L'article 10 est important, car il a trait aux délocalisations.
Il est assez symptomatique que le débat sur les délocalisations ressurgisse dans des contextes déprimés, voire dépressifs : c'était le cas en 1993 - et M. Arthuis s'en souvient, puisqu'il avait rédigé un rapport à ce sujet - comme c'est le cas aujourd'hui, en 2004.
Mon propos n'est pas de banaliser les statistiques qui nous montrent que les délocalisations ne provoquent en réalité que 5 % des pertes d'emplois dans notre pays : je sais que, lorsqu'elles surviennent, elles sont très douloureuses et que localement, notamment dans les régions de mono-industrie, elles ont un effet désastreux et sont pourvoyeuses de malheur social.
Mais la menace de fond qui pèse sur la France comme sur l'Europe, c'est la perte de substance industrielle. Les délégations pour l'Union européenne tant du Sénat que de l'Assemblée nationale ont été saisies tout dernièrement d'un rapport du groupe de haut niveau sur la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi : il y est malheureusement constaté que seuls deux pays consacrent plus de 3 % de leur production intérieure brute à la recherche et au développement, et la France n'en fait pas partie.
La politique industrielle européenne est toujours inexistante, hormis des balbutiements dans le secteur de la défense. En France, l'effort en matière d'éducation et de recherche est très insuffisant, et il n'y a plus de politique industrielle. Le rapport du Conseil d'analyse économique de MM. Fontagné et Lorenzi, remis au Premier ministre le 18 novembre, lance à ce sujet un cri d'alarme et souligne l'urgence d'une réaction de la sphère publique, qui doit, que ce soit à l'échelon européen, à l'échelon de l'Etat ou à l'échelon des régions, concentrer ses efforts sur quelques priorités sectorielles et géographiques.
Les mesures qui nous sont proposées dans le projet de loi de finances représentent 360 millions d'euros. Elles sont évidemment très insuffisantes pour répondre au problème et - selon une phrase de M. Marini qui figure dans le rapport général - leur impact sera très difficile - quasiment impossible, ajouterai-je - à mesurer.
Nous sommes très loin du compte ! Il nous faut des politiques publiques volontaires en faveur de l'industrie, des mesures de rattrapage sectoriel : or elles ne se lisent pas dans les budgets qui nous sont soumis, pas plus en recettes qu'en dépenses. Tant que nous n'aurons pas consenti cet effort, nous rencontrerons des difficultés, et nous finirons - j'espère que ce n'est pas ce que veut la majorité gouvernementale et sénatoriale - par voir notre modèle social compromis.
Il faut donc plaider pour que l'Etat retrouve une politique industrielle qu'il a depuis longtemps perdue de vue.