Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 30 novembre 2005 à 22h00
Loi de finances pour 2006 — Article 51 et état A

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Ce débat très intéressant sur la dette nous aide à porter un regard sur la situation patrimoniale de notre pays.

Il est vrai que l'information délivrée hier par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a suscité le trouble dans les esprits. Au demeurant, M. Marini l'a rappelé, cela fait des années que nous disons que la dette est au moins de 2 000 milliards d'euros : 1 150 milliards d'euros de dette négociable, à quoi il faut ajouter les provisions pour pension à verser aux fonctionnaires qui sont déjà en retraite ou à ceux qui travaillent et qui acquièrent des droits à pension.

Il faudrait également tenir compte de la dette que l'État est en train de reprendre - pensions de La Poste, de la RATP, de la SNCF -, soit environ 200 milliards d'euros supplémentaires.

Et que dire de la dette de Réseau ferré de France ? Qui peut imaginer qu'une bonne gestion lui permettra de la rembourser ?

Il faut encore ajouter quelques petites tricheries révélatrices de nos mauvaises manières au début des années quatre-vingt-dix. Par exemple, on a créé un service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF, qui s'élève à 10 milliards d'euros sans que ces milliards n'apparaissent nulle part dans la présentation de la dette publique.

Je sais bien que cette culture de la cachotterie s'expliquait, à l'époque, par la volonté de ne pas porter préjudice à notre monnaie nationale. Mais aujourd'hui, le contexte est différent, monsieur le ministre. Il est temps de dresser une situation patrimoniale aussi sincère que possible.

Aujourd'hui, la dette est donc plus proche de 2 300 milliards d'euros que de 2 000 milliards d'euros.

J'ai entendu dire que certains allaient créer une commission d'enquête parce que, subitement, la dette avait explosé et que les comptes étaient insincères. Il ne faut pas exagérer : nous connaissions il y a quelques années déjà des dettes dues aux pensions de retraite !

Il faut que nous nous préparions à mieux appréhender la réalité patrimoniale de la situation de l'État. Et la LOLF vous obligera, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, à présenter devant le Parlement cette situation, que la Cour des comptes vérifiera pour attester de sa sincérité.

Nous devons aussi prendre en compte d'autres dettes, monsieur le ministre. Par exemple, lorsque l'État s'engage à verser des primes sur les plans d'épargne logement, c'est une dette qu'il contracte. Il existe ainsi au moins 10 milliards d'euros d'engagements qui ne sont pas comptabilisés actuellement. Les avantages Robien, Besson, Méhaignerie, tout comme ceux qui sont concédés à l'investissement ultramarin, sont autant de dettes qu'il faudra un jour faire apparaître dans les engagements de l'État !

Préparons-nous donc à appréhender cette réalité aussi objectivement que possible pour mesurer la nécessité et l'urgence des réformes.

J'ai la conviction, monsieur le ministre, que nos compatriotes trouvent un motif d'angoisse lorsqu'ils découvrent que la dette s'élève peut-être à 2 000 milliards ou à 2 300 milliards d'euros.

Mais il ne faut pas exagérer ! Nos concitoyens attendent surtout que nous trouvions des solutions pour sortir de cette situation. À cet égard, le rapport de M. Paul Girod sur la gestion de la dette publique formulait des propositions auxquelles vous n'avez, monsieur le ministre, que très partiellement répondu lors de votre audition devant la commission des finances.

Si France Trésor était chargée de la gestion des dettes, entre autres, de la CADES et de RFF, l'État, dont vous avez la charge budgétaire, pourrait économiser entre 120 et 130 millions d'euros chaque année. Nous serions donc heureux que vous nous confirmiez ce soir que vous prendrez toutes les dispositions nécessaires pour concrétiser cette économie potentielle.

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