L'article 31 vise à définir un nouveau seuil de revente à perte, l'objectif, d'ailleurs annoncé tant dans l'exposé des motifs du projet de loi que dans le rapport de la commission saisie au fond, étant simplement de « baisser les prix ». On sait ce qu'il est advenu après l'accord de juin 2004, dit « accord Sarkozy », dont l'objectif était très voisin...
Le paragraphe I de l'article 31 modifie l'article L. 442-2 du code de commerce. La définition du seuil de revente à perte est globalement conservée, même si le « prix net unitaire » se substitue au « prix unitaire », mais le prix unitaire précédent est « minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur » au fournisseur et au producteur, montant « exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et excédant 20 % ».
Pour ma part, plutôt que d'avantages « consentis », je parlerai d'avantages « extorqués », et d'aucuns n'hésitent d'ailleurs pas à qualifier certaines des pratiques, non seulement opaques mais pour le moins douteuses, des cinq grandes centrales d'achat comme des acheteurs des hard discounters de véritable racket.
En tout état de cause, cette nouvelle définition aura le résultat prévisible suivant : les acheteurs auront tendance à porter à 20 % minimum ces avantages financiers, contestables sinon douteux sur le plan moral, que l'on dénonçait jusqu'à présent !
Je ferai simplement remarquer que l'on parle toujours du seuil de revente à perte et jamais du seuil de vente à perte non plus que du seuil d'achat à perte. Autrement dit, ce sont toujours le producteur et le fournisseur qui paient lesdits avantages financiers et, pour le moment, ce n'est jamais le consommateur qui en bénéficie.
Vous savez très bien, monsieur le ministre, que toucher à cet article L. 442-2 est d'une remarquable difficulté. Je me permets de vous rappeler qu'à la suite du rapport Canivet les membres de votre majorité à l'Assemblée nationale - ceux de l'UMP comme ceux de l'UDF - avaient suggéré au Gouvernement d'appliquer toute la loi Galland et de moraliser la pratique avant de légiférer.
En légiférant aujourd'hui, je crains, monsieur le ministre, que vous n'ouvriez la boîte de Pandore et que vous ne nous présentiez un texte dont vous ne mesurez pas très bien les effets secondaires. Je trouve en tout cas troublant que, dans un projet de loi visant à protéger les petites et moyennes entreprises, on déclenche, en modifiant la définition du seuil de revente à perte, un processus qui aura pour conséquence immédiate de mettre en situation de déséquilibre tous les commerces de détail et tous les commerces qui animent les centres de nos bourgs et nos quartiers. On ne jouera en effet plus à concurrence égale, car on sait de quels moyens de pression usent les grandes centrales d'achat.
C'est bien pourquoi mon collègue Bernard Dussaut défendra tout à l'heure un amendement de suppression de cet article et c'est aussi pourquoi nous demandons la création d'une commission d'enquête parlementaire capable, grâce aux moyens dont dispose ce type de commission, d'aller au fond des choses. Aujourd'hui en effet, les fournisseurs que nous auditionnons sont pris entre le marteau et l'enclume : s'ils se dévoilent nominativement, ils savent quelles mesures de rétorsion ils auront à subir.
Je souhaiterais donc qu'avant de légiférer il y ait une commission d'enquête parlementaire sur les pratiques pour le moins douteuses des grandes centrales d'achat.