Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la contribution nationale au budget communautaire prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État voté chaque année en loi de finances.
L’article 33 du projet de loi de finances pour 2010 évalue ce prélèvement à 18, 15 milliards d’euros.
En l’état actuel du « système budgétaire européen », il nous est demandé de nous limiter à dire oui ou non à cette disposition. Nous n’avons à discuter ni du montant du prélèvement ni de l’usage qui en sera fait au travers du budget de l’Union européenne.
Pour vous inviter à dire oui, je souligne simplement qu’un non ouvrirait une crise européenne dont l’Union n’a certainement pas besoin aujourd’hui.
Il s’agirait, de plus, d’une crise ouverte par la France, ce qui ne servirait ni nos intérêts ni notre image en Europe.
Je pourrais en rester là. Je dépasserai néanmoins ce cadre un peu étroit pour évoquer ce qui se joue derrière ce prélèvement.
Situons-nous, d’abord, dans l’actualité. Avec la ratification du traité de Lisbonne, l’Union européenne franchit une étape institutionnelle, non sans grandes difficultés, au terme d’un très long et laborieux parcours. Elle ne reviendra vraisemblablement pas de sitôt sur le sujet. L’énergie qu’elle a mobilisée pour franchir ce cap va pouvoir être redéployée sur d’autres causes, notamment, je le souhaite, sur la réforme du budget communautaire, en ce qui concerne tant la forme de cette dernière que son contenu.
Dans ce contexte, nous avons plus que jamais besoin de responsables, de l’Union et des États, capables et désireux de se mobiliser pour relever en équipe les grands défis du moment.
Le président du Conseil Européen a été choisi. J’espère vraiment que M. Van Rompuy saura très vite s’affirmer et jouer pleinement son rôle. C’est aujourd’hui de l’intérêt de tous. Dire que sa notoriété internationale est insuffisante est irresponsable. Le Premier ministre d’un pays moyen ou petit a, évidemment, connu moins d’occasions de s’affirmer sur la scène internationale que d’autres. Ses talents seraient-ils pour autant et a priori moindres ?
N’oublions pas quel fut le rôle éminent d’un précédent Premier ministre Belge, Paul-Henri Spaak, dans le lancement de la construction européenne. Ce dernier était-il connu sur la scène internationale auparavant ?
Venons-en à l’actualité budgétaire. Le prélèvement de 18 milliards d’euros a été déterminé à partir de l’avant-projet de budget présenté par la Commission le 29 avril. Celui-ci fixait à 139 milliards d’euros, en augmentation raisonnable de 1, 5 % par rapport à 2009, les crédits d’engagement, avec une priorité accordée à la gestion des flux migratoires et à la lutte contre la criminalité et le terrorisme, les crédits de paiement progressant de 5, 3 % pour atteindre 122 milliards d’euros.
Le projet de budget adopté ensuite le 10 juillet par le Conseil se voulait plus « réaliste », réduisant les crédits d’engagement de 600 millions d’euros et les crédits de paiement de 1, 8 milliard d’euros, prenant en compte pour cela la sous-exécution marquée de certains programmes, récurrente et malheureusement fâcheuse.
Le Parlement européen intervenant à son tour le 22 octobre a jugé le projet du Conseil insuffisant, en particulier au regard des enjeux de la relance de l’économie. Il a opté pour un budget plus ambitieux, portant à 142 milliards d’euros les crédits d’engagement, soit 3 milliards d’euros de plus que la Commission et 4 milliards d’euros de plus que le Conseil, et à 127, 5 milliards d’euros les crédits de paiement, soit 7 milliards d’euros de plus que le Conseil. Ces hausses très sensibles au regard des normes des budgets nationaux prenaient en compte la création du « fonds laitier » à doter de 300 millions d’euros, ainsi que le financement pour 2010 du plan de relance à hauteur de 2, 4 milliards d’euros.
En ce qui concerne le plan de relance, je rappelle que le Conseil de décembre 2008 avait adopté des dispositions visant à injecter 200 milliards d’euros dans l’économie européenne : 170 milliards d’euros, soit plus qu’un budget européen, seront financés par les États membres et 30 milliards d’euros seront financés par l’Union européenne.
Ces 30 milliards d’euros se décomposaient en 25 milliards d’euros provenant de la Banque européenne d’investissement et en 5 milliards d’euros financés par le budget communautaire à consacrer à des projets dans le domaine de l’énergie et de l’internet à haut débit en zone rurale, cet effort étant réparti sur les deux exercices de 2009 et de 2010.
Les modalités de financement des 2, 6 milliards de 2009 avaient fait l’objet d’un accord interinstitutionnel le 2 avril 2009 fondé sur des redéploiements. Pour ce qui concerne les 2, 4 milliards d’euros de 2010, le Parlement européen a souhaité qu’ils soient inscrits dans le budget de 2010.
La réunion de concertation entre la Commission, le Conseil et le Parlement de mercredi dernier a permis de dégager un compromis sur ce point. Les 2, 4 milliards d’euros seront financés sur le budget de 2010 proprement dit, d’où l’augmentation de l’enveloppe votée par le Parlement.
Mes chers collègues, si j’ai développé ce point quelque peu technique du plan de relance et de l’effort justifiant une majoration du budget pour 2010, c’est afin de vous montrer que, entre le montant du prélèvement affiché dans l’article 33 et celui qui sera voté en fin d’année, lorsque le budget sera adopté, la situation aura encore évolué et connaîtra beaucoup de dérives.
Monsieur le secrétaire d'État, le problème particulier du financement du plan de relance est un point clé de la négociation budgétaire en cours entre les trois institutions européennes. Avez-vous une estimation de l’impact de la solution qui sera retenue sur notre contribution nationale ? Il ne sera sûrement pas marginal et il serait intéressant, sur ce point particulier, d’aller au fond de la question pour mesurer l’effet d’une telle décision sur une disposition d’une loi de finances national.
Plus généralement, la réunion de concertation du 18 novembre 2009 a débouché sur un consensus, ce dont je me félicite. Les années précédentes, cela n’avait pas toujours été le cas à ce stade du débat.
Le projet « réaliste » du Conseil comme le projet « ambitieux » du Parlement européen ont été écartés. Le projet qui sera proposé en seconde lecture devrait présenter un niveau de crédits de paiement finalement assez proche de celui de l’avant-projet de la Commission, avec simplement 620 millions d’euros de plus en faveur de l’agriculture et du plan de relance.
Je ferai maintenant quelques remarques sur le prélèvement qui nourrira ce budget.
En 2007, le prélèvement inscrit en loi de finances initiale avait été surestimé de plus de 1, 5 milliard d’euros. Tant mieux pour l’équilibre de l’exécution budgétaire !
En 2008, est apparue au contraire une sous-estimation de 300 millions d’euros, ce qui est plus fâcheux !
Pour 2009, la sous-estimation du prélèvement est nettement plus importante : plus de 1 milliard d’euros. Le prélèvement est de 20 milliards d’euros en exécution alors que le vote du Parlement portait sur 18, 9 milliards d’euros.
Cette sur-exécution finale s’explique en particulier par le poids de la référence au revenu national brut, le RNB, dans le mode de calcul du prélèvement.
Relativement moins atteinte par la crise économique que la plupart de nos partenaires, avec une baisse du PIB deux fois moins lourde, la France voit le calcul de sa contribution revu à la hausse.
Il convient, également, de souligner les conséquences sur le prélèvement de 2009 de la décision « ressources propres » de 2007 entrée en vigueur le 1er mars 2009, avec un effet rétroactif sur les exercices de 2007 et de 2008 assez lourd pour la France, soit environ 1 milliard d’euros.
À terme, heureusement, cette décision « ressources propres » réduira le montant du chèque britannique et devrait conduire à une diminution du poids de notre contribution. Je rappelle que le chèque britannique reste actuellement de l’ordre de 5 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros à la charge de la France, ce qui n’est pas négligeable.
Je précise, enfin, qu’une révision d’assiette intervient cette année, pour tout compliquer.
À la suite des recommandations de la Cour des comptes française, les ressources propres traditionnelles – droits de douane ou cotisation « sucre » – seront désormais exclues du calcul du prélèvement, ce qui est plus clair et raisonnable. Ces ressources vraiment « propres » appartiennent à l’Union, chaque État se contentant d’en assurer le recouvrement.
Si notre projet de loi de finances pour 2010 évalue le prélèvement à 18, 15 milliards d’euros, à périmètre constant, sans cette révision d’assiette, il s’élèverait à 19, 5 milliards d’euros. Toutes choses égales, par ailleurs, et sans préjuger ce qu’il deviendra d’ici à l’adoption du budget, puis au fil de l’année, il n’est pas au départ en baisse de 800 millions d’euros, mais il enregistre une hausse de 600 millions d’euros. Je souhaitais apporter cette précision pour la clarté du débat.
Tout cela pour dire que l’estimation du prélèvement, monsieur le secrétaire d'État, mériterait d’être plus précise, moins mouvante et moins opaque.
Quittant le sujet du prélèvement, je précise que la France devrait demeurer en 2010 le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l’Allemagne. La part de sa contribution représente 16, 7 % du total des ressources de l’Union européenne et est en croissance régulière.
La France a, par ailleurs, remplacé l’Espagne au rang de premier pays bénéficiaire en recevant environ 12 % des dépenses de l’Union européenne, cette situation tenant essentiellement au poids de la politique agricole commune, la PAC. Il s’agit donc d’une affaire à suivre. Voilà un autre sujet phare grand ouvert !
Au-delà du seul montant du prélèvement sur recettes, j’attire votre attention sur les contributions au budget communautaire subies par la France à la suite de refus d’apurement communautaire ou d’amendes, ce que je déplore évidemment. Le rapport de notre collègue Joël Bourdin consacré à ce sujet a montré que 100 millions à 200 millions d’euros par an sont mis ainsi à notre charge.
De telles sanctions pèsent bien inutilement sur les finances publiques nationales !
Pour finir, je ferai deux observations.
Premièrement, le budget européen que nous examinons est inférieur au déficit national de l’année. Voilà qui devrait nous faire réfléchir tout à la fois sur l’ampleur de notre déficit et sur la relative modicité du budget européen.
Il faut aujourd’hui procéder à un examen méticuleux des politiques communautaires. Je cite, à cet égard, monsieur le secrétaire d'État, l’important travail réalisé cette année sur le thème des agences européennes par la commission des finances et par la commission des affaires européennes du Sénat.
La résolution du Sénat datée du 13 novembre plaide très précisément pour une amélioration de l’efficacité de la dépense publique européenne. C’est de l’ordre du possible.
L’Europe doit dépenser mieux. Nous avons besoin d’un budget communautaire aussi ambitieux que rigoureux, à la hauteur des enjeux de stabilisation conjoncturelle, de compétitivité, de recherche et de formation, de cohésion intérieure et de rayonnement extérieur.
Il convient de renforcer la mise en œuvre vigilante du principe de subsidiarité au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l’Union européenne.
Deuxièmement, en ce qui concerne la forme, monsieur le secrétaire d'État, j’insiste sur l’importance du rendez-vous à mi-parcours des perspectives financières qui fixaient les plafonds de dépenses de 2007 à 2013. Il faut saisir l’échéance de 2010 pour progresser vers un vrai budget.
Le budget actuel voit ses dépenses arrêtées en codécision par le Conseil et le Parlement européen tandis que ses recettes sont votées par les parlements nationaux, comme nous le faisons aujourd'hui.
Comment mettre en œuvre le principe du consentement à l’impôt, base de la vie démocratique, avec un budget dont les recettes et les dépenses sont fixées par des autorités différentes ? Ne nous étonnons pas, non plus, dans le contexte actuel, du développement du détestable débat sur les « retours nets », débat qui voit chacun, sachant ce qu’il a « misé », s’attacher à en avoir pour son argent, au mépris de l’esprit communautaire le plus élémentaire.
Monsieur le secrétaire d’État, la nécessité d’un vrai budget de l’Union européenne, finançant correctement des compétences qui seraient plus précisément définies, s’impose aujourd’hui !