Intervention de Michel Sergent

Réunion du 19 décembre 2005 à 10h00
Loi de finances rectificative pour 2005 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michel SergentMichel Sergent :

Les défaillances d'entreprises continuent leur progression, reflet d'une politique artificielle de stimulation des créations d'entreprises. Sur douze mois, les défaillances constatées en septembre 2005 ont progressé de 3, 3 %, pour atteindre plus de 42 000 cas.

S'agissant des recettes, l'impôt sur le revenu des personnes physiques a été rentable en 2005, mais toutes les autres recettes fiscales ont largement diminué. Il est d'ailleurs surprenant que l'impôt sur les ménages augmente, alors que toutes les autres taxes régressent ! Mais c'est, là encore, le résultat de la politique économique, financière et fiscale mise en oeuvre depuis plusieurs années : on en connaît les conséquences sociales !

La politique fiscale est toujours plus injuste. Elle consiste, d'une part, à faire bénéficier les plus aisés de baisses de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt de solidarité sur la fortune, coûteuses pour les finances de l'État, et, d'autre part, à augmenter les prélèvements injustes qui pèsent sur l'ensemble des Français, quitte à augmenter le taux des prélèvements obligatoires, pourtant si souvent décriés.

D'un côté, on baisse la rémunération du livret A ou on supprime le plan d'épargne populaire. De l'autre, on permet les exonérations liées à l'ISF, la baisse de l'impôt sur le revenu, bientôt le « bouclier fiscal » pour protéger les riches, le relèvement du plafond de l'exonération du plan d'épargne en actions, le PEA, une forte hausse du seuil de cession pour l'exonération des plus-values sur valeurs mobilières, la hausse du seuil d'exonération des droits de succession sur les entreprises individuelles, le renforcement des exonérations des plus-values immobilières, l'exonération totale des plus-values réalisées sur les actions détenues plus de huit ans, et j'en passe, le tout, sans aucune évaluation préalable !

Les recettes fiscales sont atones. La loi de finances initiale prévoyait 277 milliards d'euros de recettes fiscales nettes ; c'est une estimation optimiste, puisque ces évaluations ont été révisées à la baisse dans le projet de loi de finances pour 2006, à hauteur de 272 milliards d'euros. Finalement, ce collectif budgétaire prévoit un montant de 270 milliards d'euros, soit 7 milliards d'euros de moins que l'évaluation initiale ! Ces moins-values représentent 0, 4 point de PIB, et 2, 5 % des recettes fiscales. L'écart est important entre les prévisions et la réalité !

Pour ce qui est des dépenses, le collectif budgétaire annule au total plus de crédits qu'il n'en ouvre. La régulation a, du reste, été particulièrement forte en 2005 ! C'est que l'exercice budgétaire pour 2005 manque autant de sincérité que les exercices précédents : le Gouvernement persiste, depuis la loi de finances pour 2003, à inscrire des crédits budgétaires qui ont, en réalité, vocation à être annulés, parfois même dès le mois de janvier, au mépris des votes du Parlement.

Selon le Gouvernement lui-même, ce sont plus de 6 milliards d'euros de crédits, initialement prévus, qui auront été annulés pour gager les décrets d'avance.

Contrairement à l'année précédente, le solde des ouvertures nettes dans le collectif est négatif de 100 millions d'euros, compte tenu des annulations de 1, 1 milliard d'euros, dont 730 millions d'euros représentent des économies constatées sur la charge de la dette ; je crains qu'il n'en aille pas de même pour les années à venir.

Les annulations de crédits ont touché particulièrement, de manière stupéfiante, la recherche, l'emploi, les interventions économiques et sociales, ainsi que les investissements. Les effets récessifs de ces annulations seront donc aussi importants que lors des années précédentes.

Les effets négatifs des annulations massives et répétées se font sentir sur le terrain, notamment dans le secteur associatif qui joue pourtant un rôle essentiel en matière de prévention et de lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement a semblé redécouvrir ce rôle après l'explosion sociale de ces dernières semaines, mais il n'est pas allé jusqu'à rétablir la totalité des crédits annulés en 2005 !

Parmi les lignes budgétaires sacrifiées sans aucune explication, ni justification, on peut relever les dispositifs d'insertion des publics en difficulté, les subventions concourant à améliorer la compétitivité des entreprises, les subventions pour la construction de logements sociaux, les aides en faveur de l'emploi outre-mer, les subventions d'intervention et d'investissement en faveur du développement social urbain, les subventions d'investissement aux transports urbains et interurbains, le programme « Gestion durable de l'agriculture », les subventions d'équipement pour la justice, le développement de la pratique sportive...

Après trois années, la régulation budgétaire, présentée au départ comme la constitution de réserves de précaution, apparaît tout simplement comme une remise en cause systématique, incohérente et dangereuse de l'action de l'État, de ses investissements et de l'action des acteurs publics, parapublics ou associatifs qui contribuent à la mise en oeuvre des politiques publiques. De plus, par ses effets récessifs, elle contribue à la dégradation de tous les indicateurs économiques et sociaux.

Et cette régulation budgétaire n'a pas empêché la dépense publique de progresser de deux points de PIB depuis 2002 !

La norme de progression de la dépense dite « zéro volume » n'est que le slogan d'une publicité que l'on pourrait qualifier de mensongère ! La seule débudgétisation des allégements de cotisations représente l'équivalent d'une progression de 0, 4 % en volume. On ne peut pas dire qu'il faut investir en faveur de l'emploi et de la cohésion sociale tout en annulant des crédits à longueur d'année.

De plus, le montant des dépenses fiscales, d'environ 50 milliards d'euros, est supérieur à la charge de la dette, mais aussi au déficit public ! Autrement dit, sans ces dépenses fiscales, les comptes publics seraient équilibrés ! Or, elles représentent plus de 20 % des recettes fiscales nettes de l'État.

Enfin, pour ce qui est des allégements de cotisations sociales salariales, non conditionnés, leur efficacité est de plus en plus contestée à mesure que leur coût augmente, plus de 20 milliards d'euros en 2006.

On ne peut ainsi que constater la dégradation de nos comptes publics et, notamment, la progression, qui paraît inexorable depuis le retour de la droite au gouvernement en juin 2002, du poids de la dette publique. D'ailleurs, le projet de budget pour 2006 affiche, malgré une prévision de croissance de 2, 25 %, à la fois un creusement du déficit budgétaire et un gonflement de la dette publique.

La situation des finances publiques ne semble pas, hélas ! prête de s'améliorer. Il semble bien que le déficit public pourrait atteindre 3, 2 % en 2005, puis 3, 5 % en 2006.

À partir de 1997, la gauche avait qualifié la France pour l'euro, respecté les critères du pacte de stabilité et corrigé les inégalités et les injustices de la politique conduite depuis 1993. Depuis juin 2002, la France n'a jamais respecté ces critères !

Le fonds de réserve pour les retraites est laissé en friche depuis 2002, alors que les recettes provenant des privatisations sont supérieures à 30 milliards d'euros pour EDF et les autoroutes !

Le Gouvernement prétend affecter ces recettes de privatisation au désendettement. Mais, depuis 2001, la dette publique a explosé, avec une progression de près de deux points de PIB par an, en moyenne, depuis quatre ans.

Où sont passées, et où vont passer les recettes de privatisation qui n'ont pas été et ne seront pas affectées au fonds de réserve pour les retraites et qui n'ont pas non plus servi, du moins jusqu'à présent, à réduire le poids de la dette publique ? Nous n'avons pas oublié que le fonds de réserve pour les retraites devait être doté de 150 milliards d'euros à l'horizon 2020, pour réduire les besoins de financement futurs liés aux retraites du secteur privé. Même les dirigeants d'entreprises s'en émeuvent !

Le déficit public est très supérieur au plafond de 3 % prévu par le pacte de stabilité, et ce, depuis trois ans, et sans perspective crédible de rétablissement à court terme.

La situation budgétaire ne s'améliore pas, notamment à cause d'une politique de baisses ciblées de certains impôts, qui privilégie quelques-uns au détriment de la croissance pour tous.

Le déficit budgétaire ressortait en effet à 45, 4 milliards d'euros en exécution dans le projet de loi de règlement pour 2004 ; il était fixé à 45, 2 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2005 ; le présent projet de loi de finances rectificative le fait ressortir à 44, 1 milliards d'euros.

En réalité, le déficit budgétaire sera de 46, 8 milliards d'euros, compte tenu de la consommation en 2005 de près de 3 milliards d'euros de crédits reportés. Le fait que ce chiffre de 46, 8 milliards d'euros prévus en exécution soit presque identique à celui qui a été voté pour 2006 est la preuve que le budget pour 2006 ne prévoit aucune amélioration réelle des comptes publics, et la situation budgétaire ne connaît également aucune amélioration pour la période 2004-2006, ni en valeur absolue, ni en proportion du PIB.

La France est endettée, mais le Gouvernement réduit, je le répète, les ressources de l'État en multipliant les cadeaux fiscaux aux contribuables les plus aisés et déjà les plus choyés.

Pourtant, il est plus légitime d'accroître la dette de l'État pour investir dans une entreprise que de privatiser des autoroutes pour se désendetter à court terme, sans s'occuper du désendettement de l'État sur le moyen et le long terme !

Mais, depuis le retour de la droite au gouvernement, l'endettement a repris une progression aussi inquiétante que dynamique !

La dette publique pèse 65, 8 % du PIB en 2005. Son niveau d'aujourd'hui et sa dynamique actuelle sont insupportables. Encore faudrait-il ne pas prendre des mesures qui remettent en cause nos politiques de solidarité !

Contrairement à ce que beaucoup continuent à croire, il n'y a pas de lien automatique entre le niveau de la dépense et le poids de la dette.

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