Intervention de Philippe Marini

Réunion du 25 novembre 2009 à 9h30
Loi de finances pour 2010 — Participation de la france au budget des communautés européennes

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

Mais – et nous le savons bien, ma chère collègue –, elle a traité le mal par le mal, d’une certaine manière. Elle a dû émettre des volumes considérables de liquidités, transformant ainsi structurellement les conditions de fonctionnement des marchés financiers. La sortie de crise peut fort bien poser des problèmes d’une nature différente, mais peut-être tout aussi réels que ceux posés par la crise elle-même.

Sur cette Banque centrale européenne, sur son mandat, quelles sont les directives politiques, les affirmations des institutions européennes ? La Banque centrale européenne n’est-elle pas l’institution européenne par excellence, c’est-à-dire celle qui s’autocontrôle ? Je me permets à nouveau de poser cette question.

L’inflation peut être définie comme la dérive des prix à la consommation, mais elle résulte surtout de l’inflation des actifs, financiers et réels. Le mandat de la Banque centrale européenne est-il adapté à ce type de problématique ? Qui se soucie de l’adapter ? Qui se soucie d’arbitrer les décisions importantes à prendre en la matière ?

Toujours au sujet de l’euro, nous rencontrons inévitablement la problématique de ses limites, c’est-à-dire de la zone géographique couverte. Dans le cadre des institutions européennes, selon l’interprétation « européennement convenable », tous les États membres de l’Union, les Vingt-Sept, ont vocation à entrer un jour dans la zone euro, sauf ceux qui ont proclamé ou obtenu une clause d’exception ou d’exclusion durable.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai récemment effectué de brefs déplacements dans des pays d’Europe centrale et orientale. Vous savez que cette zone géographique est à mes yeux très importante, chaque réalité nationale, dans cette partie de l’Europe, représentant pour moi une très grande valeur.

J’ai visité deux États, la Lettonie et la Bulgarie, affectés tous les deux par la crise, mais de manière différente. On observe toutefois un point commun dans la situation de ces deux États : leur relation avec la zone euro. La Lettonie, comme les deux autres républiques baltes, a failli entrer dans la zone euro : elle n’est restée en dehors qu’en raison du taux de son inflation. Aujourd’hui, ce pays est techniquement, sinon en faillite, du moins très proche de la rupture financière et ne doit la poursuite de son activité qu’à l’injection des fonds de l’Union européenne et du Fonds monétaire international. Si ce pays avait fait partie de la zone euro, comment auraient réagi les institutions de l’Union européenne face à une telle situation ? Auraient-elles apporté une garantie ? Auraient-elles financé davantage ? Quelles auraient été, pour ce pays, les conséquences concrètes de sa présence dans la zone euro ?

Nous savons bien que la dette de ces États qui ne font pas encore partie de la zone euro – leur dette privée en particulier –, est libellée en euros ; très souvent, leur monnaie nationale respecte une parité fixe avec l’euro. Ces États n’appartiennent donc pas à la zone euro, ne participent pas à son système de gouvernance, mais sont « euroïsés » et ne peuvent plus concevoir leur développement économique, ni même leur vie, sans l’euro ! Comment résoudre cette contradiction ? En même temps, si nous conservons la doctrine selon laquelle tous les États membres ont vocation, à terme, à intégrer la zone euro, comment cette zone sera-t-elle gouvernée, quelles seront les règles du jeu, quels sont les principes dont la Banque centrale européenne devra assurer l’application ?

Au demeurant, j’évoquerai brièvement la situation de la Bulgarie, que vous avez fort bien rappelée récemment à cette tribune, monsieur le secrétaire d’État : ce qui vaut pour la Bulgarie vaut sans doute pour quelques autres États.

Cet État, dont les fondamentaux macroéconomiques sont bien réglés, est tenu d’appliquer des règles rigoureuses à l’équilibre de ses finances publiques, règles d’autant plus rigoureuses que son régime monétaire l’impose. Mais son système judiciaire, voire constitutionnel, pourrait nous faire penser que les temps de la démocratie populaire ne sont pas complètement révolus, qu’il existe un droit formel et une pratique réelle comme dans l’Union soviétique d’autrefois, dont la Constitution était la plus merveilleuse du monde !

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