Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’une des mesures phares de l’accord interprofessionnel du 7 janvier 2009 est la portabilité du droit individuel à la formation, le DIF.
Déjà, lors des négociations de 2003, les partenaires sociaux avaient clairement affiché leur volonté de voir le DIF rattaché à la personne et non plus au contrat de travail. L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail l’a entériné, et celui du 7 janvier 2009 en précise les modalités. L’article 4 issu de nos travaux en commission en reprend les grandes lignes, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Comment, en effet, assurer la stabilité de ce droit quand le contrat de travail reste placé, peu ou prou, sous le risque de la rupture ? Comment permettre au salarié qui vient de perdre son emploi de se relever et d’appréhender l’avenir avec un peu plus d’optimisme, si ce n’est en lui permettant de préserver ses droits acquis à la formation dans l’entreprise une fois rompu le lien avec cette dernière ?
Afin d’éviter toute discontinuité dans le parcours professionnel des salariés, la portabilité devait être assurée. L’article 4 retravaillé par le rapporteur traduit l’exigence de cette continuité.
Toutefois, il ne la traduit qu’en partie, car tous les salariés ne pourront prétendre à ce droit pourtant attaché à la personne, et ce malgré l’aide importante que constitue la formation professionnelle en vue d’aider nos concitoyens à traverser la crise. La portabilité, telle qu’elle est présentée dans cet article, ne s’applique en effet pas dans plusieurs cas de figure.
Je reconnais aux travaux de M. le rapporteur la prise en compte des cas de démission, qui figurent maintenant dans la portabilité. Cela semble logique dans la mesure où ce droit est attaché à la personne et non plus à son statut. Mais cela ne s’applique pas aux apprentis, aux salariés en contrat de professionnalisation ou encore aux salariés licenciés pour faute lourde. De plus, le bénéfice de cette disposition est soumis à la présentation d’une demande dans les deux ans...
Ne devrions-nous pas supprimer dans l’article toute mention au « contrat de travail » ou à la « prise en charge par le régime d’assurance chômage » ? Par définition, il s’agit d’un volume d’heures acquis par le salarié pendant la durée de son contrat de travail en tant que tel, volume d’heures dont il doit pouvoir légitimement bénéficier, quel que soit le motif de la rupture de son contrat de travail.
De même, la rédaction de cet article présente une ambiguïté : un salarié licencié qui signe un nouveau contrat de travail dès la rupture du contrat avec son ancienne entreprise et qui ne fait pas droit à son indemnité chômage voit son compte d’heures de DIF remis à zéro chez son nouvel employeur.
Mais, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, peut-être m’assurerez-vous que, si le salarié ne passe pas par la « case chômage », son droit individuel à la formation du salarié sera maintenu ? Cela semblerait logique ! Le contraire inciterait sans doute les salariés à ne pas signer trop rapidement un nouveau contrat et à ouvrir leur droit à indemnisation, même pour quelques semaines, afin de garder leur DIF !
De même, pour rester cohérents avec ce principe de droit attaché à la personne, nous devrions supprimer le calcul du volume d’heures acquis au titre du DIF au prorata de la durée du contrat, car cette mesure est particulièrement discriminante pour les femmes, victimes de temps partiels subis.
J’aurai l’occasion de revenir sur ces différents points lors de la discussion des amendements déposés par mon groupe visant à garantir dans tous les cas une portabilité « entière » du DIF.
Au final, même si l’on peut se réjouir du fait que cet article 4, en instituant la portabilité du DIF, crée une certaine continuité dans le parcours professionnel des salariés, il n’en reste pas moins que cette portabilité n’est pas à la portée de toutes et tous. Elle nous laisse donc un arrière-goût d’inachevé que nous allons tenter de supprimer par le biais de nos amendements.