Il est des demandes de rapport qui en disent long sur les finalités réelles des parlementaires qui en prennent l’initiative…
En effet, alors que le régime de retraite des fonctionnaires, garanti par l’État, a déjà connu – et en peu de temps – des modifications importantes, cet article 21 A va plus loin en prévoyant la création d’un rapport destiné à évaluer l’opportunité et les contraintes d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État.
Naturellement, nous ne sommes pas opposés à ce que le système de retraite des fonctionnaires soit transparent. Mais la transparence des régimes n’est pas la seule finalité de ce projet. On peut même craindre qu’elle ne soit qu’une finalité marginale face à un objectif resté secret : participer insidieusement, petit à petit, à la casse du statut de la fonction publique, notamment de la fonction publique d’État.
Cette idée n’est malheureusement pas nouvelle. Nous en avions déjà discuté en 2003 et les organisations syndicales avaient alors, et de manière très majoritaire, fait connaître leur opposition. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, votre gouvernement l’avait refusée, comme il l’avait refusée en 2009, à l’occasion de la création du Service des retraites de l’État.
Présentée par vous-même, cette proposition de créer une caisse spécifique de retraite des fonctionnaires de l’État a été unanimement repoussée le 25 mai 2010 par les organisations syndicales de la fonction publique. Vous avez alors annoncé que vous renonciez à cette création.
J’ai donc été surprise, tout comme les organisations syndicales, en découvrant qu’un député UMP, sans doute bien inspiré ou bien conseillé, avait déposé un amendement, devenu l’article 21 A du projet de loi, que nous examinons en cet instant.
Mais les organisations syndicales furent aussi très surprises par les propos que vous avez tenus à l’occasion de la discussion à l’Assemblée nationale de cet amendement. Je vous cite, monsieur le secrétaire d’État : « […] lors de la discussion que, à la demande de M. Éric Woerth, j’ai engagée avec les syndicats sur le sujet, ceux-ci nous ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas siéger au conseil d’administration d’une telle caisse ».
Mais, monsieur Tron, les organisations syndicales n’ont pas dit qu’elles ne souhaitaient pas siéger à cette caisse : elles se sont opposées à sa création !
Comme elles, nous considérons que l’institution d’une telle caisse porterait un coup supplémentaire au code des pensions civiles et militaires de retraite et, au-delà, au statut de la fonction publique, que vous ne cessez de remettre en cause.
Actuellement, les salaires et les pensions forment un seul élément du budget de l’État, ce qui garantit aux fonctionnaires le montant de leurs pensions. Avec la création de cette caisse, la retraite des agents ne figurerait plus dans les engagements de l’État. Elle serait soumise à des ressources non garanties dépendant de l’équilibre entre le nombre d’actifs cotisant et le nombre de pensionnés. Or, avec les destructions massives d’emplois publics – révision générale des politiques publiques oblige ! –, cet équilibre est menacé, ce qui pourrait conduire à une baisse mécanique des pensions.
Tout ce qui précède illustre bien la volonté du Gouvernement de casser notre système de retraite. Pour ce qui nous concerne, nous le défendrons pied à pied, en continuant, comme nous le faisons depuis le début du débat, à être une force de proposition alternative.