Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 15 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Article 15

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Cet article prévoit le relèvement progressif des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi. En d’autres termes, il se contente de créer des chômeurs plus âgés que ceux que nous connaissons jusqu’à présent.

En effet, comme l’énonce le rapport, cet article vise uniquement à « mettre en cohérence les dispositifs relatifs à l’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi avec les mesures de relèvement des âges de retraite ».

C’est bien là où se situe le problème. Cet article n’a pour objectif que d’être une simple mesure de coordination afin de donner de la cohérence à des mesures, qui, lorsqu’elles sont prises toutes ensemble, constituent un texte injuste et idéologique.

Cet article, et plus généralement votre texte, n’apporte aucune solution pour réduire le chômage, notamment celui des seniors.

Au final, vous faites une double erreur : au lieu de tout faire pour que nos concitoyens puissent, d’une part, occuper un emploi au cours de leur vie active et, d’autre part, avoir à l’issue de cette période un vrai droit à la retraite, vous mélangez tout.

Vous devriez plutôt agir pour que, du sortir de l’école au moment de la retraite, les Français trouvent et conservent un emploi bien payé et de qualité, puis, arrivés à 60 ans, qu’ils jouissent d’un droit à la retraite bien mérité. Au lieu de cela, vous n’agissez pas pour réduire le chômage, tout en décidant de prolonger la durée de cette vie active en reculant l’âge de la retraite.

Prévoir que les chômeurs pourront maintenant percevoir des indemnités de chômage jusqu’à 67 ans ne résout rien. Vous créez simplement une nouvelle catégorie de chômeurs, plus âgés. Il s’agit donc d’un transfert de charges, qui pose d’ailleurs de gros problèmes aux partenaires sociaux, car ceux-ci ne savent pas encore comment cette mesure sera financée. Il est vrai que ce n’est pas votre souci, monsieur le ministre, puisque vous avez renvoyé les réponses à toutes ces questions à plus tard.

Si nous voulions être un peu ironiques, nous pourrions vous conseiller d’accompagner cette mesure de dispositions beaucoup plus prosaïques concernant l’aménagement des agences de Pôle emploi. Par exemple, équipez-les de davantage de sièges, car, passé un certain âge, attendre debout dans une file d’attente pendant des heures est fatiguant. Prévoyez également des rampes inclinées pour recevoir les chômeurs se déplaçant avec un déambulateur.

Alors que le chômage est un problème si grave dans notre pays, vous demandez à des personnes déjà âgées de se maintenir dans l’emploi et de se remettre, s’il le faut, à en chercher.

Finalement, le premier objectif de votre texte, comme l’a dit ma collègue Mathon-Poinat, est d’encourager le rapprochement entre les générations. À Pôle emploi aussi, les générations se donnent la main et cherchent ensemble du travail qui n’existe pas.

Les agents de Pôle emploi, dont nous saluons d’ailleurs le travail, vont devoir s’habituer à s’adresser à un public encore plus vaste. De 16 à 67 ans : tous au chômage et tous précaires ! Car à Pôle emploi se retrouvent tous les exclus du travail, tous les exclus de votre système, qui n’est construit que pour quelques-uns. Et quand ces mêmes personnes ont épuisé leurs droits chez Pôle emploi, savez-vous où on les retrouve ? À la Soupe populaire ou dans la rue, même à 67 ans !

Voilà pourquoi nous sommes contre cet article. Quant à l’ensemble de votre texte, il demeure dans le déni : il augmente les bornes d’âge et le nombre de trimestres nécessaires pour partir à la retraite, mais il fait tout cela sans se soucier de savoir si nos concitoyens ont du travail.

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