Intervention de Jean-Pierre Fourcade

Réunion du 25 novembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Débat sur l'évolution de la dette

Photo de Jean-Pierre FourcadeJean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial :

Je commencerai par exposer la situation telle qu’elle se présente en cette fin d’année 2009, situation que je qualifierai de contrastée.

En effet, entre 2008 et 2009, la dette a beaucoup augmenté mais la charge d’intérêts a diminué, mouvements contraires qui s’expliquent de deux manières.

Si l’augmentation de la masse a été de 123 milliards d’euros d’une année sur l’autre, la dette de l’État dépassant ainsi, à la fin de l’année 2009, 1 140 milliards d’euros et la dette totale – de l’État, de la sécurité sociale, des entreprises, etc. – atteignant quant à elle 77 % du produit intérieur brut, d’une part, les taux d’intérêts ont assez fortement baissé et, d’autre part, l’Agence France Trésor a beaucoup développé le financement par bons du Trésor à court terme.

Pour ces bons, on est passé d’un taux de 3, 76 % à la fin de 2007 à un taux inférieur à 1 % à l’heure actuelle, de sorte que le « matelas » de bons du Trésor qui sert à financer l’ensemble des opérations a dépassé dans le courant de l’année 2009, pour la première fois, 200 milliards d’euros.

Cette technique qui consiste à beaucoup tirer sur les bons du Trésor à court terme malgré l’augmentation du volume de la dette explique le fait que la charge de la dette ait diminué de 2008 à 2009.

En 2008, la charge de la dette avait été très forte à cause du coût des obligations indexées, car, hélas, il y avait eu cette année-là une petite poussée d’inflation.

En 2009, la charge de la dette sera inférieure à 40 milliards, rejoignant ainsi le niveau de 39 milliards d’euros qui était habituellement le sien au cours des années 2004 à 2007.

Cependant, il est important de relever que le déficit primaire – c'est-à-dire la couverture des dépenses hors charge de la dette par les recettes fiscales –, qui était à un niveau correct en 2006 et en 2007, a beaucoup diminué et que notre dette se situe aujourd'hui à une profondeur abyssale.

Pour 2010, l’inquiétude domine.

En effet, l’augmentation de la dette de l’État va être de 113 milliards d’euros et la charge de la dette va passer de 39 milliards à 42, 5 milliards d’euros.

Le Gouvernement, dans la crainte et dans l’anticipation d’une augmentation des taux d’intérêt, a préféré limiter le recours aux bons du Trésor, dont la variation ne serait que d’une trentaine de milliards d’euros pendant l’année 2010, et insister au contraire sur l’augmentation des émissions d’emprunt à moyen et long termes, dont la valeur passerait de 165 milliards d’euros cette année à 175 milliards d’euros l’année prochaine.

La perspective d’une augmentation des taux d’intérêt est effectivement inquiétante. Ainsi, si la Banque centrale européenne augmentait en cours d’année son taux de 0, 25 %, cela se traduirait par 150 millions d’euros de charge supplémentaire par trimestre et, si tous les taux d’intérêt augmentaient de 1 % l’année prochaine, la charge budgétaire s’alourdirait de 2, 4 milliards d’euros.

À plus long terme, de l’examen des différents scénarios établis par les économistes de la délégation à la prospective dans le cadre d’une étude sur les perspectives d’avenir jusqu’en 2030, qu’il s’agisse des scénarios adoptés pour la croissance, pour l’inflation et pour la gestion de la dette publique, je retire l’impression suivante.

Selon le scénario le plus favorable, on peut parvenir, à l’horizon 2030, à ramener le poids de la dette par rapport au PIB à 63, 5 %, soit un taux inférieur aux taux atteints en 2008 et en 2009.

En revanche, dans le scénario le plus défavorable – une croissance molle et des taux d’intérêt élevés –, le poids de la dette par rapport au PIB pourrait s’élever jusqu’à atteindre un taux 135 %, taux qui se rapproche des taux japonais mais nous éloigne de nos voisins…

J’ajouterai que le risque essentiel pour l’année prochaine découlera du grand emprunt national : si celui-ci dépasse 40 milliards d’euros, nous reviendrons aux chiffres de l’année dernière et, surtout, nous emprunterons sur les marchés plus que l’Allemagne.

En effet, en additionnant aux 215 milliards d’euros annoncés les 35 milliards ou 40 milliards de l’emprunt et la facilité de trésorerie de l’ACOSS pour la sécurité sociale, on dépasse 300 milliards d’euros, chiffre qui motive mon inquiétude.

Je souhaite donc que le volume de l’emprunt soit le plus faible possible, de manière à éviter une trop importante dégradation de nos finances.

En conclusion, mes chers collègues, la France est entrée depuis le début de l’année 2008 dans un système de dette perpétuelle et je ne vois pas comment, d’ici à 2030, elle pourrait en sortir.

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