Intervention de Philippe Marini

Réunion du 19 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2005 — Article 18 ter

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

L'article 18 ter, que cet amendement tend à supprimer, vise à permettre la validation législative des prélèvements pour dépassement de la quantité de référence individuelle des producteurs de lait recouvrés par l'ONILAIT, l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, au cours de la campagne 2004-2005, ainsi que l'affectation de leur produit au financement des aides à la cessation de l'activité laitière.

Cet article a été inséré dans le collectif budgétaire parce que les modalités desdits prélèvements sont plus contraignantes que celles qui résultent de la stricte application des textes communautaires. En effet, alors que la législation communautaire impose aux États membres de répercuter, uniquement en cas de dépassement des quantités nationales de référence, le prélèvement sur les producteurs ayant contribué à ce dépassement, la France a institué un prélèvement systématique pour dépassement de la quantité individuelle de référence des producteurs laitiers, même en cas de non-dépassement global des quantités nationales.

La réglementation communautaire dont il s'agit date de septembre 2003. Depuis lors, la pratique française est donc en contradiction avec le droit communautaire. Aucune base législative ne fondait l'ONILAIT à effectuer des prélèvements pour dépassement des quotités laitières individuelles.

Les motivations ayant amené l'introduction de cet article sont tout à fait légitimes, toutefois la suppression de ce dernier est proposée pour les raisons suivantes.

Tout d'abord, cette proposition de validation tardive est irrespectueuse des droits du Parlement. Le problème, monsieur le ministre, était connu des services du ministère de l'agriculture depuis plusieurs mois. Par conséquent, la disposition présentée aurait dû, pour le moins, figurer dans le projet de loi de finances rectificative initialement élaboré par le Gouvernement, plutôt que d'être insérée grâce à l'intervention d'un excellent collègue député.

En tout état de cause, l'article 18 ter présente un risque manifeste d'inconstitutionnalité. En effet, la pratique des validations législatives est aujourd'hui strictement encadrée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et par la jurisprudence communautaire. La validation doit être justifiée par la poursuite d'un objectif d'intérêt général suffisant. En outre, un motif purement financier n'est pas recevable, à moins que les montants concernés soient tels qu'ils fassent peser une menace économique, sociale ou budgétaire. Or je crains que la vraie motivation ne soit financière. Sur ce plan, l'enjeu s'élève à 18 millions d'euros : c'est beaucoup, mais c'est insuffisant au regard du contrôle de proportionnalité exercé par le juge constitutionnel.

Par ailleurs, l'objectif de maîtrise de la production laitière et de poursuite de la restructuration de cette dernière ne saurait constituer, me semble-t-il, un objectif d'intérêt général suffisant au regard des critères définis par le juge constitutionnel.

Pardonnez-nous, monsieur le ministre, d'adopter cette position, mais nous nous efforçons d'être rigoureux en ce qui concerne les validations législatives. Celle qui nous est présentée ne nous semble pas entrer tout à fait dans l'épure.

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