Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 16 porte sur le relèvement de deux années des limites d’âge des militaires et des durées de service des militaires sous contrat.
En apparence, cette disposition pourrait sembler équitable et de bon sens. En effet, comme tous les Français, comme tous les salariés, comme tous les fonctionnaires, bien que ce qualificatif convienne mal à ces hommes et à ces femmes, il pourrait paraître normal qu’ils soient eux aussi appelés à fournir un effort pour assurer la pérennité de notre système de retraite.
Pourtant, cette argumentation ne tient compte ni de la réalité ni de la spécificité de l’état militaire.
Il faut tout d’abord rappeler que les militaires ont déjà fourni cet effort avec la modification de leur dispositif statutaire en 2005.
La loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires avait ainsi déjà reculé les limites d’âge d’un an à cinq ans pour les officiers et d’un an à trois ans pour les sous-officiers. Cela a d’ailleurs été critiqué par le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, le HCECM, dans l’avis qu’il a rendu sur le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui. En effet, selon le comité, cette mesure « serait, à tout le moins, prématurée, les effets combinés de la loi sur les retraites de 2003 et du relèvement des limites d’âges opéré par le statut général des militaires de 2005 n’étant pas encore définitifs. »
Remettre aujourd’hui en cause ce dispositif statutaire, sans concertation, au travers d’un autre projet de loi, me paraît peu convenable et, surtout, désinvolte à l’égard de nos armées.
Un projet de loi qui considère, comme vous le faites, que les militaires sont après tout des fonctionnaires comme les autres, qui ne reconnaît ni la spécificité de leur condition ni leurs mérites risque d’être très mal ressenti dans l’institution.
En outre, un tel relèvement de deux ans entre en totale contradiction avec la nécessité d’avoir des armées jeunes, principale garantie de leur qualité opérationnelle.
Le HCECM avait également relevé que cette mesure était « de nature à conduire à un vieillissement trop important de l’ensemble des effectifs, surtout si elle était accompagnée d’un allongement de la durée des services ouvrant droit à la liquidation immédiate de la pension de retraite. »
En plus, cette disposition est aussi contradictoire avec le type de déroulement de carrières qu’a toujours essayé d’appliquer le ministère de la défense. Il consiste à faire en sorte que les limites d’âge restent suffisamment basses, notamment dans les unités opérationnelles, afin de stimuler les gradés d’un niveau subalterne et d’éviter un vieillissement trop important dans les grades les plus élevés.
Enfin, cette mesure posera inévitablement des problèmes de qualité du recrutement. Celle-ci a déjà été largement éprouvée avec la suspension de la conscription, qui représentait un très important vivier de talents divers.
Quel attrait peuvent encore aujourd’hui représenter nos armées auprès de jeunes, s’ils n’ont plus, par exemple, la possibilité d’une bonne reconversion professionnelle après quinze années de services ?
Décidément, ces mesures de relèvement des limites d’âge et de durée de service, qui pourraient sembler banales et logiques, auront de graves conséquences sur le moral et sur l’organisation même de nos armées.
Les militaires font un métier exigeant, qui peut parfois aller – je vous le rappelle – jusqu’au sacrifice de leur vie, un métier qui demande un engagement de tous les instants. Ils ont largement contribué à l’effort imposé par la RGPP, la révision générale des politiques publiques, notamment en matière de réduction budgétaire et de diminution des effectifs.
Monsieur le ministre, ne leur imposez pas ces mesures, qui, comme pour le reste de nos concitoyens, sont injustes et inefficaces.