Monsieur le ministre, vous vous faites un titre de gloire d’avoir « réduit les effectifs de 100 000 postes entre 2007 et 2010 » et, à l’Assemblée nationale, il y a quelques jours, vous vous laissiez même aller à un certain lyrisme : « Jamais un Gouvernement n’avait appliqué une telle politique de réduction, jamais un Gouvernement ne l’avait aussi pleinement assumée. »
Il n’y a pourtant pas de quoi pavoiser ! Ainsi, alors qu’à Versailles Nicolas Sarkozy citait l’éducation comme premier fondement, l’éducation nationale paie, une fois de plus, le plus lourd tribut, avec 16 000 suppressions de postes pour la rentrée 2010.
Quand comptez-vous arrêter cette purge sans commune mesure avec la réalité démographique qui crée, au contraire, des besoins à la hausse ?
Monsieur le ministre, vous dites assumer les 100 000 emplois supprimés. Sans doute assumez-vous également la dégradation inhérente des conditions de travail, qui ne peut que nuire à la qualité du service rendu, surtout quand les disparitions de postes touchent des ministères aussi importants que l’intérieur – moins 3 450 – ou l’écologie – moins1 294 ! La sécurité n’est-elle plus une priorité ? Le Grenelle de l’environnement n’est-il qu’une formule creuse ?
Vous taillez dans les effectifs sans aucun débat public sur les missions de l’État parce que les fonctionnaires vous tiennent lieu de variable d’ajustement, pour une économie que vous chiffrez à 3 milliards d’euros ! Il se trouve que c’est, à peu de choses près, le montant du cadeau de TVA fait aux restaurateurs, un cadeau absurde comme l’a bien compris notre commission des finances, contrairement à Nicolas Sarkozy. La suppression de 100 000 postes de fonctionnaires, cela signifie 3 milliards d’euros d’économie ; la création hypothétique de 6 000 emplois dans la restauration a d’ores et déjà coûté 3 milliards d’euros en pertes de recettes.
Le différentiel, c’est 94 000 chômeurs ! Quel immense gâchis !
Quant à votre politique salariale, elle reste essentiellement assise sur des mesures particulières.
L’extension de la GIPA, la garantie individuelle de pouvoir d’achat, présentée comme une panacée, ne fait que mesurer ce qui a été perdu par une revalorisation du point d’indice, qui reste bien trop faible, toujours en deçà de l’inflation estimée.
Les primes au mérite, elles, sont contestables en ce qu’elles créent de la mise en concurrence, des tensions, du stress. On en a vu les effets dans le managementprivé !
Autre source d’inquiétude, la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a encore banalisé le recrutement par contrat, qui concerne déjà près de 17 % des agents de la fonction publique de l’État.
Sous prétexte louable de mobilité, cette loi accompagne les suppressions de postes dictées par la révision générale des politiques publiques, RGPP, qui mériterait de s’appeler réduction générale des politiques publiques !
Monsieur le ministre, vous prônez « le besoin de souplesse », mais, pour les personnels, c’est trop souvent synonyme de précarité. Le Médiateur de la République s’en préoccupe à propos des enseignants vacataires dans son rapport annuel de 2008. Il y fait des recommandations qui, malheureusement, semblent ne pas avoir été suivies. Il ne faudrait pas que, souplesse oblige, la précarité ne devienne la règle.
Enfin, je suis très choqué de ce mauvais procès fait à la fonction publique territoriale de trop embaucher. Après ceux qui ont été tenus par le Premier ministre se multiplient des propos contraires à la libre administration des collectivités territoriales et qui semblent oublier que, depuis 2004, l’État a transféré, selon la Cour des comptes, de l’ordre de 128 000 emplois ! Excusez du peu ! C’est ainsi que, pour le département de la Seine-Saint-Denis, la dette de l’État aux maisons départementales des personnes handicapées atteint 1, 8 million d’euros, ce qui est considérable.
Il faudra également prendre en charge la délivrance du passeport biométrique, bientôt celle des cartes grises – signalons au passage que de graves dysfonctionnements existent actuellement dans le système d’immatriculation des véhicules.
Il est choquant de délester ainsi les préfectures de département et les sous-préfectures des tâches qu’elles assumaient afin de les fermer et d’en charger les communes sans leur octroyer les moyens nécessaires... puis d’accuser les collectivités de pallier les défaillances !
Pour conclure, je constate avec inquiétude que, l’une après l’autre, vos politiques concernant la fonction publique dessinent une autre vision de la société française, où des pans entiers de l’action publique sont abandonnés ou privatisés.
Pour ma part, je ne peux pas cautionner une telle dérive, qui fait de la fonction publique le parent pauvre de l’État, alors qu’elle fait partie intégrante de notre identité nationale !