Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 8 juin 2006 à 15h00
Immigration et intégration — Article 7, amendement 287

Christian Estrosi, ministre délégué :

Certes, mais, au-delà de ces seules filières, nous pourrions avoir beaucoup plus d'étudiants étrangers inscrits dans les formations touchant à l'ingénierie ou aux sciences de la vie.

Le parcours administratif des étudiants en France est trop complexe, au point de décourager les meilleures volontés, si bien que les candidats préféreront rejoindre les universités britanniques, canadiennes, américaines ou australiennes.

Le Gouvernement ne peut que partager l'analyse qui a été faite en la matière. Le constat est simple : par rapport à l'accueil qui est réservé aux étudiants étrangers dans d'autres grandes démocraties du monde et sur d'autres continents, nous avons beaucoup d'efforts à accomplir pour rattraper nos retards.

Je veux remercier M. Legendre d'avoir souligné que la mobilité internationale des étudiants fait l'objet d'une compétition intense entre pays occidentaux. Le Gouvernement est conscient que la France doit poursuivre, voire accentuer ses efforts afin d'attirer des étudiants étrangers. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu des mesures de simplification administrative, notamment la délivrance automatique d'une carte de séjour ou la création d'une carte pluriannuelle. C'est également la raison pour laquelle nous cherchons à ouvrir le marché du travail aux titulaires d'un master. Nous allons d'ailleurs tenter ensemble dans un instant de perfectionner encore le dispositif, monsieur Frimat.

C'est pourquoi aussi nous voulons généraliser les centres pour les études en France. Cette appellation, c'est tout un programme ! La France dispose d'ores et déjà de centres pour les études en France dans dix pays ; elle en aura vingt au 1er janvier 2007. Ces centres jouent un rôle décisif pour informer les étudiants étrangers et mieux organiser leur sélection en liaison avec les universités françaises d'accueil.

Je souligne que l'aspect le plus important de la politique gouvernementale porte précisément sur une meilleure coopération entre les postes consulaires chargés de la délivrance des visas de long séjour pour études et les universités, qui conservent la maîtrise des inscriptions universitaires. Cette coopération est organisée par la convention prévue au 1° du II du texte proposé par l'article 7 pour l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Je voudrais également rassurer Mme Cerisier-ben Guiga. Le Gouvernement est conscient que les centres pour les études en France doivent travailler main dans la main avec les consulats, et nous veillerons à résoudre le plus vite possible les difficultés qu'elle nous a signalées à Annaba.

Par ailleurs, je récuse le procès d'intention que nous a intenté Mme Borvo Cohen-Seat. L'étudiant étranger n'est pas un suspect en puissance. Nous souhaitons que les étudiants qui viennent en France réussissent leurs études, ce qui implique qu'ils soient bien sélectionnés, non pour en accueillir moins, mais pour veiller à ce que les filières qu'ils choisissent correspondent à leur parcours académique antérieur et à leurs aptitudes.

Il ne paraît pas raisonnable d'autoriser un étudiant étranger à aller au-delà d'un travail à mi-temps en plus de ses études. Mais nous allons en débattre dans quelques instants, puisque des amendements ont été déposés sur ce thème.

Il reste une question que le texte ne pouvait pas traiter, mais que nous n'oublions pas pour autant : il s'agit du logement des étudiants étrangers.

Je tenais à insister sur ces différents points.

Très sincèrement, je ne comprends pas l'objet de cet amendement de suppression déposé par le groupe CRC, ni d'ailleurs celui de l'amendement dont nous débattrons dans quelques instants.

Nous avons une volonté commune : permettre à un plus grand nombre d'étudiants étrangers de venir en France, notamment sur la base des valeurs qui ont été soulignées par Jacques Legendre.

Il s'agit, en particulier, du rayonnement international de la France dans le monde. Plus nous accueillerons d'étudiants étrangers en France, plus nous leur permettrons de parvenir au meilleur niveau de formation et de qualification possible, plus nous les aiderons à bénéficier d'une première expérience professionnelle de haut niveau dans notre pays pour en faire ensuite profiter leur pays d'origine et plus nous contribuerons tant au codéveloppement qu'au rayonnement international de la France et de la francophonie, dont vous êtes un grand ambassadeur, monsieur le sénateur.

Dans ces conditions, pourquoi vouloir supprimer l'article 7 ? Certes, cet article ne résout pas tout et n'apporte pas toutes les réponses à l'ensemble des questions qui nous sont posées en matière d'accueil d'étudiants étrangers dans notre pays. Mais il constitue une avancée importante sur des sujets relevant notamment des compétences et des responsabilités du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Je n'ouvrirai pas un débat sur la question de l'organisation de l'enseignement supérieur de notre pays. Cela relève de la compétence du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais, nous le savons bien, il existe un problème s'agissant de l'organisation de nos universités : celle-ci est très différente de celle des universités américaines.

En ce moment s'ouvre une grande discussion sur l'autonomie des universités. Dans certains pays, des industries et des entreprises participent à la politique de recherche et d'attractivité d'étudiants étrangers. La France n'a pas la même organisation.

Nous pourrions discuter pendant des heures des mérites respectifs de tel ou tel système. Pour ma part, je ne donnerai pas d'avis personnel. Je constate simplement que l'organisation universitaire dans notre pays n'apporte pas toutes les réponses attendues.

Je souhaite à présent aborder une autre question : celle du logement. Accueillir des étudiants sans bénéficier d'une capacité de logement et d'hébergement constitue bien évidemment un véritable problème. La France doit se doter d'une politique de logements à la fois pour les étudiants français et pour les étudiants étrangers que nous souhaitons accueillir, car ceux-ci sont confrontés à de nombreuses difficultés.

En tant que président d'un conseil général, je connais bien ce sujet. Là encore, les collectivités départementales ont un rôle important à jouer et des initiatives à prendre. Pour ma part, avec le conseil général que j'ai l'honneur de présider, j'ai mis en place une politique de construction de cinq mille logements pour les étudiants sur les trois ans à venir. Une part importante de ces logements sera destinée à des étudiants étrangers. En effet, ma collectivité a fait le choix de renforcer la politique menée par le Gouvernement pour attirer des étudiants étrangers sur notre territoire national.

Nous pourrions également évoquer les initiatives d'un certain nombre de collectivités locales. Ainsi, j'ai passé un accord avec Sciences-Po pour accueillir le premier cycle « Moyen Orient-Méditerranée » de cette école à Menton. Nous y accueillerons 50 % d'étudiants français et 50 % d'étudiants originaires des pays du Maghreb, qui seront orientés vers les filières de science politique et d'économie spécialisées sur la Méditerranée. C'est un choix de ma collectivité d'avoir tissé un partenariat de ce type avec une grande école française.

Nous le voyons bien, l'organisation institutionnelle de notre pays est ainsi faite que ce n'est bien évidemment pas dans ce seul projet de loi que nous pourrons répondre à tous les problèmes liés à l'accueil des étudiants étrangers en France.

Mais, en tout état de cause, dans cet article 7, le ministère de l'intérieur, qui est en charge de la coordination de la politique de l'immigration, propose des dispositions tendant à faciliter le parcours administratif des étudiants étrangers que nous voulons accueillir dans notre pays.

C'est pourquoi les amendements de suppression, tant celui-ci que celui dont nous débattrons dans quelques instants, n'ont pas lieu d'être. Il serait donc plus raisonnable de les retirer. Nous devons en effet profiter de l'examen de cet article pour ouvrir un débat nous permettant d'aller plus loin. Des amendements constructifs ont été déposés sur l'ensemble de ces travées ; nous en débattrons dans quelques instants.

Bien entendu, dans l'hypothèse où l'amendement n° 287 serait maintenu, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

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