Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 8 juin 2006 à 9h30
Immigration et intégration — Article 5

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Je ne reviendrai pas sur les remarques concernant la légitimité du contrat d'accueil et d'intégration.

Je me contenterai d'insister sur la prise en compte de l'avis des maires par les préfets dans l'appréciation de l'intégration des migrants.

Je ferai, tout d'abord, une remarque d'ordre général : nous avons l'impression que le Gouvernement est obsédé par le fait d'octroyer encore plus de pouvoirs exorbitants aux maires de France. Il y a peu, le projet de loi pour l'égalité des chances comportait des dispositions qui augmentaient déjà de façon inacceptable les pouvoirs des maires.

Ainsi, le Gouvernement semble vouloir faire du maire une sorte de premier délateur des familles de sa commune qui seraient à l'origine des difficultés scolaires et sociales que rencontrent certains enfants.

Quant au projet de loi dit de « prévention de la délinquance », il tend également à faire du maire un « super shérif ».

Enfin, à travers les dispositions du présent projet de loi, trop imprécises, vous voulez un fois de plus renforcer le pouvoir exorbitant du maire. Or ce dernier n'est absolument pas partie au fameux contrat d'intégration et d'accueil. Il ne pourra même pas s'immiscer dans le contrôle effectif des conditions d'octroi des titres de séjour.

Par conséquent, monsieur le ministre, que les choses soient claires : je ne remets pas ici en cause l'intégrité et la moralité de la majeure partie des maires de France, qui sont avant tout, bien entendu, les premiers acteurs sur le front de la citoyenneté et de la démocratie locale et qui se dévouent pour leurs administrés.

Cependant, il ne leur sera matériellement pas possible d'assumer cette charge supplémentaire de travail. En effet, - vous le reconnaîtrez sans doute - pour que l'avis du maire soit juste, il conviendra que celui-ci puisse rencontrer le migrant et sa famille, puisqu'une partie des critères repose sur la manière dont ce dernier peut être amené à se comporter avec sa famille.

Or comment les maires trouveront-ils le temps ou les moyens humains de remplir correctement cette mission ? Il ne s'agit pas ici de donner son avis sur un point quelconque ; il s'agit pour le maire de donner un avis dont dépendra la vie de personnes, voire de familles entières, sur leur séjour et leur avenir en France.

Ce sujet ne peut et ne doit pas être traité avec légèreté.

Enfin, il est un point qui, certes, est plus subjectif, mais qui ne peut être négligé.

Avec le mécanisme d'avis que vous proposez, que se passera-t-il dans les communes dont les maires sont, nous le savons bien, idéologiquement opposés à la présence d'étrangers ?

Monsieur le ministre, quelles mesures de contrôle, quelles garanties, et même quels recours avez-vous prévus face aux maires qui s'opposeraient systématiquement aux étrangers et émettraient des avis négatifs sur toutes les demandes adressées par la préfecture ?

Je vous demande de faire preuve d'un peu de sincérité et de bon sens et de supprimer ce dispositif qui donnerait tout pouvoir aux maires et priverait l'État de prérogatives indissociables de sa souveraineté.

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