Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 15, le Gouvernement entend procéder progressivement au relèvement des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi. C’est une conséquence directe du recul des bornes d’âge de la retraite.
Cette disposition n’est pas seulement technique, puisqu’elle entraînera un transfert de charges de la branche retraite sur les allocations chômage, notamment.
Comme nous le savons, la croissance reste faible. Si le Gouvernement table sur un taux de 2 % pour l’année prochaine, de nombreux experts estiment que le chiffre ne sera pas supérieur à 1, 3 %. Or nous savons qu’en dessous de 2 % le potentiel de création d’emplois est faible, voire nul selon certains commentateurs qui considèrent que la reprise pourrait s’effectuer sans baisse notable du nombre de demandeurs d’emploi.
S’ajoute à cela le fait que le Gouvernement a engagé une politique d’austérité qui aura, elle aussi, des conséquences sur le volume des demandeurs d’emploi.
La croissance n’est pas tout.
Il est indispensable de soutenir l’activité économique. Or, le Gouvernement a fait un choix contraire en menant une politique d’austérité. Les dépenses de l’État seront gelées en valeur pendant trois ans, c’est-à-dire qu’elles ne suivront même pas l’inflation, dont le taux est prévu à 1, 5 % en 2011, puis à 1, 75 % en 2012 et 2013.
Votre logique est donc contre-productive. Votre politique de rigueur va fragiliser le nécessaire soutien dont nos concitoyens et notre économie ont besoin.
De ce fait, nos chances de renouer avec la reprise économique sont amoindries et la baisse du nombre de demandeurs d’emploi est compromise.
Or, c’est bien l’emploi et son développement qui sont au cœur de la problématique. Le Gouvernement ne semble pas avoir pris conscience de cet enjeu majeur. Cette disposition en est une nouvelle illustration.
Comme nous l’avons vu non seulement au cours de la discussion générale, mais également à l’occasion de l’examen des articles, seulement 39 % des personnes de 55 à 64 ans sont en situation d’emploi. Dans la tranche comprise entre 60 ans et 64 ans, seulement 17, 1 % des personnes ont un emploi, soit quinze points de moins que la moyenne européenne.
À ce titre, selon une récente parution de Pôle emploi consacrée aux perspectives économiques, la hausse du chômage a été la plus marquée pour les demandeurs d’emploi de 50 ans ou plus, à hauteur de 7, 5 %.
Dans ce contexte, le déplacement des bornes d’âge pèsera donc sur le nombre de seniors demandeurs d’emploi.
Certes, vous mettez en place un certain nombre de mesures telles que le tutorat, mais c’est bel et bien d’une mobilisation générale pour l’emploi des seniors dont nous avons besoin.
À défaut, ces mesures risquent fort de se solder par de nouveaux échecs, comme ce fut le cas avec votre tentative d’inciter les entreprises de plus de cinquante salariés à se doter d’accords sur l’emploi des seniors ou à définir un plan d’action sur le sujet. Nous savons tous que les effets ont été on ne peut plus minces.
L’autre dimension concerne les implications financières. Qu’en sera-t-il des conséquences sur les allocations chômage ? Ne s’agit-il pas d’un transfert de charges d’une branche à l’autre ? En tout cas, c’est ce que nous pensons.
En outre, comment évoluera le nombre de bénéficiaires du RSA et des minima sociaux ?
Pour ce qui est du RSA, le 30 septembre dernier, le Gouvernement a annoncé sa prévision de passer à 935 000 bénéficiaires en 2011, puis à 1, 13 million en 2012 et, enfin, à 1, 2 million en 2013.
Ces chiffres intègrent-ils les conséquences du recul des bornes d’âge ? Nous l’ignorons, puisque, aux dires du ministre de la jeunesse et des solidarités actives, cette montée en charge n’a été pensée qu’au regard d’une possible reprise économique. Monsieur le ministre, nous aimerions avoir votre propre réponse sur ce point.
Vous l’aurez compris, en cohérence avec l’ensemble de nos prises de position mais aussi au regard des effets importants et négatifs que ce relèvement des âges limites aura sur les allocations chômage ainsi que sur l’ensemble des minima sociaux, nous nous opposons à l’adoption de cette disposition et nous présenterons un amendement de suppression.