Je souhaite d’abord expliquer globalement ma position concernant les amendements qui portent sur le taux de la contribution des employeurs destinée à alimenter le fonds.
Vous l’aurez sans doute remarqué, j’ai veillé à ce que le champ de la démocratie sociale s’articule au mieux avec la démocratie politique et je n’ai pas voulu vous opposer systématiquement l’argument selon lequel, puisque les partenaires sociaux s’étaient accordés sur tel ou tel point au cours de leurs négociations, le Sénat n’aurait qu’à voter les yeux fermés. Mais, en l’espèce, il s’agit pour eux d’un point très important.
En effet, le fonds est notamment alimenté par un prélèvement sur les différents OPCA, lesquels interviennent sur trois ordres d’actions : le plan de formation, la professionnalisation et le CIF.
Tout le monde considère que la professionnalisation recouvre les actions les plus efficaces, celles qui sont le plus en phase avec le terrain, celles qui permettent le plus d’obtenir une qualification de métier.
M. le rapporteur ainsi que les auteurs d’un certain nombre de ces amendements estiment que tout cela est un peu risqué et que, si on laisse les partenaires sociaux choisir eux-mêmes, ils risquent de puiser dans les fonds destinés à la professionnalisation au point de les assécher totalement.
L’ensemble de ces amendements reposent donc sur l’idée selon laquelle il faut un taux de péréquation unique, en obligeant les partenaires sociaux à prélever toujours et partout le même montant sur le plan de formation, la professionnalisation et le CIF.
Or les partenaires sociaux considéreraient cela comme un acte de défiance manifeste à leur égard. Si les organisations syndicales, pour beaucoup, ont souscrit à l’accord, c’est précisément parce que celui-ci prévoyait de les laisser procéder aux ajustements nécessaires branche par branche. Certaines branches investissent traditionnellement davantage en faveur de la professionnalisation et préféreront prélever sur le plan de formation ; d’autres, au contraire, où la tradition est différente, prélèveront vraisemblablement un peu plus sur la professionnalisation.
C’est là une des grandes inquiétudes que suscite le débat qui a lieu en ce moment : les partenaires sociaux craignent d’être l’objet d’une défiance a priori. Ils veulent qu’on sache reconnaître leur sens des responsabilités, qu’on admette qu’ils ont conscience du caractère fondamental de la professionnalisation. Pour toutes ces raisons, il est important que nous les laissions adapter la péréquation branche par branche.
Je suis sensible aux arguments du rapporteur. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, je dois me faire l’écho devant vous de l’inquiétude que, sur ce point précis, partagent unanimement les partenaires sociaux, les syndicats d’employeurs aussi bien qu’un très large spectre des syndicats de salariés.
Toute une série de branches ont commencé à négocier. Ce ne serait pas leur envoyer un très bon signal – ce serait même leur couper les jarrets ! – que de leur imposer un cadre étroit. En matière de formation, tout particulièrement, nous avons plutôt intérêt à entretenir une dynamique de négociation.
Pour autant, je ne suis pas naïf, et je comprends le souci qu’a exprimé le rapporteur. C’est pourquoi nous avons inscrit dans le texte deux clefs qui doivent nous permettre de nous assurer que les partenaires sociaux ne feront pas n’importe quoi, et ils le savent. Tout d’abord, un décret nous permettra, une fois les négociations achevées, de faire les comptes et de vérifier qu’ils n’auront pas pris tout l’argent des formations les plus utiles. Ensuite, les OPCA ne pourront se refinancer auprès du fonds qu’à la condition de ne pas avoir asséché l’argent de la professionnalisation.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier un dernier paramètre : le fonds sera utilisé principalement pour financer la professionnalisation.
Je comprends très bien l’état d’esprit qui a inspiré plusieurs des amendements en discussion. Je comprends parfaitement le souci de M. Carle de protéger la professionnalisation. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, vous devez être bien conscients que leur adoption représenterait un acte de défiance majeur à l’égard des partenaires sociaux qui ont signé l’accord : MEDEF et CGPME aussi bien que CFDT, FO, CFTC, CGC ou CGT.
Sur de nombreux points, vous êtes allés plus loin que l’accord, parfois assez sensiblement. Mais, dans ce cas précis, le signal serait très mal perçu par les partenaires sociaux, et je vous appelle, ici, au strict respect de leur volonté. C’est pourquoi je suis défavorable aux amendements n° 24 rectifié bis, 178, 65, 140 et 67.
L’amendement n° 8 rectifié, madame Mélot, prend bien en compte les particularités du secteur agricole. J’émets donc un avis de sagesse sur cet amendement, qui me paraît présenter un très bon dispositif.
Quant à l’amendement n° 66, pour les raisons que le rapporteur a très clairement exprimées, j’y suis défavorable.