Intervention de Jacques Mahéas

Réunion du 15 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 24

Photo de Jacques MahéasJacques Mahéas :

Avec cet article 24, encore une fois, vous tirez le système vers le bas.

Votre sens biaisé de l’équité s’exerce au détriment des plus petites pensions. Désormais, aucun fonctionnaire à la carrière incomplète partant à la retraite avant l’âge ouvrant droit au taux plein ne sera plus éligible au minimum garanti ! C’est un recul inadmissible, car il affectera en priorité des agents de catégorie C, ceux qui ont déjà, durant leur période d’activité professionnelle, touché les plus bas salaires. Imposer d’avoir effectué une carrière complète pour que la pension ne soit pas assortie d’une décote équivaut à diminuer la retraite des fonctionnaires ayant connu les parcours les plus difficiles ou entrés tardivement dans la fonction publique. La même logique du couperet préside au relèvement de 65 ans à 67 ans de l’âge auquel on peut bénéficier d’une retraite sans décote.

Vous vous en prenez aux plus fragiles, par exemple aux agents de catégorie C de la fonction publique territoriale, qui ont souvent effectué des carrières incomplètes ; nombre d’entre nous, élus locaux, le savent.

En outre, les victimes de votre texte seront en grande majorité des femmes. C’était déjà le cas avec l’article précédent, qui prévoit l’extinction de la possibilité de départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires ayant eu au moins trois enfants et justifiant de quinze ans de services. C’est encore le cas ici, car la mise sous condition de l’attribution du minimum garanti s’appliquera aux agents ayant les plus courtes durées d’assurance. Or les femmes totalisent, en moyenne, six trimestres de cotisation de moins que les hommes, parfois bien davantage.

Si l’équité vous guide réellement, cessez d’aligner dans le moindre détail le pauvre du public sur le un peu plus pauvre du privé qui lui serait équivalent ! Les Français ne peuvent se satisfaire d’être tous entraînés dans une baisse des revenus et du pouvoir d’achat. Que les fonctionnaires soient frappés n’aidera pas les salariés du privé à mieux vivre ! Alignez donc les régimes par le haut ! En l’occurrence, il existe deux régimes avec deux montants de pensions différents : l’un faible, l’autre très faible. L’effort de convergence doit donc se faire dans le sens du progrès, et non dans celui de la régression.

Sous un prétexte ou sous un autre, vous rognez sans cesse les droits des plus démunis ; en revanche, vous préservez soigneusement les intérêts des plus fortunés. C’est la ligne de toute votre réforme : la mise à contribution des entreprises et du capital ne couvrira que de 10 % à 15 % des besoins de financement. C’est indécent ! Quant au bouclier fiscal, étrangement, il ne disparaîtra pas au nom d’une répartition équitable de l’effort, puisque vous liez son sort à celui de l’ISF ! Quel tour de passe-passe !

Gardons bien en mémoire les ordres de grandeur : la mise à contribution des hauts revenus, des revenus du capital et des entreprises apportera des recettes estimées à 4, 6 milliards d'euros, c’est-à-dire à peu près exactement l’effort demandé aux seuls fonctionnaires. Mais ce qui constitue une contribution infime pour les premiers représente un effort considérable pour les seconds. Et vous osez invoquer l’équité ?

Comment ne pas voir que les fonctionnaires sont traités comme des variables d’ajustement de vos errances budgétaires ? La crise a bon dos ! Les mesures que vous déclinez au travers de cette réforme ne sont que pertes et préjudices pour les agents de la fonction publique, déjà victimes de suppressions massives de postes et du gel des salaires.

De façon scandaleuse, vous désignez la fonction publique comme source d’une dépense excessive, voire injustifiée, qu’il convient de réduire drastiquement. Nous nous faisons une autre idée du service public et nous rejetons avec force vos mesures de régression sociale, dont l’accumulation suscite notre révolte.

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