Sans doute pour éviter que le mouvement social ne puisse s’appuyer sur la mobilisation de salariés rompus à l’exercice de la grève de longue durée, le Gouvernement a prudemment décidé de reporter à une date ultérieure l’examen de la situation des régimes spéciaux.
C’est en effet par le biais d’un rapport publié avant le 1er janvier 2017, c’est-à-dire presque au terme de la prochaine législature, que le Gouvernement entend donner au Parlement les moyens de réfléchir aux mesures d’âge portant sur le fonctionnement des régimes spéciaux.
Dans les faits, l’alinéa 41 de l’article 20 vise à éviter que les agents de la Régie autonome des transports parisiens, la RATP, ainsi que ceux de la SNCF ou du secteur des industries électriques et gazières, ne participent trop, en fonction de la situation de leur secteur, aux éventuels mouvements sociaux.
Vu la situation qui affecte depuis plusieurs jours le transport ferroviaire dans notre pays, il semble bien que l’opération ait quelque peu échoué !
Je souhaite revenir à présent sur les raisons de cet échec.
Premièrement, les salariés de la SNCF, pour prendre cet exemple, savent pertinemment que tout recul imposé aux assurés du régime général en termes de durée de cotisation, d’âge d’ouverture des droits ou d’âge de liquidation sans décote – ce sont les trois piliers de la réforme qui figurent aux articles 4, 5 et 6 –, rend quasiment intenable la préservation de la spécificité du régime.
Au demeurant, l’offensive menée dans ce texte pour, de façon symétrique, imposer un tel recul social aux agents ressortissant au statut de la fonction publique d’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière, justifierait d’autant plus que des mesures de même ordre soient mises en œuvre dans les régimes de la SNCF, des traminots ou des électriciens.
Deuxièmement, l’attaque contre le régime de retraite va naturellement de pair avec celle qui est menée contre l’emploi et l’activité des agents bénéficiant d’un régime spécial, et dont les effets sont de plus en plus patents.
Pour ne citer qu’un exemple, c’est le cas dans le fret ferroviaire, où l’abandon des dessertes de faible circulation, c’est-à-dire les wagons isolés, participe d’un objectif plus général de recherche de rentabilité sur quelques créneaux et lignes plus fréquentées ou plus concurrentielles.
Notons d’ailleurs que le projet de loi NOME, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, va, de son côté, peser sur le chiffre d’affaires d’EDF et, sans doute, occasionner de nouvelles pressions sur le régime de retraite des agents.
Enfin, troisièmement, les agents ont très bien compris que le processus avait des mobiles comptables évidents. Depuis des décennies, une entreprise comme EDF ne perçoit plus aucune aide de l’État, tout en apportant à ce dernier, soit en qualité d’actionnaire, soit au titre des impôts, des ressources considérables. Le désengagement probable de l’État du financement du régime de retraite sera compensé par l’accroissement des cotisations acquittées par les agents, alors que ceux-ci verront leur retraite amputée au final.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d’adopter notre amendement.