L’article 23 constitue une régression de plus pour les femmes. Il vise, en effet, à supprimer la possibilité de prendre une retraite anticipée pour les fonctionnaires parents de trois enfants ayant effectué quinze années de services. Certes, cette disposition n’existe pas dans le régime général. Peut-on, pour autant, la supprimer au nom de l’équité, de la justice ? Ce n’est pas en limitant des droits que l’on fait œuvre de justice ! Ce gouvernement est le champion de l’injustice, et son entêtement à vouloir conserver le bouclier fiscal en est la preuve !
Avec cet article, vous ajoutez de l’injustice dans la vie déjà difficile de nombre de nos concitoyens. Vous dites que le dispositif en question, qui date de 1924, ne correspond plus aux objectifs visés : cela est vrai. Pour autant, de nombreuses familles ont bâti un projet autour de cette possibilité de départ anticipé à la retraite. Est-il juste, responsable et digne de leur dire, aujourd’hui, que leur projet de vie reposait sur du vent ?
Dans la version première de ce projet de loi, le Gouvernement mettait les fonctionnaires face à un dilemme cruel : partir immédiatement à la retraite pour conserver leurs droits ou différer leur départ en sachant que leur pension serait moindre. L’État, sans sommation préalable, procédait ainsi à une rupture unilatérale et terriblement brutale de contrat.
En présentant cette disposition, fort heureusement pointée rapidement du doigt par les organisations syndicales, notamment la CFDT, le Gouvernement a semé un véritable vent de panique. En trois semaines, les femmes concernées auraient dû faire un choix entre prendre leur retraite avant l’été 2011, en conservant ainsi le droit à une retraite à taux plein, et ne pas utiliser cette possibilité, quitte à voir le montant de leur future pension réduit de 20 % à 40 %. Or ces femmes, ces foyers avaient patiemment bâti un projet de vie intégrant cette possibilité de départ anticipé.
La méthode de travail du Gouvernement, marquée par l’impréparation, la précipitation, l’inconséquence, la brutalité, se trouve ici parfaitement résumée, alors que celui-ci ne cesse de se prévaloir de son sens des responsabilités.
En la matière, le Gouvernement est certes responsable ! Il est le responsable, et même le coupable, du climat anxiogène et conflictuel qu’il fait naître et s’étendre dans notre société.
Sa décision, assortie d’un calendrier sommaire et étroit, revenait à appliquer, dès le 13 juillet, une disposition figurant dans un texte pas encore adopté. C’est une autre spécialité de ce gouvernement ! Faut-il rappeler, à cet instant, les mesures qui ont été adoptées sans l’approbation préalable du Parlement : réduction du taux de TVA pour la restauration, suppression de la publicité sur France Télévisions, loi de programmation militaire ?
Prendre une telle mesure était surtout irresponsable : le Gouvernement n’a pas anticipé le risque, complètement inconsidéré, de faire subir aux effectifs des services publics hospitaliers et de l’éducation une hémorragie catastrophique pour l’ensemble de nos concitoyens. Le message était finalement très clair : mieux vaut partir à la retraite tout de suite que plus tard !
Alors que ce projet de loi vise officiellement à maintenir le plus longtemps possible, et coûte que coûte, les gens en situation d’emploi, le Gouvernement, en l’occurrence, les incite fortement à partir.
De l’avis même de M. Laurent Hénard, rapporteur pour avis de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur ce texte, « toute personne concernée, bien informée et sensée, aura tout intérêt à activer son droit à pension anticipée ». Selon lui, « cela va contre l’esprit d’un texte qui vise à prolonger la durée d’activité ».
Il a fallu plusieurs jours pour que cette « bourde » soit considérée comme telle. Le Gouvernement a introduit des modifications, mais la version remaniée du texte n’est toujours pas satisfaisante. Elle demeure brutale, injuste et illisible.
Pour prendre en compte l’inquiétude de certains services qui risquent de perdre une partie importante de leurs effectifs, et aussi pour répondre à l’angoisse légitime des agents concernés, le Président de la République a voulu que le dispositif soit maintenu pour ceux qui se trouvent à moins de cinq ans de l’âge de la retraite. C’est bien le moins !
Par ailleurs, la date butoir a été repoussée au 31 décembre 2010 pour un départ à la retraite prévu au plus tard le 30 juin suivant. Mais ce calendrier n’est pas plus réaliste que le précédent. Certes, la majorité a imposé que les services administratifs compétents au sein de chaque fonction publique informent personnellement, d’ici au 15 décembre prochain, les fonctionnaires concernés de l’incidence du changement des règles en matière de départ anticipé à la retraite sur le montant de leur pension. Cependant, compte tenu des différents délais, et même si les administrations travaillent sans doute déjà sur ce dossier, le temps de délibération sur un choix majeur qui engage l’avenir d’un foyer est réduit comme peau de chagrin.
Enfin, c’est vraiment faire abus de langage que de présenter la disparition de ce dispositif comme conforme à un principe d’équité. Il est vrai que suivant qu’un fonctionnaire a réuni les deux conditions – avoir eu au moins trois enfants et avoir effectué quinze années de services – avant ou après les lois Fillon de 2003, le calcul de la pension répond à des règles différentes. Vous êtes les artisans de cette injustice, et il est particulièrement pervers, dans ce cas de figure, …