J'ai bien évidemment écouté avec beaucoup d'attention les différents orateurs qui sont intervenus sur l'article 10, ainsi que ceux qui ont défendu des amendements.
Pour ma part, je tiens à affirmer, au nom du Gouvernement, que l'article 10 est l'article central de la réforme de l'immigration du travail. Avant de donner mon avis sur chacun des amendements, je souhaite donc insister sur un certain nombre de points.
Quel est le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui ? On peut dresser un état des lieux.
Les flux migratoires sont déséquilibrés. En effet, l'immigration du travail représente à peine 6 % des premiers titres de séjour délivrés en 2005, soit 11 000 titres, contre 82 000 titres liés au regroupement familial.
Notre système est donc peu attractif et manque, de toute évidence, de visibilité. En outre, la procédure d'autorisation de travail avec vérification de la situation de l'emploi par les services des directions départementales de l'emploi et du travail est beaucoup trop lourde pour les secteurs où les entreprises souffrent de pénurie de main-d'oeuvre : nous en avons notamment l'exemple avec les 55 000 offres d'emploi non satisfaites aujourd'hui dans le domaine du bâtiment.
Quelles sont les solutions que nous préconisons ? Nous proposons trois mesures clés.
Tout d'abord, nous allons établir une liste de métiers et de zones géographiques caractérisés par des pénuries de main-d'oeuvre. La carte de séjour temporaire « salarié » sera délivrée sans que l'administration n'ait à vérifier la situation de l'emploi.
Ensuite, nous procéderons à une ouverture raisonnée du marché du travail, concernant en premier lieu les ressortissants des dix nouveaux États membres européens, pour une liste de métiers caractérisés par des difficultés de recrutement définies au plan national. Là encore, le recrutement se fera sans que l'administration ne vérifie la situation de l'emploi.
Enfin, nous lutterons contre le travail illégal dans des secteurs employant des saisonniers. Une carte « travailleur saisonnier » est créée. Elle est valable trois ans. Elle permettra à son titulaire de travailler en France pour une période de six mois maximum par an, en maintenant par conséquent sa résidence hors de France.
Qu'il me soit permis de dire un mot sur le travail illégal, contre lequel nous avons le devoir de lutter de toutes nos forces. C'est une exigence que nous devons avoir non seulement vis-à-vis de nous-mêmes, mais également vis-à-vis d'un certain nombre de pays tiers.
Dans le cadre de la Conférence internationale de la Méditerranée occidentale, la CIMO, que présidera jusqu'à la fin de cette année le ministre de l'intérieur et qui réunit les cinq ministres de l'intérieur des pays de la Méditerranée occidentale du Nord - Portugal, Espagne, France, Italie et Malte - et leurs homologues des cinq pays de la Méditerranée occidentale du Sud - la Mauritanie, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et la Libye- nous sommes parvenus, voilà quelques semaines, à Nice, à un accord. En effet, nous nous sommes engagés, avec les pays de la Méditerranée occidentale du Nord, à satisfaire les exigences des cinq pays de la Méditerranée occidentale du Sud, en renforçant notre lutte contre le travail illégal.
Il faut savoir que nos cinq partenaires de la Méditerranée du Sud, cinq pays du Maghreb, qui jusqu'alors n'étaient que des zones de transit entre les zones subsahariennes et la région des Grands Lacs, vers les pays de l'Union européenne, et plus particulièrement vers les pays de la Méditerranée du Nord, sont aussi devenus des pays de destination.
Naturellement, pour les aider dans la lutte contre le travail illégal qu'ils souhaitent mener avec nous de manière tout à fait solidaire et unie, nous devons leur apporter la garantie que la France ne conduit pas une politique attractive.
Dans tous ces domaines, nous mesurons l'importance de pouvoir, par les dispositions prévues à l'article 10, leur envoyer un certain nombre de signes allant dans ce sens.
Je tenais à fournir toutes ces précisions parce que je n'ai pas toujours eu le sentiment que les auteurs des différents amendements qui ont été présentés considéraient l'article 10 comme un pivot du dispositif en matière d'immigration du travail.
Au nom du Gouvernement et du ministre de l'intérieur, c'est donc un point que je voulais préciser et sur lequel je souhaitais mettre l'accent.
Je vous propose de donner maintenant l'avis du Gouvernement sur les différents amendements.
Les amendements n°s 159 et 160, qui sont des amendements de suppression, recueillent évidemment un avis défavorable.
L'amendement n° 298 a été défendu par Mme Borvo Cohen-Seat, ce qui est d'ailleurs étonnant dans la mesure où il est d'inspiration totalement libérale ! En effet, si l'on suivait Mme Borvo Cohen-Seat, on lèverait l'opposabilité de la situation de l'emploi dans tous les secteurs professionnels et dans toutes les régions ! Sincèrement, je considère que le Gouvernement est beaucoup plus raisonnable en proposant une ouverture maîtrisée des recrutements de travailleurs étrangers.
Cette vision libérale du marché de l'emploi n'est pas la nôtre ; elle vous appartient, soit, mais le Gouvernement y est totalement défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 299. Nous fixerons dans une liste nationale les métiers, comme le bâtiment, les travaux publics, l'hôtellerie, la restauration, et les zones géographiques où les employeurs pourront recruter des travailleurs étrangers.
C'est un fondement législatif que nous donnons à cette démarche, parce nous estimons que c'est au Parlement d'en débattre et qu'elle ne doit pas être une affaire de circulaires : les parlementaires doivent pouvoir discuter, évaluer, apporter un avis au Gouvernement sur l'état des lieux de ce dispositif qui sera dressé chaque année. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement n° 299.
L'amendement n° 16 est, à l'évidence, un amendement de précision. La liste qui déterminera les secteurs d'activité et les zones géographiques dans lesquelles la situation de l'emploi ne doit pas être opposée, compte tenu des difficultés de recrutement constatées, sera bien établie au niveau national, monsieur le rapporteur.
Le Gouvernement est donc totalement favorable à votre amendement
Il en va de même pour les amendements n°S 17 et 18, qui sont rédactionnels.
L'amendement n° 300, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, vise à supprimer la distinction entre les cartes de séjour selon qu'elles portent la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ».
Je veux préciser que la réglementation prévue par le code du travail n'est pas la même selon les catégories de travailleurs et qu'il convient, par conséquent, de les identifier clairement, tous n'ayant pas forcément vocation à s'établir durablement en France.
Les mentions apposées sur les cartes ne sont que le reflet de situations différentes et l'amendement proposé revient à nier, par amalgame, leur diversité. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n ° 113 rectifié a été présenté par Mme Payet ; je lui demanderai de bien vouloir le retirer. En effet, je rappelle que l'Assemblée nationale, par un amendement de M. Mamère, a clarifié la distinction entre les cartes portant la mention « salarié », qui correspondent à une activité d'une durée supérieure ou égale à douze mois, et les cartes portant la mention « travailleur temporaire », qui correspondent à une activité d'une durée inférieure à douze mois.
Cette clarification apparaît pertinente et n'appelle pas de modification.
Il est utile de prévoir la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'une durée inférieure à six mois pour l'exercice d'une activité professionnelle, mais à condition qu'il soit entendu que le contrat de travail sera toujours vérifié et visé par l'administration.
L'amendement n° 19 est rédactionnel et le Gouvernement, monsieur le rapporteur, y est favorable.
Comme la commission, le Gouvernement était défavorable à l'amendement initial n° 114 rectifié. Mais après rectification par ses auteurs, la précision « du fait de l'employeur » étant apportée, il émet un avis favorable sur l'amendement n° 114 rectifié bis.
S'agissant de l'amendement n° 161, le Gouvernement a autorisé, au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exercice d'activités commerciales aux commerçants étrangers désireux de s'installer en France et munis d'un titre de séjour. Il s'agit d'une importante mesure de simplification administrative, qui n'a cependant pas pour finalité de supprimer les contrôles préalables que l'administration est en droit d'opérer en vue d'accorder aux étrangers concernés l'autorisation d'exercer l'activité projetée.
Monsieur Frimat, il existait un malentendu entre nous. Il devrait, me semble-t-il, être dissipé par l'explication que je viens de vous fournir. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 161, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 162 tend à créer un statut de travailleur saisonnier qui n'existe pas dans le dispositif actuel.
La délivrance d'une carte de séjour d'une durée de trois ans au profit des travailleurs saisonniers, telle qu'elle est proposée dans le projet de loi, permet de mieux répondre aux besoins des travailleurs concernés, de rendre la procédure plus attractive et d'éviter un détournement de son objet.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 301. Madame Assassi, je veux vous rassurer sur le régime social des travailleurs saisonniers.
Selon la règle de principe, le travailleur saisonnier séjournant en France pendant six mois au maximum au cours d'une année donnée sera affilié pendant ses périodes d'activité au régime dont relève ladite activité et il en percevra les prestations.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, qui n'a plus de raison d'être.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 488.
Concernant l'amendement n° 302, il faut savoir que la limitation à six mois sur une année de la durée du travail saisonnier autorisée est liée au statut même de travailleur saisonnier puisque, au-delà de cette durée, cette notion n'a plus de raison d'être.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
La proposition formulée par les auteurs de l'amendement n° 303 revient à nier la notion même de travail saisonnier en reconnaissant aux intéressés le statut de travailleurs permanents. Elle ferait perdre sa spécificité et sa raison d'être au statut de travailleur, par nature temporaire, qui est celui du saisonnier. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir amélioré le projet de loi en déposant l'amendement n° 20. Ainsi est prise en compte la situation des salariés qui, étant titulaires d'un contrat de travail régi par le droit français, sont appelés à être détachés dans différents établissements d'un même groupe.
Il est utile de les faire bénéficier de la carte « salarié en mission ». Cependant, le Gouvernement s'interroge sur le dernier alinéa de cet amendement car, telle qu'elle a été conçue, la carte susvisée permet de faciliter les séjours répétés d'actifs venant dans notre pays pour quelques mois. Or, il n'est pas certain qu'il faille prévoir que leur famille puisse les rejoindre de plein droit.
Le sous-amendement n° 527 nous paraît régler la question. Le Gouvernement y est donc favorable et, sous réserve de son adoption, il émet un avis favorable sur l'amendement n° 20.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 489, qui est satisfait par l'amendement n° 114 rectifié bis auquel, je le rappelle, le Gouvernement est favorable.