Intervention de Philippe Marini

Réunion du 26 novembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Article 10, amendements 89 319 318

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Nous en avons parlé lors de la discussion générale, c'est la première fois que les risques de délocalisation sont pris en compte dans une loi de finances.

Pour autant, sur le plan technique, ces dispositifs seront-ils suffisamment puissants ? Nous l'apprécierons à l'expérience.

Je me suis efforcé, pour ma part, d'analyser l'article 10 de manière aussi détaillée et technique que possible, et je me permets de vous renvoyer, mes chers collègues, aux vingt-neuf pages de mon rapport écrit qui y sont consacrées.

Le problème est complexe parce qu'il y a non pas un crédit d'impôt mais deux. Il existe un crédit d'impôt de base et un crédit d'impôt supplémentaire. Du point de vue du droit communautaire, ce sont deux choses bien différentes, car le crédit d'impôt de base est soumis à la règle dite « de minimis », c'est-à-dire que l'on ne doit pas dépasser un avantage représentant 100 000 euros sur trois ans, alors que le crédit d'impôt supplémentaire, qui est une aide régionale spécifique, offre plus de liberté en vertu d'une sorte de « discrimination positive » en faveur de zones où la situation de l'emploi est particulièrement déprimée.

Ce qui, à mon avis, motive les amendements du Gouvernement, c'est qu'il y a eu une certaine confusion entre ces deux catégories de crédit d'impôt, et c'est bien compréhensible vu la complexité du sujet. Les deux amendements qui nous sont présentés par M. le secrétaire d'Etat semblent y remédier : ils transcrivent la réalité du droit européen en la matière et, à titre personnel, j'y suis donc favorable.

Il est bien évident qu'on pourrait discuter à perte de vue sur la notion de délocalisation comme sur celle de relocalisation. Je cite dans mon rapport écrit l'excellent rapport d'information rédigé par M. Francis Grignon, au nom de la commission des affaires économiques, sur la difficulté de définir les délocalisations.

Si les délocalisations « pures », concernant la totalité des activités d'une unité de production, sont rares, il n'en reste pas moins qu'une partie de notre potentiel économique tend à s'évader et qu'il y a pas un risque d'hémorragie de capitaux et de main-d'oeuvre qualifiée. .

Mes chers collègues, l'année dernière, sous la conduite de M. le président de la commission des finances, certains d'entre nous se sont rendus en Chine pour visiter des entreprises qui, françaises à l'origine, y avaient été implantées. En vérité, nous n'avons que très rarement constaté de pures délocalisations. En général, les entreprises françaises vont en Chine pour aborder le marché chinois, et ce faisant créent un outil leur permettant de pénétrer d'autres marchés. Dès lors, pourquoi ne pas l'utiliser pour incorporer des productions qui auraient pu être implantées sur notre sol au lieu de ne concerner que la Chine ?

Cela étant, chaque entreprise a sa stratégie et son modèle propre, et les délocalisations caricaturales, « pures et parfaites », que ce soit en Pologne ou en Chine, sont extrêmement difficiles à trouver.

Nous sommes d'ailleurs allés également en Pologne, cette année, où nous avons visité une usine de pneumatiques d'une grande marque française, qui s'est développée dans le nord du pays et qui, parce qu'elle a des capacités assez importantes, desservira aussi une partie du marché européen. Par conséquent, ce ne sont pas des emplois que l'on a pris en France pour les créer en Pologne, ce sont des emplois qui ont été créés en Pologne, mais qui, au moins dans une certaine proportion, auraient pu être créés en France.

La notion de délocalisation est donc une notion complexe et la notion de relocalisation plus encore.

Comment délimiter le champ de cette mesure ? C'est extrêmement délicat. Il est important, en tout cas, que le Gouvernement prenne conscience des risques que court notre pays. Nous avons une là hirondelle ; espérons qu'elle fera le printemps ! Nous, nous songeons à des solutions structurelles beaucoup plus puissantes, mais il n'est pas temps d'en parler.

La commission émet, par conséquent, un avis défavorable sur l'amendement n° I-89 et un avis favorable sur les amendements n° I-319 et I-318.

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