Intervention de Odette Terrade

Réunion du 15 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 23

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Monsieur le ministre, puisque vous refusez de l’entendre, je vous le répète, comme l’ont fait mes collègues avant moi : votre réforme est injuste pour les femmes.

L’article 23 en fournit malheureusement une parfaite illustration, car il remet en cause le dispositif de départ anticipé à la retraite destiné aux fonctionnaires parents d’au moins trois enfants et ayant effectué quinze années de services.

Il est certain que ce dispositif va à l’encontre de votre volonté de repousser de deux ans l’âge de départ à la retraite. Pourquoi s’embarrasser de cet obstacle à votre entreprise de casse des acquis sociaux, d’autant qu’il s’agit d’un avantage réservé, de fait, aux femmes, fonctionnaires de surcroît !

Après les majorations de durée de cotisation, c’est maintenant le départ anticipé à la retraite : vous n’avez de cesse d’abolir les dispositions sociales tendant à réparer les injustices professionnelles que les femmes subissent tout au long de leur carrière.

Chaque année, 15 000 personnes bénéficiaient de ce dispositif, conçu à l’origine pour favoriser la natalité et que vous souhaitez, selon vos propres propos, supprimer au nom de l’équité. Selon vous, il faut absolument effacer toutes les spécificités ou plutôt, devrais-je dire, les supposés avantages dont bénéficieraient les fonctionnaires.

En revanche, vous avez décidé de geler la contribution de l’État employeur au financement de la retraite de ses agents. Cette mesure montre bien que tous les efforts d’ajustement liés à l’augmentation des dépenses de retraites sont réclamés aux seuls fonctionnaires, notamment aux femmes. Décidément, vous ne respectez rien, et votre volonté de réformer à tour de bras, au profit des plus privilégiés, ne connaît aucune limite.

Par cet article, vous mettez à mal les choix et les projets de vie de milliers de femmes fonctionnaires et mères de famille, déjà pénalisées de facto par les congés parentaux et les temps partiels.

La fixation au 1er janvier 2012 de la date butoir pour la fermeture du droit au départ anticipé à la retraite va encore aggraver la situation des femmes en matière de retraite. Par l’application du principe générationnel, ce dispositif couperet remet brutalement en cause un droit. Cela conduit à calculer les droits en fonction non plus de l’année de leur acquisition, mais de celle où l’assuré atteint sa soixantième année.

Ce dispositif durcit également les conditions de départ à la retraite dans le cadre de la période transitoire.

Ces considérations justifient le rejet d’un article qui entretient l’opposition entre secteur public et secteur privé. En réalité, il va effectivement placer les deux secteurs en situation d’égalité, en ce que les femmes, qu’elles soient fonctionnaires ou non, sont toutes fortement pénalisées par votre réforme. Toutes en sont les victimes ! Il faut vraiment méconnaître la réalité de la situation des femmes dans notre société pour envisager sereinement, comme vous le faites, une telle perspective, et ne pas entendre l’expression du désarroi de toutes ces femmes fonctionnaires.

Vous avez prévu un mécanisme de lissage qui maquille un peu mieux la mesure, sans rien changer au fond.

Si la possibilité de partir de façon anticipée restera ouverte après 2012, les conditions financières de ce départ seront telles, étant donné que le mécanisme de décote réduira d’environ 30 % le montant de la pension, que, pour éviter d’être trop pénalisées, de nombreuses fonctionnaires seront contraintes de partir avant le 1er juillet 2011. L’extinction totale du dispositif est toujours prévue, et les mesures transitoires, très défavorables financièrement, demeurent inchangées.

La suppression de la possibilité de départ anticipé à la retraite va conduire la majeure partie des femmes fonctionnaires à faire des choix difficiles, à renoncer, peut-être, à une carrière. De nombreuses femmes ont fait des choix de vie en essayant de concilier au mieux leur activité professionnelle et leur vie familiale. Elles ont parfois orienté leurs choix en fonction des dispositions relatives aux conditions de départ à la retraite. C’est à toutes ces femmes que vous tournez le dos sans leur donner plus d’explications.

Au nom de toutes ces femmes qui font le choix de travailler et de vivre mieux, qui font le choix de s’opposer à la domination masculine dans notre société et qui, au final, font le choix de plus de liberté et de démocratie, je m’oppose à cet article.

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