Intervention de Michel Mercier

Réunion du 18 octobre 2011 à 15h00
Contentieux et procédures juridictionnelles — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles revient aujourd’hui devant la Haute Assemblée. La commission mixte paritaire qui s’est réunie cet été n’est en effet pas parvenue à établir un texte de compromis.

Ce texte est important : il s’inscrit dans un mouvement engagé en 2009 et destiné à simplifier, à alléger et à rendre plus efficace le traitement des procédures judiciaires au profit des justiciables. Il est inspiré des réflexions de la commission présidée par le recteur Serge Guinchard et vise également à améliorer la visibilité de l’organisation judiciaire.

Tant sur la répartition des contentieux que sur l’allégement des procédures, le travail parlementaire a permis de renforcer les objectifs de la réforme. Le Sénat a considérablement enrichi ce projet de loi, l'Assemblée nationale ayant d’ailleurs retenu, dans leur grande majorité, les avancées qui avaient été apportées au texte en première lecture, notamment en matière de procédure civile et pénale. Cette dernière a néanmoins ajouté deux volets visant à rationaliser l’organisation judiciaire et à alléger les procédures devant les juridictions financières et administratives.

J’évoquerai brièvement les grands axes de ce texte.

Tout d’abord, ce projet de loi clarifie la répartition des contentieux en matière civile et poursuit le mouvement de spécialisation en matière pénale.

En matière civile, le texte procède à des transferts de compétences entre tribunaux d’instance et tribunaux de grande instance, en vue d’une meilleure cohérence et d’une plus grande lisibilité dans les attributions de ces deux ordres de juridiction.

Cet effort de lisibilité conduit, comme le préconisait le rapport Guinchard, à supprimer les juridictions de proximité. Les juges de proximité seront donc désormais rattachés au tribunal de grande instance. Il s’agit non pas de supprimer les 581 juges de proximité, mais de redéfinir leur périmètre d’intervention : ils participeront désormais aux audiences collégiales, au pénal mais aussi au civil. Ils pourront en outre se voir confier la procédure non contradictoire d’injonction de payer.

La Haute Assemblée a souhaité revenir sur l’une des simplifications introduites par le texte en prévoyant que ces juges conservent leur compétence à juge unique pour les contentieux civils d’un montant inférieur à 4 000 euros. J’entends les craintes exprimées d’une surcharge d’activité pour les juges d’instance et je m’engage donc devant vous à ce que les situations fassent l’objet d’un examen attentif afin de renforcer, là où cela sera nécessaire, les effectifs des juridictions d’instance concernées par cette réforme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens également à souligner que, en pratique, le maintien de cette compétence poserait des problèmes d’organisation certains et brouillerait la lisibilité justement recherchée par le texte, le juge d’instance pouvant être appelé, dans le dispositif adopté par votre commission, à suppléer l’absence du juge de proximité. C’est pour cette raison que les juges d’instance eux-mêmes, via leur organisation professionnelle, se sont prononcés contre le maintien de cette compétence.

Pour l’ensemble de ces raisons, et afin que le texte puisse atteindre pleinement l’objectif de simplification recherché, le Gouvernement vous soumettra un amendement tendant à revenir au texte initial.

En revanche, le regroupement de certains contentieux techniques et sensibles au sein de pôles spécialisés fait, pour sa part, consensus. Il constitue une réelle avancée pour le traitement d’affaires complexes. Ainsi un pôle compétent pour les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes de torture sera-t-il créé. De même, des pôles régionaux spécialement compétents pour les accidents collectifs permettront une meilleure prise en charge de ces dossiers, qui impliquent souvent de nombreuses parties civiles.

En outre, en supprimant le tribunal aux armées, dont les compétences seront confiées à un pôle spécialisé du tribunal de grande instance de Paris, le texte propose une solution équilibrée. Il parachève ainsi l’intégration de la justice miliaire à la justice de droit commun en temps de paix, tout en tenant compte de la spécificité de ce contentieux.

Ensuite, le texte procède à l’allègement de certaines procédures civiles et pénales.

En matière familiale, comme l’a relevé M. le rapporteur, le texte permet de simplifier véritablement la vie quotidienne de nos concitoyens.

Il apporte également de nouvelles garanties aux justiciables, en généralisant, par exemple, l’obligation pour l’avocat d’établir une convention d’honoraires dans tous les cas de divorce et en prévoyant la fixation de barèmes indicatifs par arrêté du garde des sceaux, après avis du Conseil national des barreaux. Le débat parlementaire a d’ailleurs permis, sur l’initiative de la Haute Assemblée, de renforcer le dispositif initialement proposé pour une plus grande transparence des honoraires.

En matière d’exercice de l’autorité parentale, le projet de loi introduit, à titre expérimental, une obligation de médiation préalable, avant toute saisine du juge.

En matière pénale, le texte vient élargir le champ des procédures simplifiées, qu’il s’agisse de l’ordonnance pénale, de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, de l’amende forfaitaire ou de la transaction pénale.

Enfin, j’en viens aux deux derniers volets du texte relatifs aux juridictions financières et administratives, ajoutés sur l’initiative de l’Assemblée nationale. Tous deux visent, conformément aux objectifs du projet de loi initial, à rationaliser l’organisation des juridictions et à alléger les procédures.

La réforme des juridictions financières fait l’objet d’une réflexion depuis plusieurs années déjà. Les dispositions introduites sont d’ailleurs largement inspirées du projet de loi déposé en 2009, qui reprenait des orientations proposées à l’époque par Philippe Séguin.

Je rappellerai que, après la concertation engagée par Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, le Gouvernement a souhaité approfondir la réflexion. Un certain nombre de dispositions relatives à la modernisation des juridictions financières ont été inscrites dans plusieurs textes ces derniers mois, tant pour renforcer les missions de certification de la Cour des comptes, en les élargissant notamment aux comptes des grands hôpitaux, que pour consolider ses compétences en matière d’évaluation des politiques publiques.

Le texte qui vous est soumis, tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale, poursuit ce mouvement. Il consacre ainsi la possibilité pour le Gouvernement de demander à la Cour des comptes la réalisation d’enquêtes afin de renforcer son rôle dans l’évaluation des politiques publiques. Il élargit le champ des collectivités et organismes soumis au régime d’apurement administratif. Enfin, il renforce les normes professionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.

Je conclurai en évoquant les dispositions relatives aux juridictions administratives introduites par l’Assemblée nationale afin de régler plus rapidement les litiges. Elles favorisent la conciliation administrative, assouplissent les conditions de recours à l’ordonnance de jugement et permettent, dans certains cas, la dispense de conclusions du rapporteur public.

Comme le rappelait le Conseil d’État dans son rapport pour 2011, « la qualité du service rendu par la justice administrative se mesure à l’efficacité avec laquelle elle remplit sa mission ». La protection des droits et libertés, le respect de l’intérêt général ne sont pleinement assurés que si le juge administratif peut maintenir les délais raisonnables de jugement qui sont aujourd’hui les siens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi soumis à votre examen comprend des avancées significatives pour une meilleure organisation de notre justice civile, pénale, mais aussi administrative et financière. Son adoption favorisera l’efficacité de nos procédures et renforcera l’accessibilité de notre justice. Ce sont là des garanties essentielles pour nos concitoyens.

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