Monsieur le ministre délégué, il est dit, à l'article 5, que « la délivrance de la première carte de résident est subordonnée à l'intégration de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française ».
Il est en outre précisé que le maire de la commune de résidence sera saisi pour avis sur ce point. Or, pour avoir exercé pendant douze ans les fonctions de maire, je suis extrêmement dubitatif, encore que le mot soit faible, devant cette idée de solliciter à cet égard l'avis des maires.
En effet, comment fonderont-ils leur avis, monsieur le ministre délégué ? Une commune peut compter des milliers, des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d'habitants. Si je comprends bien, un maire devra donc contrôler le respect par les candidats à une première carte de résident des principes qui régissent la République française, c'est-à-dire qu'il devra vérifier que les personnes concernées respectent le principe d'égalité, le principe de liberté, le principe de fraternité, le principe de laïcité...
Monsieur le ministre délégué, comment cela va-t-il se passer en pratique ? Il faut être objectif : le maire, ou telle ou telle autre autorité publique, d'ailleurs, peut certes indiquer que la personne a commis un délit ou un crime, qu'elle s'est rendue coupable d'une infraction, mais, au-delà, devra-t-il se rendre à son domicile pour vérifier sur place qu'elle respecte les principes que j'ai rappelés ? Comment le maire procédera-t-il ?
Je ne souhaite pas que l'on en arrive là, mais, pour se forger une opinion, le maire devra nécessairement pénétrer dans la vie privée des intéressés, faire procéder à un certain nombre d'enquêtes sur leur vie afin de déterminer s'ils se comportent conformément aux principes d'égalité, de liberté, de fraternité et de laïcité à l'égard de leur conjoint, de leurs enfants, de leurs collègues de travail, de leurs voisins ...
Cette disposition me semble par conséquent tout à fait irréaliste. Elle permettra, le cas échéant, à des maires qui voudront freiner l'attribution de titres de séjour de donner un avis négatif ou réservé, mais encore faudra-t-il qu'ils justifient que le demandeur ne respecte pas les principes de la République française. Peut-être ce dispositif offrira-t-il, en outre, un fondement juridique à toute une série de démarches de nature inquisitoriale qui pourront être mises en oeuvre par quelques maires. Je regretterais vivement qu'il en aille ainsi.
Dans ces conditions, nous ne pouvons qu'exprimer les plus grandes réserves devant cette disposition, et nous ne pourrons que les maintenir tant que nous n'aurons pas obtenu d'explications satisfaisantes.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous dire ce que recouvre substantiellement, concrètement et précisément la vérification par le maire du respect, par un particulier, des principes de la République française ?