Les auteurs de cette série d'amendements essayent d'inciter le Gouvernement et le Parlement à réformer les tribunaux de commerce. Or, comme M. le rapporteur vient d'y faire à l'instant allusion, l'ensemble des dispositions de ce projet de loi de sauvegarde des entreprises permettront aux tribunaux de commerce de rencontrer moins de difficultés que lors de la mise en oeuvre de la loi de 1985, notamment grâce à une présence du parquet accrue.
Je me propose, à ce sujet, de rédiger une circulaire visant à ce que les parquetiers soient plus souvent présents encore. Vous savez d'ailleurs qu'un certain nombre de parquetiers sont spécialisés dans le contentieux des tribunaux de commerce : aujourd'hui, à Paris notamment, certains premiers substituts et certains substituts sont des magistrats extrêmement compétents et, lors des audiences, ils donnent à la discussion juridique le niveau souhaitable.
Par ailleurs, la justice consulaire est une justice bénévole ; or il est beaucoup plus difficile de réformer des bénévoles que de réformer des professionnels. Ainsi, compte tenu du dévouement considérable que suppose le mandat de juge consulaire, le fait pour les intéressés d'avoir été suspectés, comme cela a été le cas lors de la commission d'enquête menée par M. Montebourg et son collègue de l'Allier, a créé une émotion telle - et c'était compréhensible - que, finalement, toute idée de réforme a été vitrifiée, bloquée, gelée, alors qu'une réforme était sans doute nécessaire.
Enfin, dire qu'une chambre mixte présidée par un magistrat professionnel assisté d'assesseurs bénévoles serait seule à pouvoir avoir connaissance des procédures collectives pourrait laisser entendre que les bénévoles n'ont ni la compétence ni, peut-être même, les vertus nécessaires pour présider une telle chambre mixte.
Tout cela, à l'époque, fut donc d'une assez grande maladresse - pardonnez-moi de le dire -, au point d'être perçu comme une provocation. Voilà qui explique que, sous le gouvernement Jospin, rien n'a été fait s'agissant de la réforme profonde des tribunaux de commerce que vous appelez de vos voeux.
Pour autant, le gouvernement actuel n'est pas resté inerte puisque, depuis trois ans, sur l'initiative des tribunaux de commerce, singulièrement de la filiale de Paris, la formation s'est très largement développée. Ainsi, l'ensemble des juges consulaires de France sont invités à se rendre à Tours - si mes souvenirs sont exacts - pour assister à des sessions de formation et perfectionner leur professionnalisme, et j'ai appris que plusieurs d'entre eux en étaient revenus extraordinairement satisfaits. De la même manière, il a été décidé un renouveau de leur déontologie. Enfin, a été créé un Conseil national des tribunaux de commerce, présidé par Mme Perrette Rey, la présidente du tribunal de commerce de Paris, qui, là aussi, veille au respect de la déontologie dans l'ensemble des tribunaux de commerce.
Pour conclure et pour illustrer la difficulté de cette réforme - nous ne pouvons nous y aventurer la fleur au fusil -, je vous indique que, depuis trois ans, mon prédécesseur a réussi à supprimer sept tribunaux de commerce. Et, si l'on remonte à l'époque de Mme Guigou et à celle de Mme Lebranchu, c'est une vingtaine de fermetures que l'on aboutit. Il faut savoir que le moindre petit chef-lieu d'arrondissement, en France, avait son propre tribunal de commerce ! Il est évident que l'investissement en temps, l'investissement en formation nécessaire pour les artisans, les commerçants, les chefs d'entreprise qui se destinaient à cette belle fonction de juge consulaire était tel qu'il n'était pas imaginable que, dans ces petites villes, un nombre suffisant de juges puissent avoir le niveau de compétence requis, d'où la concentration et la spécialisation des juges consulaires dans les tribunaux les plus importants.
L'Etat est incapable de se substituer du jour au lendemain à la justice consulaire, chacun le sait, et nous devons remercier tous ces bénévoles qui y consacrent tant de leur temps et dont certains, vous le savez, sont non seulement dévoués mais, de surcroît, tout à fait compétents : de par mon expérience personnelle dans nombre de tribunaux de commerce, je puis affirmer que nombre d'entre eux sont devenus de quasi-professionnels, alors que, je le répète, ils sont bénévoles.
Il s'agit donc non pas de jeter le bébé avec l'eau du bain, mais de constater combien c'est un système original, qui fonctionne bien la plupart du temps et dont la nécessaire modernisation ne peut se faire que dans la sérénité et non après un procès en sorcellerie du type de celui qui, malheureusement, leur a été fait voilà quelques années.
Je partage toutefois avec vous le souhait de voir légèrement rénovée cette extraordinaire juridiction consulaire, qui est une fierté nationale et qu'il faut continuer à faire fonctionner tout en garantissant aux justiciables une justice de qualité.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'ensemble de ces amendements.