Intervention de Bernard Vera

Réunion du 25 novembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Débat sur l'évolution de la dette

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat rituel sur la dette publique prend, cette année, un relief tout particulier, avec l’annonce de l’émission du grand emprunt, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, alors même que son montant, 35 milliards ou 36 milliards d’euros, en fait finalement un emprunt assez ordinaire.

Pour aborder ce débat, nous ne pouvons que nous reporter à l’actuelle situation de la dette publique, par examen des données figurant sur le site de l’Agence France Trésor, tout en précisant que cette dette est singulièrement affectée par les moins-values fiscales et l’approfondissement de la crise économique.

Fin 2008, la dette de l’État avait dépassé les 1 000 milliards d’euros, avec un montant de 1 017 milliards d’euros, décomposé entre 681 milliards d’euros d’obligations assimilables du Trésor, les OAT, 198 milliards d’euros de bons du trésor à intérêts annuels, les BTAN, et 138 milliards d’euros de bons du Trésor sur formule.

Fin septembre 2009, l’encours de la dette a particulièrement augmenté, atteignant en effet 1 134 milliards d’euros, dont 715 milliards en titres obligataires, 209 milliards en BTAN et 211 milliards en bons du Trésor sur formule, c’est-à-dire des titres de court terme.

La variation des bons du trésor de court terme atteint donc, pour l’heure, 73 milliards d’euros, alors qu’il était envisagé dans l’article d’équilibre de la loi de finances de 2009 une variation nette de 21 milliards d’euros, et une variation globale de la dette de 24 milliards d’euros sur le moyen et le long terme.

On voit que l’objectif a été atteint, bien au-delà de toutes les espérances, et que l’État ne s’est jamais trouvé autant endetté qu’aujourd’hui !

Un tel endettement provient en particulier des moins-values de recettes fiscales, qui ont profondément détérioré les comptes publics, mais aussi et surtout de choix fiscaux qui, mis bout à bout, font porter par l’État ce qui devrait procéder, bien souvent, de la seule responsabilité des entreprises ou des autres agents économiques.

Le paquet fiscal instauré par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, c’est 15 milliards d’euros de dette publique de plus chaque année depuis 2007. L’extinction du système d’imposition séparée des plus-values, c’est 20, 5 milliards d’euros de perdus, au seul motif de renforcer la structure de nos groupes, qui ont ainsi pu trouver, grâce à l’action du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, les moyens financiers de leur croissance externe et, parfois, de leur délocalisation.

Le crédit d’impôt recherche, qui a coûté cette année 4 milliards d’euros, sans la moindre progression des dépenses éligibles, c’est encore de la dette publique en plus !

Ce sont ces dispositions fiscales dérogatoires, avantageant certains revenus ou certaines stratégies industrielles, qui sont à la base de la croissance exponentielle de la dette publique. Et 36 000 emplois publics de moins, c’est aussi 36 000 emplois perdus pour les demandeurs d’emploi, avec l’ensemble des moins-values de recettes fiscales et d’activité qui en découlent.

Le processus de formation de la dette est donc toujours à l’œuvre, et il n’est guère vertueux.

Dans ce contexte, le grand emprunt ne constitue finalement qu’une petite augmentation de l’endettement global, qu’on tente de faire passer pour utile et vertueux.

Ce grand emprunt serait affecté à quelques priorités – transports, recherche, universités – et son encours serait mobilisé à partir de l’affectation du remboursement anticipé des « aides » du plan de sauvetage, pour un tiers et, pour les deux tiers restants, par sollicitation des marchés financiers. Cela revient de fait à faire persister, dans notre paysage, les deux entités créées dans le collectif d’octobre 2008 : la société de prise de participation de l’État, la SPPE, et la société de financement de l’économie française, la SFEF.

Mais l’appel au soutien des investisseurs privés, prévu pour le solde des 60 milliards d’euros que l’on s’apprête à mobiliser, montre le sens donné au grand emprunt : nous passerons rapidement de la dette publique vertueuse à celle destinée à couvrir le financement d’opérations de partenariat public-privé particulièrement coûteuses, in fine, pour les deniers publics.

Nous ne nous réjouissons donc pas des perspectives offertes par les diverses annonces, car nous sommes convaincus que la voie du désendettement de l’État passe par l’abandon des politiques d’allégements fiscaux, qui ont échoué, et dans des choix nouveaux de dépenses publiques, porteurs de croissance durable.

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