Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 25 novembre 2009 à 9h30
Loi de finances pour 2010 — Participation de la france au budget des communautés européennes

Pierre Lellouche, secrétaire d'État :

C’est donc avec joie que je viens dialoguer, et avec beaucoup de plaisir, aussi, parce que les débats du Sénat sont toujours de très haute tenue et de grande qualité.

Après une introduction assez rapide, je répondrai aux questions - certaines me semblent fondamentales - que vous avez soulevées.

Ce matin, j’ai l’honneur de vous présenter le fameux article 33 du projet de loi de finances dans le cadre de la discussion budgétaire générale, unique article qui définit le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes, aujourd’hui de l’Union européenne.

Permettez-moi de commencer cette partie de mon intervention en saluant l’accord dégagé par la présidence suédoise au conseil ECOFIN du 18 novembre entre le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission sur le budget communautaire de 2010.

Le budget 2010 s’élève à 122, 9 milliards d’euros en crédits de paiement, et intègre, en particulier, le financement de l’aide d’urgence pour l’agriculture, qui s’élève à 300 millions d’euros, et le financement de la tranche 2010 du plan de relance européen, qui s’élève à 2, 4 milliards d’euros sur un total de 5 milliards d’euros.

Le budget 2010 prévoit également une enveloppe de 25 millions d’euros pour le Conseil européen, afin de permettre à cette nouvelle institution de faire face très rapidement à ses missions. Il réserve en outre un montant de 75 millions d’euros pour le démantèlement des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Kozlodouï, en Bulgarie, dont vous connaissez tous l’état préoccupant.

Cet accord politique, qui doit désormais être définitivement adopté par le Parlement européen, lors de sa session plénière de décembre, est très proche de la proposition initiale de la Commission européenne, qui proposait un budget autour de 122, 3 milliards d’euros.

Pour revenir au présent projet de loi de finances, je tiens à souligner que notre débat de ce matin est tout à fait essentiel. Comme le disait Philippe Marini, c’est l’un des rares moments dans l’année où le Gouvernement et le Parlement peuvent échanger sur le budget européen. En l’occurrence, mais vous l’avez tous noté, le moment est d’autant plus crucial que nous en arrivons à une première étape dans la discussion des futures perspectives financières.

Derrière l’austérité apparente des chiffres se cachent en effet des enjeux absolument fondamentaux pour notre pays, pour l’équilibre géographique des politiques communautaires. En somme, il s’agit de savoir ce que nous voulons faire de l’Europe, et combien cela nous coûtera.

La question du budget communautaire ne saurait, bien entendu, se résumer à la seule arithmétique et à la double question du « qui gagne quoi » et du « qui paie quoi », and give me my money back, à la façon de Mme Thatcher. Non, il s’agit bien d’une question de fond.

Ce budget, il faut le rappeler, couvre un certain nombre de dépenses essentielles pour l’Europe, mais aussi pour nous, Français.

Je citerai en premier l’agriculture durable et de haute qualité, qui est l’un des grands avantages comparatifs de l’Europe dans le monde. Elle constitue un outil stratégique face à la mondialisation et aux enjeux liés au réchauffement climatique, en particulier pour la France, dans l’organisation de son territoire.

Nous avons tous un objectif de sécurité alimentaire pour les cinq cents millions d’Européens que compte l’Union. Nous avons également un souci d’équilibre de nos territoires respectifs.

Le maintien de cette politique agricole commune, la PAC, est aujourd’hui compromis, du fait de l’effondrement des marchés sectoriels, mais aussi parce qu’un certain nombre d’États ont décidé de ne plus financer cette politique au-delà de 2013. Ce sera l’un des enjeux absolument capitaux, en termes politiques et stratégiques, des mois et des années qui viennent.

Nous y travaillons d’ailleurs collectivement. Le ministre de l’agriculture organise à Paris, à la mi-décembre, une réunion des vingt-deux ministres qui soutiennent encore la PAC, réunion qui donnera, je l’espère, un signal politique fort en vue de la discussion des perspectives financières.

Ce budget sert également la cohésion économique, sociale et territoriale des régions européennes, notamment de nos régions. Les dépenses de cohésion bénéficient à la France à hauteur de 15 milliards d’euros sur la période 2007-2013. Vous avez été un certain nombre, monsieur le président de la commission, monsieur Blanc, monsieur Sutour, à dire combien il était important de conserver cet outil de cohésion régionale tant en France qu’en Europe.

Ici encore, mon rôle consiste à vous dire la vérité. Beaucoup de gouvernements considèrent que les grands pays riches n’ont désormais plus le droit de bénéficier de ce type de fonds, et il y aura là aussi une question très difficile à aborder dans la discussion des perspectives financières.

Je veux évoquer une troisième catégorie de dépenses essentielles, celles qui sont liées à l’action extérieure de l’Europe, qui va prendre, à partir du 1er décembre et de la mise en œuvre du traité de Lisbonne, une dimension nouvelle.

L’Europe dispose désormais d’une Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui a été désignée le 19 novembre dernier. L’Europe est donc désormais dotée du plus grand service diplomatique du monde, soit 3 000 personnes réparties entre la Commission, le Conseil et les États membres.

Le budget pour ce dispositif, monsieur de Montesquiou, suscite déjà une tension avec le Parlement européen, qui exige naturellement la communautarisation de l’ensemble. Or il est hors de question de communautariser, puisque, par définition, le Haut Représentant est à la fois le représentant du Conseil et le vice-président de la Commission. Dans l’esprit des institutions, ce service d’action extérieure, même s’il a pour but de coordonner l’action de l’Union, doit demeurer en synergie avec les États. En tirant à la communautarisation via le budget, vous déséquilibrez le système. Elmar Brock, l’auteur du fameux rapport, avec qui je me suis entretenu l’année dernière, en convient d’ailleurs.

Nous devons trouver le bon équilibre et admettre – je m’adresse ici aux parlementaires que vous êtes – que le Parlement européen ne pourra pas abandonner les compétences budgétaires qu’il exerce déjà dans certains domaines de la politique étrangère de l’Union.

Le budget européen servira aussi à ce qu’on appelle, pudiquement, les « dépenses d’avenir » ; c’est la question du fameux 1 % soulevée par Mme Beaufils fort justement et, plus généralement, de l’établissement d’un impôt européen.

Parmi les « dépenses d’avenir », il en est de très importantes. Le traité de Lisbonne communautarise l’énergie, l’immigration, des programmes de recherche dans beaucoup de domaines, ITER en France, à Cadarache, mais aussi Galileo.

Beaucoup de grands dossiers technologiques du futur relèveront de l’Europe, d’où le débat entre ceux qui veulent financer « l’économie d’hier », autrement dit l’agriculture, et ceux qui préfèrent donner la priorité aux projets de « demain », c’est-à-dire la haute technologie. Il faudrait trouver un équilibre entre les deux, la France et l’Europe ayant un intérêt stratégique fondamental à promouvoir aussi bien l’agriculture que les hautes technologies.

Tel est, brossé à grands traits, l’arrière-plan de notre débat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui devrait être peuplé de huit à neuf milliards d’êtres humains dans vingt-cinq ans ; certaines puissances émergentes – je pense à l’Inde – sont d’ores et déjà fortes d’un milliard et demi d’habitants. Les dossiers qui nous attendent sont tous transnationaux – négociations commerciales, crise financière, climat. Voilà pourquoi nous pouvons au moins être sûrs d’une chose : aucun pays européen, grand ou petit, ne peut gérer ce monde-là tout seul.

Donc, quand nous parlons du budget européen, nous parlons de l’instrument qui nous permet de peser à l’échelle mondiale, nous, c’est-à-dire l’Europe, avec ses cinq cents millions d’Européens et un tiers du PIB de la planète.

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