Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, que vous avez interrogée au sujet des difficultés économiques que rencontre le secteur de la viticulture, notamment les producteurs des vins de table et de vins de pays du Midi de la France, plus particulièrement du Languedoc-Roussillon.
Vous estimez que cette situation, caractérisée par des baisses régulières et excessives de prix à la production, pourrait justifier que le Gouvernement intervienne pour réglementer les prix dans le secteur, ainsi que le prévoit l’article L. 410-2, alinéa 3, du code de commerce.
Par exception au principe de liberté des prix, cet article habilite le Gouvernement à intervenir temporairement pour remédier à des situations conjoncturelles de hausses ou de baisses excessives de prix, notamment en cas de crise, de circonstances exceptionnelles ou encore de situations manifestement anormales du marché dans un secteur déterminé.
Mais, si l’appréciation du caractère excessif des hausses ou des baisses des prix considérées est laissée au pouvoir discrétionnaire de l’administration, les mesures prises doivent être motivées par une conjoncture particulière, ce que vous n’avez pas rappelé, monsieur le sénateur.
Or les cours des vins publiés par FranceAgriMer, notamment pour les vins rouges et rosés sans indication géographique, se situent à des niveaux considérés comme insuffisants par les producteurs depuis plus de huit ans, exception faite de l’année 2003.
Ces cours se situent, sur sept récoltes, autour du prix minimal de rentabilité tel que vous l’avez estimé et, depuis 2005, en dessous de ce prix.
Ainsi, on ne peut pas estimer que ce secteur est en situation de crise conjoncturelle. Les difficultés qu’il rencontre sont plutôt de nature structurelle.
Par ailleurs, la viticulture ne subit pas actuellement les effets de circonstances exceptionnelles : calamité publique, crise d’approvisionnement en raison d’un événement national ou international ou de facteurs économiques caractérisant une situation manifestement anormale du marché
En tout état de cause, même si l’article L. 410-2, alinéa 3, du code de commerce avait trouvé à s’appliquer, sa mise en œuvre se serait très certainement révélée incompatible avec le droit communautaire de la concurrence : les produits viticoles étant soumis à une organisation commune de marché, l’OCM, toute possibilité pour un État membre de réglementer les prix au stade de la production est exclue.
En matière agricole, la Cour de justice a considéré que des produits soumis à une organisation commune des marchés ne peuvent faire l’objet de dispositions nationales prises unilatéralement et intervenant dans le mécanisme de la formation des prix au stade de la production-transformation et du commerce de gros tel qu’il résulte de l’organisation commune.
En revanche, l’OCM prévoit la possibilité de mettre en œuvre un certain nombre de mesures de soutien à la viticulture.
Après concertation avec les professionnels, la France a élaboré dans ce cadre un programme d’aide sur cinq ans, 2008-2013, dans lequel est prévu le recours à la distillation de crise.
Afin de résorber les stocks de vins rouges qui tirent les cours à la baisse, le conseil spécialisé pour la filière viticole de FranceAgriMer a décidé, en juin 2009, l’ouverture d’une distillation de crise pour les vins rouges.
Après accord de la Commission, les modalités en ont été publiées dans l’arrêté du 31 juillet 2009, qui prévoit la distillation de 600 000 hectolitres de vins de table et vins de pays rouge.