collégial pour les affaires mettant en jeu des intérêts sensibles au regard des libertés ou des droits sociaux, ou encore l'instauration par ce même décret de règles particulières tendant à rationaliser la procédure contentieuse, ou encore l'extension du champ d'application du filtrage des pourvois par le président d'une formation de jugement du tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel.
Un décret est attendu pour permettre la mise en oeuvre du recours préalable du contentieux de la fonction publique. L'application de ce dispositif de prévention permettra sans nul doute une diminution des litiges devant les juridictions. Un dispositif identique pour le permis à points serait sans doute utile.
Notre collègue Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois sur la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, n'avait pas manqué d'appeler l'attention du Gouvernement sur le risque de « saturation des juridictions administratives » corrélatif à l'application de ce texte.
Cette loi est symptomatique de ce qu'il ne faut plus faire. En effet, gouverner c'est prévoir. Or, les contentieux susceptibles d'intervenir et consécutifs à la mise en oeuvre de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires ne sont pas toujours anticipés.
À cet égard, il serait souhaitable que le Gouvernement accompagne systématiquement les projets de loi qu'il soumet au Parlement d'une étude d'impact précise sur les moyens supplémentaires qu'ils impliquent.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits consacrés au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » dans le projet de loi de finances pour 2008.