Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi doit-elle fixer les règles de recrutement des entreprises publiques ? Telle est la question posée par cet article, qui nous invite à faire des sociétés de l’audiovisuel public la « vitrine » de la discrimination positive.
Introduit dans le projet de loi à la suite de l’adoption d’un amendement déposé par le député Frédéric Lefebvre, un tel article pose de nombreuses difficultés.
C’est de manière disons raisonnable que le rapport au fond souligne notamment ceci : « Votre commission attache de l’importance aux actions conduites par France Télévisions dans ce domaine et l’encourage à les renforcer. Ainsi qu’il a été dit précédemment, cette action se traduit notamment par le volet ressources humaines du plan du groupe pour l’intégration, qui est axé à la fois sur la promotion interne, sur l’accès à l’emploi et sur la formation.
« Toutefois, cet article nouveau pose plusieurs difficultés : il ne se rattache à aucun texte en vigueur ; il semble encourager une politique dite “ d’action positive ”, notamment dans le domaine du recrutement […] ; votre commission a déjà exprimé ses réticences sur le caractère réducteur de l’appréhension de la diversité de la société française au travers du critère ethnoculturel ; enfin, cette disposition est-elle nécessaire alors que l’article 1er B confie à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, le soin de remettre un rapport au Parlement sur cette question […] ? »
Tout ce développement conduit d’ailleurs la commission des affaires culturelles à proposer la suppression de l’article.
Pour être tout à fait clairs, et en adéquation avec notre position sur l’article 1er B, nous sommes sur la même longueur d’onde.
Pour autant, revenons quelques instants sur les termes mêmes de l’article : « Les sociétés nationales de programme visées à l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication mènent une politique de développement des ressources humaines visant à lutter contre les discriminations, notamment ethnoculturelles, et à mieux refléter la diversité de la société française. »
Autrement dit, les discriminations dans notre pays seraient d’ordre ethnoculturel...
Comme si la vague de pseudo-réformes que connaît notre pays depuis le printemps 2007 avait permis d’occulter que les discriminations existant dans notre pays participent d’abord de l’appartenance sociale, de l’origine sociale et souvent géographique, trop souvent aussi de l’identité sexuelle, tout autant que de l’origine ethnique, notion pour le moins discutable et parfaitement antirépublicaine.
Car, faute de disposer de statistiques précises en la matière, nous en restons au domaine et au champ de la spéculation intellectuelle.
Et ceux qui utilisent l’argument ethnique sont ceux-là mêmes qui veulent faire oublier aussi rapidement que possible que les inégalités sociales sont la matrice dont naissent les principales discriminations dans notre pays.
Demander demain à l’audiovisuel public de se donner « bonne conscience » et d’atteindre quelques objectifs quantifiés revient à introduire une règle de quota de recrutement qui fait fi de la réalité.
La réalité, c’est, par exemple, que l’on sabre, année après année, les moyens de l’éducation nationale, outil essentiel de l’égalité d’accès à toute fonction pour les jeunes issus de toutes les conditions sociales ou communautés culturelles ou linguistiques.
C’est le gouvernement qui quantifie chaque année l’expulsion des sans-papiers et sanctionne les préfets n’en faisant pas réaliser suffisamment dans leur département qui demanderait à France Télévisions ou à Radio France de recruter des personnels de nationalité française issus de l’immigration au seul motif de ce qualificatif !
C’est le même gouvernement qui, prenant appui sur la loi de modernisation de l’économie et la création de la société Audiovisuel extérieur de la France, conduit une politique de restriction des effectifs issus de Radio France Internationale, ou RFI, en supprimant les émissions réalisées dans certaines langues au demeurant assez largement parlées sur le territoire hexagonal lui-même !
C’est aussi le même gouvernement qui, en asphyxiant financièrement France Télévisions, la met en situation de réaliser des centaines de suppressions d’emplois pour parvenir à l’équilibre financier !
Laissons au dialogue social interne propre aux sociétés de programme, dans le cadre d’une gestion prévisionnelle des emplois et compétences, comme dans toute grande entreprise qui se respecte et observe les règles de la négociation collective, le soin de prendre en compte la promotion de la diversité d’origine des salariés de l’audiovisuel public ! D’autant qu’il ne nous semble pas que l’audiovisuel public ait forcément failli en la matière, contrairement à ce que l’on voudrait laisser accroire.
Nous nous opposons donc clairement à cet article.
Lutter contre les discriminations dans notre pays, c’est changer globalement de politique sociale, de politique en matière d’immigration, de politique économique et fiscale, de politique en matière d’éducation !
Ce n’est pas en adoptant des mesures plus que discutables que nous y parviendrons.
Aussi, nous voterons pour la suppression de cet article.