Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention porte sur le programme « Conseil d'État et autres, juridictions administratives ». Monsieur le rapporteur, je ne sais si des constats voisins vont nous conduire aux mêmes conclusions...
La situation des tribunaux administratifs n'est pas bonne, en particulier dans la région parisienne.
Les crédits de la mission, qui s'élèvent à 266, 4 millions d'euros en crédits de paiement, sont certes en hausse de 5, 8 % par rapport à l'année dernière, mais cette augmentation ne peut répondre au problème de l'engorgement des tribunaux, administratifs.
Cet engorgement est provoqué par les modifications législatives datant de 2006 relatives au droit des étrangers, qui ont entraîné la croissance du contentieux des étrangers. Il représente, en effet, plus du quart des requêtes enregistrées par les tribunaux administratifs, mais ce qui inquiète avant tout les magistrats, c'est le rythme de croissance de ce contentieux, qui est très supérieur au rythme général de croissance : au premier semestre de 2007, il a augmenté de 10, 29 % alors que la croissance générale était de 6, 14 %.
La loi du 24 juillet 2006 a organisé la fusion entre les contentieux du séjour et de l'éloignement afin, selon le Gouvernement, d'alléger la charge des magistrats administratifs en leur permettant de juger à la fois le refus de séjour et l'éloignement. Compte tenu des chiffres que je viens de citer, c'est exactement l'inverse qui s'est produit.
Le problème est que la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, introduit un nouveau droit pour les étrangers, celui d'un recours suspensif ouvert aux demandeurs d'asile se voyant refuser l'entrée sur le territoire.
En ce qui nous concerne, bien entendu, nous avons défendu ce droit, mais nous voulons qu'il soit effectif. Or, compte tenu de l'engorgement des tribunaux administratifs, notamment celui de Cergy-Pontoise, particulièrement concerné par le contentieux des étrangers, nous craignons que ce nouveau recours ne vienne faire exploser les chiffres de ce contentieux, au détriment de la qualité de la justice rendue et, au final, au détriment des étrangers.
En résumé, la politique du Gouvernement en matière d'immigration pose non seulement un problème sur le fond et sur sa conformité avec nos principes fondamentaux, mais également sur la forme, puisqu'elle aboutit à une situation tout à fait déplorable pour les juridictions administratives.
Le problème va également se poser lors de l'entrée en vigueur de la loi relative au droit au logement opposable, en décembre 2008. La loi prévoit, en effet, que des commissions de médiation devront être créées dans chaque département, mais que, à défaut, les demandeurs pourront saisir directement le juge administratif. Si ces commissions chargées de traiter de la quasi-totalité des litiges ne sont pas généralisées à l'ensemble des départements, les juges administratifs seront, une fois encore, inondés de recours. Je rappellerai simplement que 4 millions de personnes sont susceptibles d'être concernées par cette loi.
À la lecture des documents budgétaires, il est difficile d'imaginer que le Gouvernement ait bien pris la mesure du problème rencontré par les tribunaux administratifs. En effet, la loi d'orientation et de programmation pour la justice - la LOPJ - de 2002 n'aura été exécutée qu'à hauteur de 70 %, et non de 84, 3 %, comme l'indique le rapport, puisque ce dernier taux prend en compte les créations de postes pour 2008, ce que ne prévoyait pas la LOPJ. Afin que cette loi de programme soit entièrement exécutée, il faudrait, de l'aveu même du rapporteur, « obtenir, en 2009, 33 postes de magistrats administratifs ».
Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit la création de 29 nouveaux postes : c'est un minimum, compte tenu de la croissance exponentielle du contentieux. Il convient également de souligner que le problème se pose pour les greffes, bien entendu. Actuellement, le ratio magistrat/agent de greffe n'est que de 1, 3, ce qui est bien insuffisant. Mais est-ce vraiment étonnant lorsque l'on sait que la justice judiciaire est confrontée à cette même situation ?
Je vous signale, à titre d'exemple, que la Cour européenne des droits de l'homme compte 250 assistants juristes pour 47 juges. De ce point de vue, la loi de programme de 2002 est encore moins bien appliquée s'agissant des greffes que des magistrats.
Enfin, je souhaite formuler quelques remarques relatives au statut tant des greffes que des magistrats. Le Gouvernement a-t-il prévu de couper le cordon qui existe entre le ministère de l'intérieur et la justice administrative ? En effet, les personnels des greffes des tribunaux administratifs sont encore des agents du ministère de l'intérieur. Or, leur statut devrait être aligné sur celui des personnels du Conseil d'État.
Par ailleurs, comment expliquer que les magistrats administratifs ne bénéficient pas d'une revalorisation indemnitaire au même titre que les magistrats des chambres régionales des comptes, alors que leurs corps sont équivalents ?
De nombreux points restent en suspens et ne sont pas réglés par ce projet de loi de finances pour 2008.
La situation des tribunaux administratifs est critique : il est impossible de demander aux magistrats d'accroître leur productivité - bien que ce soit à la mode depuis six mois ! - s'ils veulent continuer de répondre à l'impératif de qualité de la justice rendue, ce qui est le minimum de leur objectif. Augmenter davantage les effectifs, rendre la profession plus attractive en accroissant le nombre de postes ouverts aux diplômés de l'ENA, développer le précontentieux : voilà des pistes que les magistrats proposent eux-mêmes, mais sans doute n'est-ce pas à l'ordre du jour.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pourrons pas voter en faveur des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».