Intervention de David Assouline

Réunion du 29 novembre 2007 à 22h00
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : avances à l'audiovisuel public

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a à peu près un an, nous examinions le texte supposé créer les conditions du développement de la télévision du futur en France.

Un an plus tard, avec l'examen du projet de loi de finances pour 2008 et, il faut le répéter sans cesse, avec la même majorité de droite aux commandes, le temps est venu de s'assurer de la volonté du Gouvernement de donner à l'audiovisuel public les moyens de trouver sa place dans la télévision du futur.

En premier lieu, il faut constater que la révolution numérique bouscule significativement le marché de l'audiovisuel : la multiplication des réseaux de diffusion, avec la télévision numérique terrestre, la télévision mobile personnelle, l'internet à haut débit et, bientôt, à très haut débit, ou la fibre optique, qui viennent s'ajouter au câble et au satellite, constituent autant de vecteurs d'une diversification accrue de l'offre.

Or, ces changements technologiques majeurs dans les modes de diffusion et de distribution de la télévision accompagnent une évolution profonde du comportement des téléspectateurs.

Comme le montrent les résultats de l'étude « Les Français et la télévision » réalisée par TNS-SOFRES pour Télérama, au mois d'août dernier, une nouvelle attente par rapport à la télévision s'exprime, particulièrement parmi les personnes jeunes, âgées de 18 à 34 ans, et ayant accès à un large éventail de médias. Autrement dit, la révolution numérique que connaissent aujourd'hui les services audiovisuels rencontre les aspirations d'un public de plus en plus nombreux, qui se détache d'une télévision de l'offre, proposée par les grandes chaînes hertziennes privées et visant à réunir le plus grand nombre possible de téléspectateurs devant des programmes fédérateurs, en faveur d'une télévision de la demande, répondant à des attentes de contenu et d'accès individualisés.

Dans cette perspective, les chaînes publiques détiennent a priori un avantage comparatif réel par rapport aux chaînes privées historiques. En effet, leur participation essentielle à la création d'oeuvres françaises et européennes de fiction et de cinéma et à la production de documentaires leur permet de disposer de programmes extrêmement variés, rediffusables à différents horaires et sur des supports diversifiés.

Dans cet environnement en mutation profonde, le service public de l'audiovisuel a-t-il les moyens de prendre le virage éditorial et technologique vers la télévision du futur ?

Respectivement signés le 15 mars et le 24 avril 2007, les contrats d'objectifs et de moyens d'Arte France et de France Télévisions assignent des objectifs volontaristes aux antennes en matière de programmation et de diffusion.

Au moment de l'extinction de la diffusion analogique, France Télévisions devra ainsi consacrer 420 millions d'euros au financement de programmes de création, soit 100 millions d'euros de plus qu'en 2005. Pour sa part, Arte France a pris l'engagement d'apporter un soutien financier à la création d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques augmentant, en moyenne, de 5, 1 % par an sur la période 2007-2011.

Dans le même temps, les antennes du service public doivent assurer leur présence systématique sur l'ensemble des supports de diffusion. Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions fixe ainsi pour ambition au groupe de devenir un « média global », acteur majeur du développement accéléré de la télévision numérique pour tous en France. De ce point de vue, Arte a développé une stratégie offensive de présence sur les nouveaux réseaux au travers de « Arte Global », qui comprend, notamment, une plate-forme VOD, des programmes accessibles, la retransmission gratuite et exclusive d'émissions culturelles sur le site. Les chaînes publiques préparent aussi la diffusion de leurs programmes en haute définition et sur les réseaux de TMP.

Les opérateurs de la télévision publique ont donc pris, à l'égard de l'État actionnaire, des engagements importants, stratégiquement et financièrement.

Le Gouvernement se prévaut aujourd'hui, selon les termes que vous avez vous-même employés, madame la ministre, devant la commission des affaires culturelles, du « respect sans faille des engagements financiers de l'État » à l'égard de France Télévisions.

En effet, la dotation à France Télévisions d'une partie du produit de la redevance conduit à une hausse, au sein du projet de loi de finances pour 2008, de presque 3, 5 % par rapport à 2007, conformément aux dispositions du contrat d'objectifs et de moyens. Mais ce contrat sous-estime manifestement les besoins de financement du groupe en termes d'investissements dans les nouveaux supports de diffusion.

Les recettes publicitaires générées par les chaînes stagnent du fait de l'éclatement du marché et des audiences structurellement en baisse de la télévision hertzienne et ne peuvent donc garantir des ressources sûres et suffisantes à France Télévisions. Or, les hausses contractuellement garanties de la ressource publique sur la période 2007-2010, qui devraient correspondre à une augmentation totale de 171, 24 millions d'euros de la dotation, représentent à peine le coût annuel de la diffusion analogique des chaînes. Et le calendrier d'extinction de la diffusion analogique accuse aujourd'hui un retard d'au moins un an !

Dans ces conditions, il semble évident que le plan de financement prévu par le contrat d'objectifs et de moyens n'est déjà plus valable et doit être modifié d'urgence. Souvenez-vous de ces propos ! En tout état de cause, le groupe est aujourd'hui amené à puiser sur ses fonds propres pour réaliser les investissements nécessaires à sa diffusion sur les nouveaux supports.

De manière moins pressante, Arte France est aussi soumis au risque de décrochage de l'évolution de sa ressource publique par rapport à l'augmentation de ses charges. Ce décrochage est lié à la poursuite d'investissements lourds dans les nouvelles technologies. Or, Arte France doit assumer, en parallèle, sa participation au fonctionnement d'Arte GEIE, qui n'est pas prévue par le contrat d'objectifs et de moyens, et aura aussi à intégrer l'augmentation de ses coûts de diffusion du fait du retard pris dans le passage au « tout numérique ».

Les annonces gouvernementales sur le thème des « promesses tenues à l'égard de l'audiovisuel public » ne peuvent donc masquer la réalité du sous-financement durable des opérateurs du service public de la télévision.

Au-delà des services de télévision, Radio France n'est pas mieux lotie, devant assumer la ruineuse mais nécessaire réhabilitation des locaux de la Maison de la radio sans disposer des moyens de réellement investir dans le développement de la radio numérique.

Quant à RFI, il est difficile d'en parler sans éprouver un peu de honte à l'égard des journalistes, des techniciens et de l'ensemble des équipes qui réalisent des programmes en vingt langues, diffusés dans une centaine de pays différents, mais qui restent dans l'ignorance de leur sort futur - ignorance au moins aussi grande que celle des parlementaires qui doivent lire Le Monde et Libération aujourd'hui ! -, suspendus qu'ils sont aux arbitrages à venir en matière de restructuration des organismes de l'audiovisuel extérieur.

En conclusion, notre assemblée a perdu, à travers le débat sur l'augmentation de la redevance et avec une majorité UMP qui a désavoué la proposition de la commission des affaires culturelles, une occasion d'assurer un financement durable de notre audiovisuel public. À l'avenir, je pense qu'il faudra songer à l'instauration d'une taxe nouvelle, beaucoup plus légitime pour nos concitoyens et plus productive pour les finances publiques, qui ne pèse pas sur la majorité de nos concitoyens mais qui soit assise sur le chiffre d'affaires publicitaire des opérateurs privés de télévision, comme dans d'autres pays...

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