Depuis 1980, la dette a explosé à trois reprises, au cours de périodes marquées par des crises économiques et par la récession, à savoir les années 1980-1983, 1991-1993 et actuellement. Soit ! Mais, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, quand la dette explose en France, parallèlement, en raison d’une sorte d’effet de cliquet anti-retour, lorsque des marges de manœuvre apparaissent de nouveau, nous ne les utilisons pas au désendettement. Peut-être est-ce aussi parce que nous sommes incapables de créer des richesses nouvelles…
Malheureusement, dans notre pays, la diminution de la dette publique n’a pratiquement jamais été un objectif prioritaire des gouvernements. Les périodes de croissance ou de taux d’intérêt bas n’ont pas été mises à profit pour la réduire.
Dans ces conditions, nous devons craindre que l’alourdissement rapide de la dette publique ne place notre pays dans une situation de très grande vulnérabilité. Combien de Français savent que les frais financiers, les intérêts de la dette, représentent 43 milliards d’euros en 2009, autant de sommes qui ne peuvent être affectés à des investissements ou à des politiques publiques ? Or 43 milliards d’euros, c’est plus que le futur grand emprunt ! Du moins si le Président de la République s’en tient à la somme raisonnable proposée par MM. Rocard et Juppé, et rien n’est moins sûr !
Certes, aujourd’hui, le financement de la dette publique reste très attractif dans le monde puisqu’une épargne est disponible pour les dettes souveraines des pays que l’on dit « bien gérés ». Pour le moment, nous bénéficions de taux à court terme extrêmement faibles, donc favorables, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises. Cependant, cette capacité de notre pays à financer facilement sa dette sur les marchés ne doit pas avoir pour effet de ne pas regarder la situation en face et de nous conduire à ne pas traiter les déficits et la dette.
Car notre vulnérabilité est liée à une augmentation des taux qui, aux dires des économistes, ne manquera pas de se produire dès que l’économie mondiale redémarrera, le rapporteur général a été parfaitement clair sur ce point. Les intérêts de la dette augmenteront alors considérablement et pèseront encore plus qu’aujourd’hui sur le budget de l’État, rognant encore davantage les marges de manœuvre du Gouvernement. Le risque d’asphyxie financière serait réel.
Nous le savons, la France, parce qu’elle a de plus en plus recours aux marchés financiers, est sous surveillance. Elle ne peut emprunter plus que l’Allemagne et doit continuer à donner des gages pour conserver la confiance des marchés. Comme le disait Louis-Ferdinand Céline, « on ne meurt pas de dettes, on meurt de ne plus pouvoir en faire. »
Je terminerai mon propos en citant quelques lignes du rapport de la commission Pébereau sur la dette publique de 2005 pour déplorer le temps perdu sur ce sujet. « Ce n’est donc pas en poursuivant la facilité de l’endettement que nous renforcerons notre croissance économique, notre niveau de vie et notre cohésion sociale. C’est au contraire en abandonnant les comportements de ces vingt-cinq dernières années que nous pourrons relever les défis du futur et préserver le modèle de société dynamique, fraternel et généreux auquel aspirent les Français. »
Cette politique, monsieur le ministre, n’est ni de droite ni de gauche. Elle est dans l’intérêt de tous les Français et elle est totalement d’actualité.