Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 4 février 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Vote sur l'ensemble

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Nous avons débattu de longues heures. À vrai dire, ces débats ont parfois obscurci les choses et, d’une manière générale, nous en sommes restés à l’architecture de départ, ce qui est bien regrettable !

Tout au long de ces débats, nous avons défendu les deux principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre. Nous sommes très attachés à ces principes qui constituent, à notre avis, l’un des fondements de notre République.

Tous nos amendements, toutes nos interventions ont soutenu ces principes. Malheureusement, même si ceux-ci sont chers à la plus grande part voire à la majorité des élus et de nos concitoyens, nous n’avons pas toujours été suivis.

Sous couvert du renforcement et de la généralisation des différentes formes d’intercommunalités, c’est en fait une remise en cause complète de nos communes, de nos départements et de nos régions qui est portée par l’ensemble de ce texte.

L’intercommunalité forcée est instituée, quoi que vous en disiez. Certes, les dénominations actuelles des collectivités territoriales demeurent – vous ne pouviez pas les supprimer d’un trait de plume sans provoquer de grands dommages pour vous – mais leurs pouvoirs changent, se transforment et sont même appelés à disparaître.

Cette intercommunalité forcée va se substituer à la coopération volontaire fondée sur des projets communs et sur le partage librement consenti. Ce faisant, ces intercommunalités et interterritorialités, incluant les départements et les régions, transformeront durablement le paysage institutionnel de notre pays.

Les centres de décision vont s’éloigner des citoyens et nos foyers de démocratie locale, dont tout le monde souligne la vivacité, sont appelés à disparaître peu à peu au profit d’entités territoriales élargies.

Il y aura alors moins de communes, certains parlent même d’en faire disparaître 30 000, comme le rapport Balladur qui évoquait leur nécessaire évaporation. Les départements verront leur nombre diminuer, avant leur disparition totale, au profit des métropoles, des pôles métropolitains et de nouvelles régions aux territoires probablement élargis, équivalents des provinces du temps de l’Ancien Régime.

Ainsi, insidieusement, sans que cela soit dit, se mettra en place une tout autre architecture de notre République. Sans passer par une révision constitutionnelle, sans passer par un référendum, une nouvelle République recentralisée est en train de naître.

Pour parvenir à vos fins, qui ne sont jamais explicites, vous décidez d’ouvrir, avec ce texte, une période d’instabilité institutionnelle qui verra se côtoyer nos collectivités actuelles, appelées à disparaître, et de nouvelles institutions plus intégrées, qui seront nos collectivités futures.

Celles-ci seront des communes nouvelles, ne regroupant pas moins de 5 000 habitants, intégrées au sein de communautés de communes, de communautés d’agglomération, de communautés urbaines ou de métropoles – ces mêmes intercommunalités étant associées au sein de pôles métropolitains. Il n’y aura alors plus besoin des départements, qui seront remplacés par ces différentes formes d’intercommunalités. Entre ce qui restera de nos communes et le pouvoir central, on trouvera un niveau intermédiaire : des régions dont les territoires seront élargis, afin de réduire leur nombre actuel.

Ainsi, sous couvert de réduction du « millefeuille », la métamorphose européenne de notre pays est en cours, même si, dans un premier temps, à l’inverse de l’objectif annoncé, il y aura demain plus de structures qu’il n’y en a aujourd’hui. Le millefeuille que vous avez tant vilipendé aura doublé d’épaisseur ! Mais il est vrai qu’après-demain la réduction s’imposera, quand vous aurez transformé nos anciennes collectivités en coquilles vides et réduit drastiquement leurs moyens financiers.

La spécificité de l’organisation administrative de notre pays disparaîtra et, avec elle, sa vivacité démocratique. Certes, le pire n’est jamais assuré, mais il eût été plus honnête de discuter du fond, c’est-à-dire de cette perspective, puisque tel est votre projet.

Nous voterons contre ce projet de loi et demandons un scrutin public.

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