Je ne peux que m’associer, monsieur le garde des sceaux, à la requête que vient de vous présenter Jean-Pierre Michel, au nom du groupe socialiste. À mon tour, je vous demande de vous abstenir de procéder à des nominations politiques, à l’instar de celle de votre directeur de cabinet au poste de procureur de la République à Paris.
J’en reviens au texte soumis à notre examen. Au terme de la première lecture, le 14 avril dernier, le groupe CRC avait voté contre ce projet de loi.
Si la commission mixte paritaire réunie le 6 juillet a échoué, c’est essentiellement en raison des ajouts introduits par l’Assemblée nationale, l’un réformant les juridictions administratives et l’autre les juridictions financières, sans que notre assemblée ait eu la possibilité de les examiner à l’époque.
L’échec des travaux de la commission mixte paritaire témoigne à l’évidence des dérives de la procédure accélérée, et des limites que celle-ci impose au travail parlementaire.
Les présidents des deux assemblées avaient d’ailleurs la possibilité d’en demander la mainlevée. Ils ne l’ont pas fait ; c’est pour le moins regrettable. Par voie de conséquence, la commission mixte paritaire a échoué.
À l’Assemblée nationale, saisie à nouveau du projet de loi le 12 juillet, une majorité s’est dégagée pour maintenir les dispositions litigieuses que nos collègues sénateurs membres de la commission mixte paritaire avaient refusé d’intégrer dans le texte. De la part des députés, c’était faire bien peu de cas du travail effectué ici. Nous ne pouvions l’accepter.
Pour notre part, nous avions voté contre le projet de loi en première lecture pour des raisons de forme et de fond.
Sur la forme, mêler dans un même texte des dispositions tout à fait disparates, dont certaines recouvrent des enjeux importants, n’est pas de bonne pratique parlementaire. C’est une manière de faire voter des mesures législatives en dehors, précisément, du cheminement législatif normal. Bien que nous l’ayons dénoncée à plusieurs reprises, cette pratique perdure...
La clarté et l’efficacité du débat parlementaire exigent, lorsque celui-ci porte sur des sujets spécifiques, des discussions spécifiques. Présenter des fourre-tout législatifs, ce n’est pas une bonne manière de faire la loi.
Vous aviez insisté sur le fait, monsieur le garde des sceaux, que ce projet de loi procédait à une « mise en forme législative » des propositions contenues dans le rapport Guinchard. Manifestement, avec cette nouvelle version, nous nous en sommes encore loin.
Vous aviez également affirmé que ce projet de loi était le « pendant » de la réforme de la carte judiciaire achevée en décembre 2010. Pour vous, moderniser la carte judiciaire revient à diminuer le nombre de tribunaux, de personnels, les moyens de fonctionnement, et donc à amoindrir le service public de la justice. Vous me permettrez de contester cette conception, et le projet de loi qui l’accompagne !
Sur la justice de proximité, dont vous dessinez pour la troisième fois les contours, sans jamais avoir établi de bilan, vous connaissez notre position depuis le début : pour nous, les juges de proximité, ce sont les juges d’instance, ceux-là mêmes auxquels vous avez retiré des compétences, ceux dont vous avez fermé des tribunaux.
Rattacher les juges de proximité au tribunal de grande instance ne réglera rien : c’est faire d’eux une variable d’ajustement pour faire face aux besoins en magistrats, compte tenu du nombre insuffisant de juges professionnels.
Outre une nouvelle répartition des compétences dans des domaines pour le moins éloignés les uns des autres, vous procédez à toute une série de spécialisations de contentieux, eux aussi très divers. Certains posent question.
Sommes-nous, mes chers collègues, allés au bout de notre réflexion sur l’utilité de mettre en place des juridictions spécialisées en matière d’accidents collectifs ? Pour ma part, je continue à m’interroger. Ne faut-il pas conserver une certaine proximité ?
Je me félicite qu’un pôle compétent en matière de crimes contre l’humanité voit le jour. Ce n’était pas évident après les années de tergiversations et de frilosité, de la part du Gouvernement et de la majorité, sur l’adoption et le contenu du deuxième projet de loi d’adaptation de notre législation au statut de Rome. Je continue néanmoins de regretter que cette disposition prenne place dans un texte ayant bien peu à voir avec elle, comme si on voulait non pas l’adopter de façon plénière, mais le faire passer « en douce ».
Je regrette également, une nouvelle fois, l’intégration dans ce texte du régime dérogatoire en matière de garde à vue.
Les problèmes demeurent concernant la médiation familiale, prévue à l’article 15 : problème du consentement, problème du financement en cas de généralisation ultérieure du dispositif, problème lié à l’insuffisance programmée du nombre des médiateurs familiaux et, par conséquent, risque de voir se développer un marché privé de la médiation.
Il est positif qu’une majorité se soit dégagée en commission ce matin en faveur de la suppression de cet article. Lors de cette même réunion, l’opposition s’est manifestée pour dénoncer l’extension et la banalisation des procédures simplifiées auxquelles ce texte procède. C’est de bon augure. Nous verrons bien si ces dispositions – l’ordonnance pénale, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et la transaction pénale –, auxquelles nous sommes totalement opposés, sont retirées. Certes, le tollé émanant des associations anti-tabac a été entendu, mais, pour le reste, vous avez maintenu l’essentiel des dispositions.
Or la multiplication des procédures simplifiées va à l’encontre des droits de la défense et des victimes, que vous oubliez lorsque cela vous arrange, monsieur le garde des sceaux. En effet, dans le projet de loi de finances pour 2012, les crédits de l’aide aux victimes diminuent