Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 25 novembre 2009 à 9h30
Loi de finances pour 2010 — Participation de la france au budget des communautés européennes

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes censés voter le prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes, soit 18, 15 milliards d’euros. En réalité, et je ne suis pas seule à l’avoir constaté, les ressources propres sont considérées comme transférées obligatoirement, sans que cela nécessite une quelconque autorisation parlementaire. Il s’agit là d’une conception de la démocratie un peu particulière…

J’évoquerai en préambule l’insuffisance du budget européen. En effet, comment 122, 9 milliards d’euros pourraient-ils permettre de financer les actions communautaires dans vingt-sept pays membres pour faire face aux défis sociaux, économiques et environnementaux de la construction européenne ? Cette question va de pair avec celle du rôle que joue aujourd'hui l’Union européenne, dont l’action principale porte sur la dérégulation des droits nationaux, alors même qu’elle devrait se construire autour de la notion d’un intérêt général communautaire vecteur de progrès social partagé. Nous déplorons depuis de nombreuses années cet état de fait.

Je vais pousser plus loin notre analyse en examinant d’abord le cadre des relations financières, puis le contenu même du budget de l’Union européenne.

En ce qui concerne le cadre des relations financières, le fait que le budget communautaire soit de plus en plus financé par ce que l’on appelle la recette RNB, c'est-à-dire par les contributions des États membres, nous paraît préoccupant.

Mes chers collègues, permettez-moi une digression concernant l’augmentation, cette année, de la contribution RNB de la France. Le rapporteur spécial de l’Assemblée nationale a trouvé une explication logique à cette évolution : « La France en effet verrait sa part dans le PNB communautaire s’accroître en 2009 en raison de sa plus grande résistance à la crise économique. »

Selon ce raisonnement, notre pays serait donc financièrement pénalisé pour la qualité de ses services publics –dont l’utilité est reconnue en période de crise, puisque ce sont eux qui ont permis à la France de mieux résister –, et ce alors même que les injonctions de l’Union européenne vont conduire à les démanteler. On marche sur la tête !

Cela étant, je reviens à l’objet principal de mon propos : l’absence d’autonomie financière de l’Union européenne.

Le système actuel de financement, pérennisé par la décision du 7 juin 2007, est largement critiqué. Il comporte beaucoup de failles et s’est éloigné de l’esprit des traités fondateurs, qui prévoyaient d’abonder le budget européen par le biais de ressources propres et non par des contributions prélevées sur les budgets nationaux.

Or la part des ressources propres traditionnelles et de la TVA diminuent en faveur de la contribution RNB, qui est calculée au prorata du PNB des États membres et qui représente en effet près de 70 % des contributions des États membres.

Actuellement, les prélèvements communautaires s’apparentent donc bien plus à un système de contributions budgétaires qu’à un transfert de produit fiscal spécifique aux Communautés.

Dans ce cadre, il est regrettable, mais bien naturel, que les États membres ne perçoivent le budget communautaire que comme une bourse d’échanges, a fortiori si les actions financées par le budget s’apparentent à du saupoudrage. Les calculs comptables des dépenses des États membres et des retours nationaux contreviennent pourtant à la recherche d’intérêts communs.

En conséquence, l’absence de volonté des institutions européennes de trouver de nouvelles ressources budgétaires autonomes est d’autant plus préoccupante.

Sans parler d’un véritable pouvoir fiscal élargi, il est urgent d’engager un débat sur la possibilité pour l’Union de dégager des ressources nouvelles. À ce titre, la proposition du gouvernement autrichien de taxer les transactions financières pourrait constituer une piste intéressante à approfondir.

J’en viens maintenant au projet de budget général de l’Union européenne.

Compte tenu des derniers arbitrages du 18 novembre, celui-ci est doté de 112, 9 milliards d’euros. Sur cette somme, seuls 2, 4 milliards d’euros seront consacrés au plan de relance, et ce alors même que ce sont 1 700 milliards d’euros qui ont été déployés pour venir au secours des banques !

Une conclusion s’impose : confrontée à cette crise qui touche tous les pays, l’Union européenne ne met en œuvre aucune stratégie pour en sortir. Elle organise même sa propre incapacité d’intervention, laissant au final, et comme toujours, la régulation aux seules mains des marchés financiers. À ce titre, les efforts de régulation au sein du G20 sont bien faibles au regard des enjeux d’assainissement de la sphère financière.

Nous restons donc bien dans le cadre d’une Europe des marchés et de la finance, où les maîtres mots sont « concurrence libre et non faussée »

D’ailleurs, c’est ce que prévoit le fameux traité de Lisbonne adopté à votre grand soulagement par l’Irlande, au prix d’un nouveau vote. N’oubliez pas pourtant que notre peuple l’avait rejeté il y a quatre ans. Vous devez en tenir compte !

Ce modèle libéral, qui devait apporter richesse, prospérité et croissance par la saine émulation de la concurrence libre et non faussée, n’a pas tenu ses promesses. La libéralisation de l’ensemble des activités relevant de l’intérêt général, les privatisations en chaîne, la marchandisation des savoirs et des connaissances ont conduit à la crise sans précédent que nous traversons aujourd’hui.

En effet, l’abandon de la puissance publique au dogme du « tout-marché », caractérisé notamment par l’indépendance de la BCE, a ouvert la porte à tous les reculs que nous connaissons : démantèlement des systèmes sociaux nationaux, mise en place des mécanismes de dumping sociaux et environnementaux.

Alors que va se tenir dans quelques jours le sommet de Copenhague, nous tenons à réaffirmer que la protection de la planète passe par le renforcement des maîtrises publiques, en particulier dans le secteur des transports et de l’énergie. Mais de cela, il n’est point question au sein des institutions européennes.

La crise aurait pu et aurait dû être l’occasion pour l’Union européenne de promouvoir un autre modèle économique, social, écologique et d’apparaître enfin pour les peuples européens comme une protection contre les ravages d’un système capitaliste financiarisé à l’extrême. Mais tant la faiblesse de ce budget que les options idéologiques qu’il traduit ne permettront de répondre aux enjeux auxquels nous sommes confrontés.

S’agissant des dépenses en faveur de la politique de cohésion, nous ne pouvons comprendre que l’agenda de la politique sociale de l’Union ne soit financé qu’à hauteur de 176 millions d’euros. C’est en outre, et c’est un comble, le budget le moins bien réalisé, puisque, sur l’année pleine de 2008, 85 % seulement des crédits de paiement ont été engagés.

Il convient de souligner, à l’instar du Parlement européen, le retard pris dans la mise en œuvre des programmes relatifs à la politique de cohésion, qui devrait pourtant être le cœur de l’action européenne.

Pour ce qui concerne les dépenses de gestion des ressources naturelles, la nécessaire réforme de la PAC, qui représente encore aujourd’hui 45 % du budget, se réalise au prix d’une déréglementation sauvage que combattent légitimement les producteurs laitiers, pour prendre cet exemple. D’ailleurs, ce ne sont pas les 300 millions d’euros engagés à la dernière minute qui répondront au problème de fond que représente la suppression des quotas laitiers. L’agriculture nécessite plus que jamais une régulation pour éviter la spéculation, la baisse des prix et la dépendance alimentaire.

Pour les actions relevant de l’espace « Liberté, sécurité et justice », les crédits sont marqués par une progression de plus de 160 % entre 2007 et 2013. Ce sont les seuls crédits qui augmentent de manière exponentielle chaque année. Nous voyons donc bien la priorité sécuritaire qui se dégage de ce budget et des politiques menées.

Nous pensons que d’autres priorités auraient dû s’imposer au sein de ce budget et que, en tout état de cause, ce type de politique doit reposer sur le respect de la dignité et des droits de migrants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Comme les années précédentes, le budget octroyé aux actions extérieures reste dérisoire et s’inscrit en baisse. Cela confirme bien que l’Union européenne n’est pas prête à s’imposer comme un acteur mondial sur la scène internationale.

En définitive, cette année, comme les précédentes, il ne nous est pas soumis un projet de budget à même de permettre à l’Union de financer des politiques communes ambitieuses et solidaires.

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