Le sujet de cet article 16, c'est-à-dire la limite d’âge et de durée de services des militaires, aurait dû, nous semble-t-il, faire l’objet d’un examen approfondi en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Nous aurions pu alors apporter quelques lumières au texte du Gouvernement et ainsi permettre à ce dernier de l’améliorer ou, en tout cas, de ne pas commettre des erreurs.
C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit positif que nous avons déposé nos amendements à l’article 16. Et c’est sans doute aussi cet état d’esprit qui animait M. de Rohan, le président de la commission des affaires étrangères, quand il a déposé un amendement sur l’article 20 visant à « maintenir le bénéfice de la bonification du cinquième à quinze ans de services ».
J’espère d’ailleurs que le Gouvernement réservera à l’amendement de M. de Rohan un autre sort que celui qu’il réserve aux nôtres, c'est-à-dire, en règle générale, le rejet pur et simple.
Avec la professionnalisation des armées, le recrutement du personnel militaire est confronté à une concurrence permanente sur le marché de l’emploi. Les armées doivent attirer désormais une ressource jeune vers un métier caractérisé notamment par des sujétions que ne connaît pas le secteur civil, comme la disponibilité, les opérations extérieures et les risques particuliers à la fonction militaire. Les mesures proposées par votre projet viennent compliquer encore cette situation.
Les pensions des militaires sont en effet régies, au même titre que celles qui sont attribuées aux fonctionnaires civils, par le code des pensions civiles et militaires de retraite. Toutefois, les pensions militaires présentent plusieurs particularités du fait de la spécificité du métier et des carrières militaires.
D’une part, elles prennent en compte, à travers les modalités du calcul des annuités, les conditions particulières d’exercice du métier militaire. D’autre part, elles permettent d’assurer la maîtrise des flux qui caractérise la gestion du personnel militaire.
À ce titre, elles remplissent une double fonction. Elles constituent un instrument de gestion, concourant, avec d’autres, à la jeunesse et au pyramidage des effectifs militaires ; elles revêtent alors le caractère d’une pension de reconversion. Elles assurent également, pour la dernière partie de la vie de ceux qui ont quitté le service, le maintien d’un niveau de ressources qui est fonction de leur rémunération d’activité ; elles ont alors le caractère d’un avantage vieillesse classique.
Nous soutenons, et vous aurez du mal à nous démontrer le contraire, que votre réforme met à mal cette double fonction.
D’une part, parce qu’elle vient percuter de plein fouet la difficile, complexe et périlleuse « manœuvre des ressources humaines » engagée par les armées en raison de la RGPP. D’autre part, parce que vous allez troubler profondément le fonctionnement interne des armées en asséchant l’attractivité de la carrière militaire.
Pourtant, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes convaincus que la question d’une évolution de la durée des services ouvrant droit à liquidation de la pension des militaires mérite d’être étudiée selon deux points de vue : ses conséquences sur la carrière et la condition des intéressés, d’une part ; son impact sur les capacités et les besoins opérationnels des armées, d’autre part.
Pourriez-vous nous communiquer une étude d’impact analysant les conséquences de ce projet de loi sur les carrières militaires, sur les effectifs des forces et, in fine, sur la tenue du contrat opérationnel ?
Pourriez-vous nous dire aussi comment préserver la cohésion du « système d’hommes » des armées, pris en tenaille entre la déflation due à la RGPP et l’évolution des retraites militaires induite par ce projet de loi ?
Il est évident que la communauté militaire doit contribuer elle aussi à l’effort collectif national de financement des régimes de retraite, mais elle doit le faire ni plus ni moins que tout le monde.
Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a rédigé son quatrième rapport en janvier 2010 et l’a remis au Gouvernement ainsi qu’au chef de l’État. Nous regrettons profondément que toutes les recommandations avancées par le Haut Comité aient été ignorées par le Gouvernement.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, les mesures que vous proposez auront sur le périmètre et sur le profil des armées des conséquences qui, selon nous, ont été mal évaluées.