Intervention de Michel Dreyfus-Schmidt

Réunion du 8 juin 2006 à 9h30
Immigration et intégration — Article 5

Photo de Michel Dreyfus-SchmidtMichel Dreyfus-Schmidt :

Le texte dont nous discutons sera vraiment difficile à lire. Je rappelle que c'est la trentième fois que l'on modifie la loi sur l'immigration et nous souhaitons donc bien du plaisir aux magistrats, en particulier ceux de l'ordre administratif, tant il est vrai que vous laissez aux autres magistrats de moins en moins d'occasions de se prononcer en la matière.

Dans cet article 5, le Gouvernement commence par dire que « la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration de l'étranger [...] en particulier au regard de son engagement à respecter les principes qui régissent la République française ». Or cela n'est pas nouveau. En effet, L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définit déjà le contenu du contrat d'accueil et d'intégration.

Dès lors, l'on peut se demander si cette mesure ne fait pas double emploi.

En effet, en ce qui concerne le contrat d'accueil et d'intégration, le Gouvernement a prévu, d'une part, un décret en Conseil d'État pour en fixer les conditions d'application.

D'autre part, dans le cas qui nous occupe, un décret en Conseil d'État devra, cette fois, définir l'engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française et donc ce qu'ils représentent.

Cela ne fait-il pas double emploi ? S'agit-il d'un nouveau décret en Conseil d'État, ou est-ce le même que celui dont nous avons déjà parlé ?

Par ailleurs, M. le rapporteur nous propose de reprendre l'intégration républicaine - nous avons déjà dit ce qu'il fallait en penser.

Enfin, est abordé le sujet précis que constitue l'avis du maire de la commune.

Nous avons déjà fait remarquer - mais nous n'avons pas obtenu de réponse - que l'on ne voyait pas très bien comment le maire de Paris, celui de Marseille ou celui de Lyon, notamment, pourraient donner un avis sur la manière dont s'est comporté un étranger, et ce tout simplement parce qu'ils n'en savent strictement rien ! Par conséquent, faut-il solliciter un tel avis ? N'est-ce pas une perte de temps que de demander un avis à quelqu'un dont on sait parfaitement qu'il ne peut en avoir un ?

Dès lors, la question se pose de savoir si le Gouvernement ne souhaite pas écarter les grandes villes, et à partir de combien d'habitants ?

Au reste, il ne serait pas normal que l'on demande l'avis pour les uns et pas pour les autres. Or le texte qui nous est proposé revient très exactement à cela.

De surcroît, nous savons parfaitement que le rôle des maires - c'est d'ailleurs ce que vient de confirmer l'Association des maires - n'est pas de donner un avis sur la question, étant entendu que certains d'entre eux pourraient être tentés de donner systématiquement un avis favorable, alors que d'autres émettraient, au contraire, ce qui me paraît vraisemblable, un avis négatif. C'est pourquoi nous ne sommes vraiment pas d'accord avec une telle proposition.

La commission des lois du Sénat propose de supprimer ce qui avait été décidé par l'Assemblée nationale, à savoir que l'avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire. Or, en cas de suppression de cette disposition, le maire disposera d'un moyen très simple : ne pas répondre. Ainsi, la préfecture continuera à attendre l'avis du maire qui ne viendra jamais, ce qui sera une manière non seulement de donner un avis, mais aussi et surtout de bloquer le processus.

C'est pourquoi nous ne pouvons absolument pas voter cet article 5, dont nous demandons la suppression.

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