Ainsi, un ouvrier de 35 ans peut aujourd’hui espérer une vie sans incapacité sensorielle ou physique – déplacements normaux, pas de gênes ou de maux de dos chroniques, aucune forme de surdité, … – jusqu’à 59 ans. Cette espérance est de 69 ans chez les cadres, soit dix ans de plus.
Les inégalités sociales se doublent donc d’inégalités d’espérance de vie sans incapacité : une sorte de double peine, mais aussi un élément essentiel pour toute réforme des retraites, bien que la majorité refuse de le prendre en compte.
Si, à 59 ans en moyenne, une personne exerçant un métier pénible souffre de problèmes de santé, je vous demande dans quelle mesure elle pourra continuer à exercer son activité professionnelle ; à moins, bien sûr, qu’elle puisse partir à la retraite en renonçant à sa pension à taux plein et rejoigne ainsi la masse des retraités vivant au-dessous du seuil de pauvreté.
Depuis 1990, le minimum vieillesse progresse moins vite que le niveau de vie médian – pour ce concept, comme pour le salaire médian, il faudrait aussi pouvoir bien expliquer les choses – et les pensions sont indexées sur les prix, non plus sur les salaires bruts. Le taux de pauvreté des personnes de plus de 60 ans ne se réduit plus et 4 % des retraités touchent le minimum vieillesse. Ce taux s’accroît même pour les personnes seules ne percevant qu’une pension de réversion, autre élément que la majorité n’a sans doute pas pris en compte pour mieux perpétuer ces inégalités de droits.
Il est vrai que le Président de la République, dans la logique qu’il fait prévaloir, tente de façon scandaleuse de monter les salariés du secteur privé contre les fonctionnaires, en faisant sans cesse passer ces derniers pour des privilégiés.
Où sont les privilégiés, lorsque l’on entend que l’ancien président-directeur général de L’Oréal touche une retraite de 3, 3 millions d’euros par an ?
Pensez-vous, mes chers collègues, qu’une infirmière exposée à de lourdes charges physiques et mentales, qu’un sapeur-pompier dont les activités sont pour le moins dangereuses, que tous les fonctionnaires, en général, concernés par un devoir de continuité de leur activité, travaillant à un rythme décalé et sacrifiant leur vie sociale, personnelle et leur santé pour le service public – sans parler du rôle social qui est le leur – sont des privilégiés ?
Par ailleurs, les départs à la retraite d’agents ayant au moins quinze ans de service actif ne représentent que 27 % des départs dans la fonction publique de l’État, 7 % dans la fonction publique territoriale et 66 % dans la fonction publique hospitalière. Mais qu’importe, puisque l’argument comptable du Gouvernement devient caduc dès lors que la CNRACL compte 2, 3 cotisants pour un retraité et qu’elle participe ainsi à la solidarité nationale en renflouant les caisses déficitaires.