Séance en hémicycle du 15 juin 2005 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux (328, 2004-2005).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, réunie le 10 mai dernier à l'Assemblée nationale, est parvenue à un accord sur la rédaction du projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux. Nous arrivons aujourd'hui, après une navette parlementaire commencée au Sénat en mai 2004, au terme d'un processus législatif exemplaire.

Je me félicite de constater que notre assemblée a largement contribué à rendre ce travail fructueux, tant par l'importance des amendements qui ont été adoptés que par la qualité de nos débats. A ce titre, je souhaite tout particulièrement rendre hommage à M. Fourcade, qui avait été le rapporteur de notre commission lors de l'examen du texte en première lecture. Le bilan positif que nous faisons aujourd'hui de cette année de travail lui doit beaucoup.

J'observe, enfin, avec satisfaction que l'intervention du ministre devant le Sénat en deuxième lecture a permis de lever les ambiguïtés que nous avions dénoncées dans l'interprétation de certaines dispositions de la nouvelle convention collective nationale des assistants maternels.

En réalité, le travail de la commission mixte paritaire s'est trouvé simplifié par le fait que la seconde lecture du texte avait déjà permis de rapprocher significativement les points de vue entre les deux assemblées. De ce fait, moins d'une dizaine de points restaient à clarifier.

Dans le premier volet du projet de loi, consacré aux conditions d'exercice de la profession, quelques choix devaient être opérés, car plusieurs amendements adoptés par l'Assemblée nationale entraient en contradiction avec les positions retenues par le Sénat.

Il s'agissait : de la suppression de l'ouverture des « relais assistants maternels » aux assistants parentaux, à l'article 1er B ; de la participation bénévole d'un ancien assistant maternel ou familial à la procédure d'agrément et au suivi des pratiques professionnelles, aux articles 5 et 9 ; des modalités d'encadrement de l'utilisation du bulletin n° 3 du casier judiciaire par le service de PMI, à l'article 5 ; de la possibilité, pour les assistants maternels vivant dans une zone urbaine sensible, de disposer d'un local hors de leur domicile pour garder les enfants, également à l'article 5.

D'une manière parfaitement équilibrée, la commission mixte paritaire s'est rendue aux arguments de l'Assemblée nationale s'agissant des deux premiers points, mais a suivi le Sénat sur les deux derniers.

Elle a ainsi mieux encadré l'utilisation du bulletin n° 3 du casier judiciaire lors de la procédure d'agrément et a supprimé la dérogation d'exercice de la profession hors du domicile, que l'Assemblée nationale avait accordée aux assistants maternels résidant en zone urbaine sensible.

Cette disposition posait en effet deux questions : celle du maintien des déductions fiscales accordées aux assistants maternels alors même que, dans ce cas, ils n'auraient pas utilisé leur domicile comme lieu de travail, et celle de l'engagement de la responsabilité des maires en cas d'incident dans le local agréé qui aurait été destiné à l'accueil des enfants.

Le compromis ainsi trouvé sur cette première partie me paraît pleinement satisfaisant, d'autant que les avancées initialement proposées par le Sénat n'avaient pas été remises en cause par l'Assemblée nationale : je pense notamment à la reconnaissance officielle des relais assistants maternels et à l'intégration des assistants maternels et familiaux dans les publics prioritaires pour l'accès à un logement locatif social.

Concernant le « volet droit du travail » du projet de loi, nous sommes aisément parvenus à une rédaction commune sur les trois points mineurs demeurant en discussion, reprenant d'ailleurs les positions défendues par le Sénat, qu'il s'agisse de la définition d'une norme nationale pour les indemnités et fournitures à remettre à l'assistant maternel, du régime juridique applicable en cas d'absence de l'enfant ou du mécanisme de « report de congés » créé au bénéfice des assistants familiaux.

Ces trois points s'ajoutent ainsi aux amendements d'origine sénatoriale qui avaient été adoptés en deuxième lecture et qui n'ont pas été remis en cause.

Notre assemblée aura donc amélioré le texte en créant une procédure d'annualisation du temps de travail des assistants maternels sur la base d'un plafond maximal de 2 250 heures ; en assurant la coordination de la loi avec les dispositions de la convention collective en matière de versement des indemnités et fournitures d'entretien et de modalités de prise de congé des assistants maternels ; enfin, en instituant un mécanisme de « report de congé » assimilable à un « compte épargne-temps » au bénéfice des assistants familiaux.

En définitive, votre commission des affaires sociales se félicite des avancées majeures permises par ce texte particulièrement attendu par les professionnels du secteur, comme par les familles. Je me réjouis de constater que, après les lois de 1977 et 1992, cette réforme fera date.

L'Assemblée nationale et le Sénat se sont finalement rejoints sur un point d'équilibre satisfaisant entre l'intérêt de l'enfant, les besoins des familles et l'amélioration nécessaire des conditions de travail des assistants maternels et familiaux.

C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous invite à adopter ce projet de loi tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

M. Francis Giraud applaudit.

Debut de section - Permalien
Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter le projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux en vue de son adoption définitive.

Je sais à quel point votre Haute Assemblée a contribué à enrichir ce texte au cours des différentes lectures, et je vous en remercie.

Je tiens à remercier tout particulièrement le président de la commission des affaires sociales, M. About, ainsi que les rapporteurs de ce texte, MM. André Lardeux et Jean-Pierre Fourcade.

Ce texte est très attendu par les professionnels et par tous les partenaires du secteur de la petite enfance.

Il est l'aboutissement d'un long travail de concertation et je tiens à remercier les nombreux acteurs qui ont participé aux travaux préparatoires, notamment les organisations syndicales et professionnelles représentant les assistants maternels et leurs employeurs, mais aussi l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France et la Caisse nationale d'allocations familiales.

Il était du devoir du Gouvernement de faire en sorte que ces travaux de grande qualité puissent maintenant trouver un aboutissement rapide.

J'ai souhaité que la dernière lecture du projet de loi puisse avoir lieu dès la reprise des travaux du Parlement.

Il faut maintenant que les décrets d'application soient pris dans les meilleurs délais. Ils feront l'objet, eux aussi, d'une large concertation.

Le texte qui vous est soumis aujourd'hui reflète la volonté du Gouvernement d'agir en faveur de la petite enfance.

Dans la période récente, plusieurs mesures concrètes sont venues témoigner de l'engagement du Gouvernement au service de la politique familiale et, en particulier, de l'accueil des enfants.

Je citerai, par exemple, la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant, qui est une aide très substantielle, notamment pour les familles disposant de faibles revenus.

Il convient de mentionner aussi le crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants. Cette disposition assure désormais une équité complète entre les familles, quel que soit le niveau de leurs revenus.

Enfin, comme vous le savez, le Gouvernement a décidé d'accroître le nombre de places de crèche. C'est pourquoi le Premier ministre vient d'annoncer la création de 15 000 places supplémentaires, qui s'ajouteront aux 28 000 places résultant des plans qui ont été lancés précédemment.

C'est dans le cadre de cette politique familiale que s'inscrit l'adoption de ce texte.

Il était important de reconnaître le rôle des assistants maternels et des assistants familiaux.

Le projet de loi qui vous est soumis redonne tout leur sens, toute leur importance à ces deux métiers qui offrent une solution de proximité humaine et bien adaptée aux exigences des parents.

Cette réforme vient compléter en profondeur un train de mesures qui ont été initiées dès 1977 et réactualisées en 1992.

Elle permet surtout de franchir une nouvelle étape. La reconnaissance de ces deux professions passe désormais par une redéfinition des modalités d'agrément ; les exigences en matière de formation sont renforcées dans de nombreux domaines ; le statut des assistants maternels et familiaux est amélioré, notamment en matière de rémunération, de temps de travail, de congés et de garanties en cas de licenciement.

Les assistants maternels occupent une place essentielle dans le processus de développement de la jeune enfance.

Les dispositions qui les concernent visent à assurer une meilleure qualité de service.

Premièrement, l'agrément : il fournit une garantie de sérieux et de sécurité. C'est le sens du formulaire que la loi met en place. Les candidats au métier d'assistant maternel seront agréés au vu de leurs aptitudes éducatives. La maîtrise de la langue française sera une condition.

Deuxièmement, l'accent est également mis sur la formation. La loi permettra de créer une nouvelle formation d'assistant maternel, plus longue et qui débouchera sur un certificat d'aptitude professionnelle « petite enfance ». En outre, les assistants maternels devront bénéficier d'une formation aux gestes de premiers secours. Il s'agira d'un préalable à tout début d'activité.

Troisièmement, les conditions de travail : elles sont améliorées, notamment en ce qui concerne le contrat de travail, la rémunération, ainsi que le temps de travail et les congés.

S'agissant des assistants familiaux, le texte apporte également des améliorations significatives. Les assistants familiaux sont un des piliers du système de l'aide sociale à l'enfance. Ils accueillent de façon permanente les enfants en difficulté. Ils viennent épauler les familles qui doivent affronter des moments difficiles.

Le texte permet d'améliorer leur formation, en distinguant deux temps : un stage de préparation à l'accueil des enfants et une formation d'adaptation à l'emploi qui sera délivrée au cours des trois premières années d'activité et qui conduira à un diplôme.

Le projet de loi améliore également leur statut professionnel. Plusieurs mesures ont été proposées, notamment la nouvelle structure de leur rémunération. Désormais, le revenu des assistants familiaux sera moins dépendant du nombre d'enfants accueillis.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a cherché à apporter avec vous des réponses concrètes et justes aux attentes des professionnels.

Il a également souhaité satisfaire les aspirations des parents au regard de ce mode d'accueil.

En améliorant le statut des assistants maternels et des assistants familiaux, nous contribuerons à permettre aux parents de concilier plus facilement vie familiale et vie professionnelle. C'est essentiel pour que les couples puissent réaliser leur projet de vie. C'est également indispensable pour assurer le dynamisme de notre société et pour renforcer son activité et sa capacité à regarder l'avenir avec confiance.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, attendue, tant par les assistants maternels que par les familles, cette réforme s'inscrit dans deux logiques : l'amélioration de l'offre d'accueil complémentaire en crèche, annoncée par M. le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale et l'instauration d'un crédit d'impôt pour la garde des jeunes enfants.

S'il a été réformé au début des années quatre-vingt-dix, le statut des assistants maternels date néanmoins de 1977 et ne répond donc plus aux nécessités actuelles. Renforcé par la loi du 12 juillet 1992, il a, certes, rendu la formation initiale obligatoire, simplifié la procédure d'agrément et institué une mensualisation des rémunérations. Cependant, il reste bien en deçà des attentes et des évolutions nécessaires à la pérennisation de cette profession.

Face à l'insuffisance de l'offre de garde pour la petite enfance, il était urgent de réformer, de renforcer et de valoriser le mode de garde choisi par 55 % des familles. Avec la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, l'offre de garde par les assistants maternels risque rapidement de devenir insuffisante face à l'augmentation des demandes des familles, notamment dans les grandes agglomérations.

Ce texte, en professionnalisant davantage les assistants maternels et en rapprochant leur statut juridique du droit commun du code du travail, devrait permettre de susciter de nouvelles vocations.

Toutefois, s'il était urgent de réformer le statut des assistants maternels, il était également indispensable, dans le même temps, de ne pas déséquilibrer le rapport contractuel avec les parents employeurs. Aussi était-il nécessaire de rendre obligatoire l'établissement d'un contrat de travail écrit et de redéfinir les modalités de rupture de celui-ci. Il fallait donc éviter l'instauration de mesures trop contraignantes, qui auraient eu pour effet de rendre ce mode de garde insupportable pour les familles et qui auraient sans doute entraîné une hausse de la « garde au noir ».

Ce projet de loi répond à de nombreuses questions. Comment faire pour que les professionnels soient mieux formés et pour que les familles puissent confier leur enfant, en étant pleinement rassurées sur les conditions de la garde, sans pour autant trop lourdement grever leur budget ? Comment trouver le parfait équilibre entre la protection de l'enfant et de sa famille, d'une part, et la sécurité professionnelle de l'assistant, d'autre part ?

Ce texte aborde les questions difficiles de la nécessaire clarification et de la délimitation entre le statut des assistants maternels permanents, désormais appelés assistants familiaux, et celui des assistants maternels, qui accueillent des enfants chez eux pour la journée. Il traite également de la rénovation du statut juridique des assistants maternels. Enfin, il amorce une amélioration de la qualité de l'accueil des enfants qui leur sont confiés.

Je me réjouis donc des résultats obtenus aujourd'hui, car nous avons réussi à élaborer un texte équilibré et consensuel.

Ce texte est équilibré, car il prend en compte les spécificités départementales dans l'attribution des agréments. Je remercie le président de commission des affaires sociales, M. Nicolas About, de sa proposition de synthèse formulée devant la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Ce texte est équilibré, également, car il place l'enfant, sa sécurité, sa santé et ses besoins au coeur des systèmes d'agrément. Il ne fait désormais plus supporter aux familles les coûts éventuels des retraits d'agrément, effectués et décidés par les conseils généraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Ce texte est équilibré, en outre, car il donne à tous les assistants maternels et familiaux la reconnaissance nécessaire, en refusant, par exemple, la précarisation de ceux qui travaillent dans des quartiers dits « sensibles » et en renforçant l'effort d'harmonisation réalisé par l'ensemble de ce projet de loi.

Ce texte est équilibré, enfin, car le mécanisme d'annualisation du temps de travail proposé par notre Haute Assemblée devrait offrir aux familles plus de souplesse et leur imposer moins de contraintes en termes d'organisation des temps de garde. Instaurer non pas une durée de travail hebdomadaire maximale mais un plafond annuel répond parfaitement à la nécessaire flexibilité demandée à cette profession.

Pour toutes ces raisons, le groupe UC-UDF est en accord avec ce texte, qui ouvre la voie à une meilleure prise en compte des enfants, tout en préservant le haut niveau d'exigence que les familles sont en droit d'attendre de ceux qui en ont la garde. C'est pourquoi il le votera.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La reconnaissance des deux métiers d'assistant maternel et d'assistant familial est, comme nous l'avons déjà dit à maintes reprises, une mesure essentielle pour améliorer l'accueil de la petite enfance, mais elle n'est pas suffisante.

Cette reconnaissance a en effet des conséquences économiques et sociales importantes, sur lesquelles ce projet de loi reste muet.

Le temps n'a pourtant pas manqué : le parcours législatif de ce projet de loi aura été bien long, et ce alors même qu'il était urgent de donner un véritable statut aux 300 000 assistants maternels et aux 45 000 assistants familiaux qui vivent, depuis trop longtemps, dans un véritable flou juridique les maintenant à l'écart du droit commun du travail et contraignant la plupart d'entre eux à une précarité inadmissible.

Tout le monde s'accorde donc à dire qu'il était primordial d'accorder aux assistants familiaux et aux assistants maternels la reconnaissance et la considération auxquelles ils ont droit. Nous le reconnaissons et nous l'avons dit : le débat parlementaire aura permis quelques avancées positives.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Toutefois, les mesures que nous avons défendues et qui allaient dans le sens d'une plus grande reconnaissance et d'une meilleure protection de ces deux professions - elles avaient d'ailleurs trouvé un écho à l'Assemblée nationale - ont été supprimées par le Sénat. Je pense ainsi à l'uniformisation des salaires, à la formation professionnelle reconnue sur tout le territoire, ou encore à l'obtention de l'agrément à partir d'une grille nationale. Même si des avancées ont eu lieu, toutes les dispositions favorables aux assistants maternels et aux assistants familiaux ont été, non pas tout à fait abandonnées, mais insuffisamment précisées.

Cette régression est encore plus sensible s'agissant des dispositions relatives au droit du travail. En effet, sous le prétexte d'harmoniser les dispositions de ce projet de loi avec la convention collective nationale signée entre les assistants maternels et les particuliers employeurs, le Sénat a notamment modifié les mesures relatives à la rémunération des assistants familiaux en cas d'absence de l'enfant gardé et celles qui concernent les congés des assistants maternels et les indemnités à leur verser, ainsi que les fournitures à leur procurer.

Toutefois, même si l'on ne peut pas dire que la navette entre les deux assemblées a provoqué des dégâts dans ce projet de loi, les questions qui motivent notre abstention demeurent.

Ce texte ne permet pas, en effet, une reconnaissance pleine et entière des métiers d'assistant maternel et d'assistant familial, alors que les attentes de ces professionnels sont grandes. Or, en renvoyant sans cesse au domaine réglementaire, ce projet de loi risque, ce que nous ne souhaitons pas, de les décevoir. En effet, quel sera le contenu réel des formations ? Quel sera le taux de la rémunération ? La qualification aura-t-elle une valeur nationale ? Nous n'avons pas pu discuter de ces questions, qui sont renvoyées au domaine réglementaire. L'incertitude demeure donc.

Certes, le Sénat a adopté un amendement tendant à prévoir la consultation des principales associations d'élus sur les projets de décrets d'application. Cette garantie n'est pourtant que partielle, car rien ne vous obligera, monsieur le ministre, à suivre les avis desdites associations.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Par ailleurs, les différents acteurs du secteur de la petite enfance auraient certainement préféré que le projet de loi soit dès aujourd'hui plus précis. D'ailleurs, un certain nombre d'associations, je pense à l'UNAFAM, l'Union nationale des familles de malades mentaux, ont vivement contesté plusieurs dispositions de ce texte.

Plus généralement, ce texte ne permet ni de répondre à la question des salaires de l'ensemble des accueillants, à titre permanent ou non, ni à celle de la réduction des inégalités de rémunération suivant les départements. Pourtant, le rapport d'avril 2002, qui reprenait les conclusions des groupes de travail animés par la direction générale de l'action sociale, avait mis en évidence les différences considérables de niveau de rémunération entre les départements.

Ainsi, selon ce rapport, les salaires peuvent varier du simple au double, par le biais de l'indemnité d'entretien, le salaire moyen se situant, à l'échelon national, entre 105 et 110 fois le SMIC horaire par mois. Dès lors, on ne peut que constater le manque cruel de dispositions relatives à l'indispensable revalorisation salariale de ces professions.

Par ailleurs - et c'est un comble ! - ce texte ne contient rien sur les droits syndicaux, les droits sociaux, les retraites, notamment la validation des périodes travaillées avant 1992. En réponse à ces questions, qui ont été soulevées avec force par les organisations syndicales représentant les deux professions, de réelles mesures sociales auraient pourtant grandement contribué à une véritable reconnaissance de ces métiers.

J'en viens au financement des réformes prévues dans ce projet de loi. Le problème reste entier. De nombreuses dispositions auront en effet des incidences financières sur les parents employeurs et sur les conseils généraux, sans que ces derniers soient à même de les quantifier, compte tenu du fait qu'aucune étude d'impact de ces mesures, aucun chiffrage du coût de leur application ne sont pour l'instant disponibles. Or les compensations prévues par l'Etat, si elles existent, sont totalement virtuelles.

En somme, ce texte, destiné à permettre le franchissement d'étapes décisives - ce dont nous nous réjouissons, monsieur le ministre - pour les assistants maternels et familiaux reste muet sur des questions aussi essentielles que la protection sociale, la durée du temps de travail, le salaire, la formation, ou encore la retraite. Je ne parlerai pas des passerelles.

Nous ne pouvons admettre le renvoi quasi systématique à des mesures réglementaires, s'agissant de dispositions ayant des incidences financières sur les départements ou sur les employeurs privés.

En conclusion, entre les dispositions que nous jugeons favorablement et celles dont la présence ou l'absence sont difficilement acceptables, le bilan reste...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Globalement positif !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. Ah ! Dirais-je qu'il est positif ? Non ! Le bilan est globalement négatif.

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Les professionnels concernés par ce projet de loi attendaient un véritable statut, qui soit le signe de la reconnaissance et du respect auxquels ils ont droit. Au lieu de cela, ils doivent aujourd'hui se contenter d'un projet de loi qui fait de leur métier une profession aux contours encore mal définis et qui n'apporte pas de réponses satisfaisantes aux problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés.

Nous n'avons donc pas d'autre choix que de nous abstenir sur un texte qui n'est pas à la hauteur des enjeux de la professionnalisation des assistants maternels et des assistants familiaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la navette sur ce projet de loi très attendu a duré une année, avec tous les inconvénients que cela suppose. Nombreux sont les assistants maternels et familiaux qui, avec impatience, m'ont demandé des nouvelles de ce texte.

De plus, la convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur est entrée en vigueur entre temps. Les choses ont donc été faites dans le désordre. Nous le regrettons. Mais comment pouvait-il en être autrement devant un tel manque d'empressement de la part du Gouvernement ?

Nous constatons qu'au terme de son examen à l'Assemblée nationale et de son passage en commission mixte paritaire le texte final, malgré certaines avancées, ne fait toujours pas apparaître une volonté déterminée pour que les professions d'assistant maternel et d'assistant familial soient reconnues comme étant des métiers à part entière, avec des conditions égalitaires dans tout le pays.

Je ne reviendrai pas sur toutes les décisions de la commission mixte paritaire.

Nous regrettons que des amendements déposés par mon groupe en première lecture, qui n'avaient pas été adoptés par le Sénat mais l'avaient été par l'Assemblée nationale, puis qui avaient été repoussés par le Sénat et à nouveau adoptés par l'Assemblée nationale, aient finalement été rejetés par la Haute Assemblée.

Pourtant, ils étaient la traduction de demandes formulées par les nombreux assistants maternels et assistants familiaux que nous avons rencontrés. Ils concernaient, bien sûr, la définition de critères nationaux d'agrément. Je l'ai dit ici même lors de chaque examen du texte : nous restons convaincus qu'il fallait maintenir des critères nationaux pour la délivrance de l'agrément, afin de préserver l'égalité de traitement sur tout le territoire national et d'apporter des garanties aux familles. De tels critères auraient permis également de garantir l'objectivité totale de l'agrément.

Vous prétendez donner un véritable statut et une reconnaissance à cette profession, mais le texte accroît finalement le risque de dérives dans des départements.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a adopté un amendement tendant à supprimer le dernier alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles qui autorise les femmes à exercer la profession d'assistant maternel hors de leur domicile lorsqu'elles vivent dans des quartiers peu attractifs. Nous sommes favorables à cette suppression car une telle disposition n'allait dans l'intérêt ni des assistants maternels, ni des familles et des enfants, ni des élus locaux.

Enfin, la commission mixte paritaire a adopté, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, l'article 36 visant la consultation des principales associations d'élus, pour avis, sur les projets de décrets d'application de la présente loi. Cette rédaction ne nous déplaît pas car elle ne réduit pas la portée de notre amendement adopté ici même le 31 mars dernier.

Nous avons souligné à maintes reprises que ce projet de loi faisait trop souvent référence à des décrets et nous nous sommes interrogés sur le contenu de ces textes d'application, notamment de ceux qui engagent les finances locales. Il nous semble important et indispensable que les associations d'élus, comme l'Assemblée des départements de France et l'Association des maires de France, puissent y apporter leur concours. Ainsi, l'expérience des élus locaux sera prise en compte.

Cela étant, ces quelques dispositions, pour intéressantes qu'elles soient, ne sont pas de nature à nous faire changer d'avis sur l'ensemble de ce texte. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.

TITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES

CHAPITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT LE LIVRE II DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES

Texte de l'Assemblée nationale

Après l'article L. 214-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 214-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 214-2-1. - Il peut être créé, dans toutes les communes ou leurs groupements, un relais assistants maternels, qui a pour rôle d'informer les parents et les assistants maternels sur ce mode d'accueil en tenant compte des orientations définies, le cas échéant, par la commission départementale de l'accueil des jeunes enfants, et d'offrir aux assistants maternels un cadre pour échanger sur leur pratique professionnelle, sans préjudice des missions spécifiques confiées au service départemental de protection maternelle et infantile visé au chapitre II du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »

CHAPITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT LE TITRE II DU LIVRE IV DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Les articles L. 421-2 à L. 421-5 du même code sont ainsi rétablis :

« Art. L. 421-2. - L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail, après avoir été agréé à cet effet.

« L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil.

« Art. L. 421-3. - L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside.

« Les critères nationaux d'agrément sont définis par décret en Conseil d'Etat. Toutefois le président du conseil général peut, par décision motivée et à titre dérogatoire, adapter les critères d'agrément pour répondre à des besoins spécifiques.

« Au cours de la procédure d'instruction de la demande d'agrément, le service départemental de protection maternelle et infantile mentionné au chapitre II du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique peut solliciter l'avis d'un assistant maternel ou d'un assistant familial n'exerçant plus cette profession, mais disposant d'une expérience professionnelle d'au moins dix ans, et titulaire d'un des diplômes prévus par voie réglementaire.

« La procédure d'instruction doit permettre de s'assurer de la maîtrise du français oral par le candidat.

« L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d'octroi ainsi que la durée de l'agrément sont définies par décret. Cette durée peut être différente selon que l'agrément est délivré pour l'exercice de la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial. Les conditions de renouvellement de l'agrément sont fixées par ce décret. Sans préjudice des dispositions de l'article L. 421-9, le renouvellement de l'agrément des assistants familiaux est automatique et sans limitation de durée lorsque la formation mentionnée à l'article L. 421-15 est sanctionnée par l'obtention d'une qualification.

« Un arrêté du ministre chargé de la famille fixe la composition du dossier de demande d'agrément ainsi que le contenu du formulaire de demande qui, seul, peut être exigé à ce titre. Il définit également les modalités de versement au dossier d'un extrait du casier judiciaire n° 3 de chaque majeur vivant au domicile du demandeur, à l'exception des majeurs accueillis en application d'une mesure d'aide sociale à l'enfance. L'agrément n'est pas accordé si l'un des majeurs concernés a fait l'objet d'une condamnation pour une infraction visée aux articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18, 222-23 à 222-33, 224-1 à 224-5, 225-12-1 à 225-12-4, 227-1, 227-2 et 227-15 à 227-28 du code pénal. Pour toute autre infraction inscrite au bulletin n° 3 du casier judiciaire, il revient au service départemental de protection maternelle et infantile de juger de l'opportunité de délivrer ou non l'agrément.

« Tout refus d'agrément doit être motivé.

« Les conjoints des membres des Forces françaises et de l'Elément civil stationnés en Allemagne qui souhaitent exercer la profession d'assistant maternel pour accueillir des mineurs à charge de personnes membres des Forces françaises et de l'Elément civil peuvent solliciter un agrément auprès du président du conseil général d'un département limitrophe sauf dans les cas, prévus par décret, où cette compétence est exercée par l'Etat. Les modalités de délivrance de l'agrément sont prévues par convention entre l'Etat et les départements concernés.

« Art. L. 421-4. - L'agrément de l'assistant maternel précise le nombre et l'âge des mineurs qu'il est autorisé à accueillir simultanément ainsi que les horaires de l'accueil. Le nombre des mineurs accueillis simultanément ne peut être supérieur à trois y compris le ou les enfants de moins de trois ans de l'assistant maternel présents à son domicile, dans la limite de six au total. Toutefois, le président du conseil général peut, si les conditions d'accueil le permettent et à titre dérogatoire, autoriser l'accueil de plus de trois enfants simultanément et six enfants au total pour répondre à des besoins spécifiques. Lorsque le nombre de mineurs fixé par l'agrément est inférieur à trois, le président du conseil général peut modifier celui-ci pour augmenter le nombre de mineurs que l'assistant maternel est autorisé à accueillir simultanément, dans la limite de trois mineurs et dans les conditions mentionnées ci-dessus.

« Les modalités du contrôle auquel sont soumis les assistants maternels sont définies par décret en Conseil d'Etat.

« Art. L. 421-5. - L'agrément de l'assistant familial précise le nombre des mineurs qu'il est autorisé à accueillir. Le nombre des mineurs accueillis à titre permanent et de façon continue ne peut être supérieur à trois, y compris les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans. Toutefois, le président du conseil général peut, si les conditions d'accueil le permettent et à titre dérogatoire, autoriser l'accueil de plus de trois enfants pour répondre à des besoins spécifiques. »

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

I. - L'article L. 421-2 du même code, qui devient l'article L. 421-6, est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« Lorsque la demande d'agrément concerne l'exercice de la profession d'assistant maternel, la décision du président du conseil général est notifiée dans un délai de trois mois à compter de cette demande. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, l'agrément est réputé acquis.

« Lorsque la demande d'agrément concerne l'exercice de la profession d'assistant familial, la décision du président du conseil général est notifiée dans un délai de quatre mois à compter de cette demande. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, l'agrément est réputé acquis, ce délai pouvant être prolongé de deux mois suite à une décision motivée du président du conseil général » ;

2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. » ;

3° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. » ;

Supprimé ;

5° Au dernier alinéa, après les mots : « des assistants maternels », sont insérés les mots : « et des assistants familiaux ».

II. - L'article L. 421-3 du même code, qui devient l'article L. 421-7, est ainsi modifié :

1° Après les mots : « un assistant maternel », sont insérés les mots : « ou un assistant familial » ;

2° Il est complété par les mots : « et, s'agissant des assistants maternels, d'une vérification par le président du conseil général dans le délai d'un mois à compter de leur emménagement, que leurs nouvelles conditions de logement satisfont aux conditions mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 421-3 ».

III. - L'article L. 421-4 du même code, qui devient l'article L. 421-8, est ainsi modifié :

1° A Dans le premier alinéa, après les mots : « le maire de la commune de résidence de l'assistant maternel », sont insérés les mots : « ainsi que le président de la communauté de communes concernée » et, après les mots : « il informe également le maire », sont insérés les mots : « ainsi que le président de la communauté de communes » ;

1° Au premier alinéa, les mots : « l'article L. 421-3 » sont remplacés par les mots : « l'article L. 421-7 » ;

2° Au second alinéa, les mots : « et, pour ce qui concerne chaque commune, de la mairie. » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , de la mairie pour ce qui concerne chaque commune, de tout service ou organisation chargé par les pouvoirs publics d'informer les familles sur l'offre d'accueil existant sur leur territoire et de tout service ou organisation ayant compétence pour informer les assistants maternels sur leurs droits et obligations. La liste de ces services et organisations est fixée par voie réglementaire. »

IV. - L'article L. 421-5 du même code, qui devient l'article L. 421-9, est ainsi rédigé :

« Art. L. 421-9. - Le président du conseil général informe du retrait, de la suspension ou de la modification du contenu de l'agrément de l'assistant maternel les organismes débiteurs des aides à la famille instituées par l'article L. 531-5 du code de la sécurité sociale et l'article L. 841-1 du même code dans sa rédaction antérieure à l'article 60 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 2003-1199 du 18 décembre 2003), les représentants légaux du ou des mineurs accueillis et la personne morale qui, le cas échéant, l'emploie.

« Le président du conseil général informe la personne morale qui l'emploie du retrait, de la suspension ou de la modification du contenu de l'agrément d'un assistant familial. »

V. - A l'article L. 421-6 du même code, qui devient l'article L. 421-10, les mots : « l'article L. 421-1 » sont remplacés par les mots : « l'article L. 421-3 ».

VI. - A l'article L. 421-7 du même code, qui devient l'article L. 421-11, les mots : « des articles L. 421-5 et L. 421-6 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 421-9 et L. 421-10 », et les mots : « l'article L. 421-6 » sont remplacés par les mots : « l'article L. 421-10 ».

VII. - A l'article L. 421-8 du même code, qui devient l'article L. 421-12, les mots : « l'article L. 421-6 » sont remplacés par les mots : « l'article L. 421-10 ».

VIII. - L'article L. 421-9 du même code, qui devient l'article L. 421-13, est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « les dommages » sont remplacés par les mots : « tous les dommages, quelle qu'en soit l'origine » ;

2° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« Les assistants maternels employés par des personnes morales, les assistants familiaux ainsi que les personnes désignées temporairement pour remplacer ces derniers sont obligatoirement couverts contre les mêmes risques par les soins des personnes morales qui les emploient. »

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Après l'article L. 421-17 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 421-17-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 421-17-1. - Le suivi des pratiques professionnelles des assistants maternels employés par des particuliers est assuré par le service départemental de protection maternelle et infantile visé au chapitre II du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. Cette mission incombe à la personne morale de droit public ou de droit privé employeur s'agissant des assistants familiaux et des assistants maternels exerçant dans une crèche familiale. Dans tous les cas, l'avis d'un ancien assistant maternel ou familial répondant aux critères fixés au deuxième alinéa de l'article L. 421-3 peut être sollicité. »

TITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

Texte de l'Assemblée nationale

Après l'article L. 2112-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2112-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2112-3-1. - Pour l'application de l'article L. 2111-2, les services du département en charge de la protection maternelle et infantile peuvent demander, en cas de présomption d'accueil par l'assistant maternel d'un nombre d'enfants supérieur à celui autorisé par l'agrément prévu à l'article L. 421-4 du code de l'action sociale et des familles, les informations nécessaires à l'organisme de recouvrement des cotisations sociales mentionné à l'article L. 531-8 du code de la sécurité sociale, qui est tenu de les leur communiquer.

« Les informations demandées se limitent aux données relatives au nombre d'aides allouées au titre de la prestation d'accueil du jeune enfant pour l'assistant maternel qui fait l'objet du contrôle. »

TITRE II BIS

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE L'HABITATION

TITRE III

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL

CHAPITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT LE TITRE VII DU LIVRE VII DU CODE DU TRAVAIL

Section 1

DISPOSITIONS COMMUNES

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

I. - Au premier alinéa de l'article L. 773-6 du même code, qui devient l'article L. 773-4, les mots : « Les assistantes maternelles » sont remplacés par les mots : « Les assistants maternels et les assistants familiaux » et les mots : « L. 773-3, L. 773-3-1, L. 773-5 et L. 773-10 » sont remplacés par les mots : « L. 773-8, L. 773-9, L. 773-17 et L. 773-26 ».

II. - L'article L. 773-4 du même code, qui devient l'article L. 773-5, est ainsi rédigé :

« Art. L. 773-5. - Les éléments et le montant minimal des indemnités et fournitures destinées à l'entretien de l'enfant sont définis par décret.

« Pour les assistants maternels, les éléments et le montant minimal des indemnités et fournitures destinées à l'entretien de l'enfant sont fixés en fonction de la durée d'accueil effective de l'enfant. Les indemnités et fournitures ne sont pas remises en cas d'absence de l'enfant.

« Pour les assistants familiaux, les indemnités et fournitures sont dues pour toute journée d'accueil commencée. »

III. - L'article L. 773-4-1 du même code, qui devient l'article L. 773-6, est ainsi rédigé :

« Art. L. 773-6. - Pendant les périodes de formation des assistants maternels mentionnées à l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles et intervenant après l'embauche, ainsi que pendant les périodes de formation des assistants familiaux mentionnées à l'article L. 421-15 du même code, la rémunération de l'assistant maternel ou de l'assistant familial reste due par l'employeur. »

Section 2

DISPOSITIONS APPLICABLES AUX ASSISTANTS MATERNELS

Texte de l'Assemblée nationale

I. - A l'article L. 773-3 du même code, qui devient l'article L. 773-8, les mots : « assistantes maternelles accueillant des mineurs à titre non permanent » sont remplacés par les mots : « assistants maternels », et le mot : « jour » est remplacé par le mot : « heure ».

II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que, dans le cas d'une répartition inégale des heures d'accueil entre les mois de l'année de référence, la rémunération mensuelle est indépendante des heures d'accueil réelles et est calculée dans les conditions prévues par la convention ou l'accord. A défaut de convention ou d'accord, le contrat de travail peut prévoir ce dispositif et en fixer les modalités. »

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

L'article L. 773-5 du même code, qui devient l'article L. 773-9, est ainsi rédigé :

« Art. L. 773-9. - En cas d'absence d'un enfant pendant une période d'accueil prévue par le contrat, l'assistant maternel bénéficie, dans les conditions et limites de la convention collective nationale des assistants maternels, du maintien de sa rémunération, sauf si l'enfant ne peut être accueilli du seul fait de l'assistant maternel ou lorsque l'absence est due à une maladie de l'enfant attestée par un certificat médical.

« Dans ce dernier cas, l'assistant maternel a droit à une indemnité compensatrice dont le montant minimal est fixé par décret. »

Section 3

DISPOSITIONS APPLICABLES AUX ASSISTANTS MATERNELS EMPLOYÉS PAR DES PARTICULIERS

Section 4

DISPOSITIONS APPLICABLES AUX ASSISTANTS MATERNELSET AUX ASSISTANTS FAMILIAUX EMPLOYÉS PAR DES PERSONNES MORALES DE DROIT PRIVÉ

Section 5

DISPOSITIONS APPLICABLES AUX ASSISTANTS MATERNELS EMPLOYÉS PAR DES PERSONNES MORALES DE DROIT PRIVÉ

Section 6

DISPOSITIONS APPLICABLES AUX ASSISTANTS FAMILIAUX EMPLOYÉS PAR DES PERSONNES MORALES DE DROIT PRIVÉ

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

L'article L. 773-11 du même code, qui devient l'article L. 773-28, est ainsi modifié :

Au premier alinéa, les mots : « Lorsqu'elles accueillent des mineurs qui résident chez elles à titre permanent, les personnes relevant de la présente section ne peuvent s'en séparer à l'occasion de » sont remplacés par les mots : « Les assistants familiaux ne peuvent se séparer des mineurs qui leur sont confiés pendant les » ;

Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, sous réserve de l'intérêt de l'enfant, l'employeur doit autoriser l'assistant familial qui en a effectué la demande écrite à se séparer simultanément de tous les enfants accueillis pendant une durée minimale de jours de congés annuels et une durée minimale de jours à répartir sur l'année, définies par décret.

« L'employeur qui a autorisé l'assistant familial à se séparer de tous les enfants accueillis pour la durée de ses congés payés organise les modalités de placement de ces enfants en leur garantissant un accueil temporaire de qualité pour permettre à l'assistant familial chez qui ils sont habituellement placés de faire valoir ses droits à congés. » ;

Au troisième alinéa, les mots : « l'assistante maternelle qui l'accueille à titre permanent » sont remplacés par les mots : « l'assistant familial » ; les mots : « cette dernière » sont remplacés par les mots : « ce dernier » ; les mots : « celle-ci » sont remplacés par les mots : « celui-ci » et la référence : « L. 773-6 » est remplacée par la référence : « L. 773-4 » ;

4° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Avec leur accord écrit, il est institué un report de congés au bénéfice des assistants familiaux qui n'ont pas utilisé la totalité des droits ouverts au cinquième alinéa. Ce compte permet à son titulaire d'accumuler des droits à congés rémunérés, par report des congés annuels.

« L'assistant familial voit alors sa rémunération maintenue pendant la période de congés annuels, sans que s'ajoutent à celle-ci les indemnités prévues à l'article L. 773-4. Les droits à congés acquis au titre du report de congés doivent être exercés au plus tard à la date à laquelle l'assistant familial cesse définitivement ses fonctions ou liquide sa pension de retraite. »

Texte de l'Assemblée nationale

La première phrase du troisième alinéa de l'article L. 952-6 du code du travail est ainsi rédigée :

« La contribution est calculée sur l'assiette retenue en application, pour les employés de maison, de l'article L. 133-7 du code de la sécurité sociale et, pour les assistants maternels, de l'article L. 242-1 du même code. »

CHAPITRE II

DISPOSITIONS DIVERSES

TITRE IV

DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Texte de l'Assemblée nationale

L'article L. 531-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'organisme mentionné au premier alinéa délivre au salarié une attestation d'emploi. La délivrance de cette attestation valant bulletin de paie se substitue à la remise du bulletin de paie par l'employeur prévue par l'article L. 143-3 du code du travail. »

Texte de l'Assemblée nationale

Les principales associations d'élus sont consultées pour avis sur les projets de décret pris en application de la présente loi.

Texte de l'Assemblée nationale

I. - L'article L. 323-29 du code du travail est ainsi rétabli :

« Art. L. 323-29. - Des emplois à mi-temps et des emplois dits légers sont attribués, après avis de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, aux travailleurs handicapés qui ne peuvent être employés en raison de leur état physique ou mental, soit à rythme normal, soit à temps complet.

« Ces emplois sont recensés par l'administration. »

II. - Le même article est abrogé à compter du 1er janvier 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Sur les articles 1er B à 38, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un des articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire ?

Je rappelle que le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Alain Gournac, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les assistants maternels constituent le premier mode de garde de la petite enfance, avant les crèches et la garde à domicile. Ainsi, 740 000 enfants de moins de six ans sont accueillis par 300 000 assistants à titre non permanent. Parallèlement, 42 000 assistants à titre permanent accueillent 65 000 enfants dans le cadre de la protection de l'enfance. Ces professionnels attendaient de longue date une revalorisation du statut de la profession d'assistant maternel. C'est aujourd'hui chose faite !

Le texte, tel qu'adopté par la commission mixte paritaire, est équilibré. Il répond à la fois aux besoins des enfants - c'est important -, aux attentes des familles et aux revendications légitimes de personnes qui exercent leur métier avec beaucoup de dévouement. Ces métiers, dont l'utilité sociale est unanimement reconnue, sont enfin considérés comme des professions à part entière. Nous nous en félicitons.

Le premier objectif poursuivi consistait à distinguer nettement les assistants maternels des assistants familiaux. Cette distinction consacre ainsi la spécificité de chacune de ces professions.

La seconde étape avait pour but de répondre à la demande croissante des familles en rendant la profession des assistants maternels plus attractive : le rapprochement de leur statut juridique avec le droit commun du travail renforce ainsi l'assise de leur protection et améliore leurs conditions de travail, ce qui devrait permettre de susciter de nouvelles vocations, comme nous le souhaitons.

Ainsi, pour les salariés, l'établissement d'un contrat de travail écrit est rendu obligatoire et les modalités de sa rupture sont redéfinies précisément. L'équilibre dans les rapports contractuels entre les assistants maternels et les parents employeurs est également préservé. L'agrément des assistants maternels sera fixé en fonction de critères nationaux, ce qui était important pour eux, tout en respectant la liberté des présidents de conseil général d'introduire des règles spécifiques propres à leur département.

Marques d'approbation sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Enfin, l'adoption du mécanisme d'annualisation du temps de travail sur la base d'une durée maximale de 2 250 heures, proposé par le Sénat, donnera aux familles des souplesses utiles.

Les partenaires sociaux ne pourront qu'être satisfaits : le texte proposé rejoint, en l'améliorant, le travail de la profession elle-même, puisqu'il est conforme à la convention collective conclue le 1er juillet 2004, étendue par arrêté ministériel en date du 17 décembre 2004.

Les propositions de notre excellent rapporteur, André Lardeux, dont je salue ici le travail, ont sensiblement enrichi le projet de loi tout au long de la navette parlementaire. §Je tenais à vous en féliciter, mon cher collègue.

Enfin, je voudrais, monsieur le ministre, vous dire la satisfaction que nous avons de pouvoir travailler avec vous sur les dossiers de la politique familiale, qui nous tiennent tant à coeur. Je suis persuadé que vous serez à l'écoute des sénateurs dans ce domaine, qui est extrêmement important.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe de l'UMP voteront avec conviction ce texte, qui s'inscrit pleinement dans la politique volontariste destinée à améliorer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, que mène le Gouvernement depuis trois ans.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

Le projet de loi est adopté. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises (nos 297, 333, 362, 363, 364).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de l'article 29.

Il est créé un article L. 470-4-1 du code de commerce ainsi rédigé :

« Art. L. 470-4-1. - Pour les délits prévus au titre quatrième du présent livre pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue, le chef du service d'enquête compétent a droit de transiger, après accord du procureur de la République, selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

« L'acte par lequel le procureur de la République donne son accord à la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l'action publique.

« L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans le délai imparti les obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 395, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article L. 470-4 du code de commerce est ainsi rédigé :

« Art. L. 470 -4 - Lorsqu'une personne morale ayant fait l'objet, depuis moins de deux ans, d'une condamnation pour l'une des infractions définies par les articles L. 441-3, L. 441-4, L. 441-5, L. 441-6, L. 441-6-1, L. 442-2, L. 442-3 et L. 442-4 commet la même infraction, le taux maximum de la peine d'amende encourue est égal à quinze fois celui applicable aux personnes physiques pour cette infraction ».

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 29 du projet de loi pose d'incontestables problèmes. En effet, il tend à favoriser la mise en oeuvre de procédures de transaction dans les cas où est commise une infraction aux règles posées par le chapitre IV du livre IV du code de commerce portant notamment sur les relations commerciales et sur la facturation des prestations de services ou des achats de biens.

La procédure de transaction pénale, qu'on le veuille ou non, revient, ni plus ni moins, à une justice qui ne prête qu'aux riches. En effet, moyennant quelques engagements, en l'occurrence le paiement d'une somme équivalant au montant de l'amende a priori encourue, les grands groupes de la distribution pourront persévérer dans leurs méthodes, si particulières, de marketing, si tant est d'ailleurs que ces dernières fassent l'objet d'un délit constaté.

Pour notre part, plutôt que de laisser cette faculté supplémentaire aux éventuels contrevenants, nous préférons relever quelque peu le quantum de la peine prévue par le droit actuel. Tel est l'objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 177, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 470-4-1 du code de commerce, remplacer les mots :

le chef du service d'enquête compétent

par les mots :

l'autorité administrative chargée des prix et de la concurrence

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il s'agit d'un amendement de précision. Le projet de loi autorise le chef du service d'enquête compétent à procéder à une transaction. La commission estime qu'il vaut mieux viser le service. Elle avait proposé de donner cette compétence à l'autorité administrative chargée des prix et de la concurrence mais il semble préférable de l'octroyer à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation. C'est pourquoi je rectifie en ce sens l'amendement n° 177.

Je me demande même s'il ne conviendrait pas d'ajouter la répression des fraudes puisque nous faisons en fait référence à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. En effet, dans notre beau pays, depuis un certain temps, le contrôle des prix est une notion un peu dépassée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis donc saisi d'un amendement n° 177 rectifié, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 470-4-1 du code de commerce, remplacer les mots :

le chef du service d'enquête compétent

par les mots :

l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation

L'amendement n° 178, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 470-4-1 du code de commerce, après les mots :

a droit,

insérer les mots :

, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement,

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement tend à interdire de proposer une transaction pénale si des poursuites ont déjà été engagées. Cette règle, explicitement prévue pour la composition pénale, permet d'encadrer plus rigoureusement la possibilité de négociations entre l'administration et l'auteur des faits délictueux. Il convient de suivre la règle commune des procédures pénales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

En visant à réécrire entièrement l'article 29 du projet de loi, l'amendement n° 395 revient à supprimer le mécanisme de transaction pénale institué pour certains des délits prévus par le code de commerce. Il va donc à l'encontre de l'objectif du projet de loi, que soutient la commission.

Sur le fond, il tend à porter le montant maximal de l'amende encourue par une personne morale récidiviste en matière d'infractions commerciales à quinze fois celui qui est applicable aux personnes physiques. Le taux actuel me paraît suffisamment important pour présenter un effet dissuasif, surtout si on le met en parallèle avec d'autres dispositions du projet de loi qui instaurent ou renforcent la pénalisation des pratiques commerciales illicites.

Compte tenu de ces explications, vous l'aurez compris, monsieur Le Cam, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 177, vous avez bien fait de le rectifier, monsieur Hyest, car j'étais prêt à lui donner un avis favorable s'il était rectifié. Comme vous l'avez rectifié avant que je vous le demande, l'avis est totalement favorable.

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 395, pour les raisons évoquées par M. le rapporteur. Je rappelle que notre droit du commerce est déjà l'un de ceux qui pénalise le plus lourdement : il n'est pas nécessaire d'en rajouter.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 177 rectifié, car la rédaction proposée est meilleure. Comme vient de le dire Jean-Jacques Hyest, il est préférable de viser l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.

Le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° 178.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 29 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 347, présenté par MM. Valade, de Broissia et Gaillard, est ainsi libellé :

Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article L. 420-5 du code de commerce est complété par les mots : « et des vidéogrammes destinés à l'usage privé du public ».

La parole est à M. Jacques Valade.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

Depuis une dizaine d'années, les phonogrammes et les disques bénéficient d'une protection spécifique contre la pratique des « prix abusivement bas », en application du dernier alinéa de l'article L. 420?5 du code de commerce.

L'émergence du secteur du DVD et des vidéocassettes n'était alors pas prévisible. Or, le marché de la vidéo est actuellement confronté au développement de pratiques de prix très bas qui entraînent non seulement une dévalorisation des oeuvres, notamment cinématographiques et audiovisuelles, mais également une déstabilisation du marché.

Par souci d'homogénéité, monsieur le ministre, le présent amendement a pour objet d'étendre aux supports vidéographiques - DVD et vidéocassettes - la prohibition des prix abusivement bas. Cette mesure vise à enrayer les pratiques commerciales préjudiciables aux intérêts légitimes des différents ayants droit et de restaurer une grille de prix cohérente et compréhensible pour le consommateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

La commission des affaires économiques remercie la commission des affaires culturelles d'avoir évoqué ce dossier. Elle fait confiance au président de la commission des affaires culturelles et aux deux autres signataires de l'amendement, MM. de Broissia et Gaillard. Aussi, elle émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Cette confiance mérite d'être signalée.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement?

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Le Gouvernement est moins convaincu que M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Le marché français de la vidéo est en forte croissance. Pour la seule année 2004, ce marché récent et en pleine expansion a progressé de 16, 9 % en valeur et de 32, 1 % en volume. En 2004, les Français ont dépensé environ 2 milliards d'euros en achat de cassettes VHS et de DVD, ce dernier support captant à lui seul 94, 2 % de ce marché. Les achats de DVD progressent à un rythme supérieur à 30 % par an.

Ces performances remarquables ont été atteintes sans dispositif spécifique d'encadrement des prix. M. Jean-Jacques Hyest disait voilà un instant que le contrôle des prix était un souvenir, mais c'est un souvenir qui a tendance à remonter à la surface.

Aujourd'hui, la question que nous devons nous poser est simple : faut-il restreindre l'accès à ces oeuvres cinématographiques qui font bien souvent parti du patrimoine ancien du septième art ou faut-il, au contraire, permettre un accès le plus large possible ? La culture populaire passe-t-elle par des prix bas permettant à chacun d'accéder aux oeuvres ou doit-elle être réservée à ceux qui ont des moyens financiers ?

Le Gouvernement considère que des prix bas permettent au plus grand nombre de nos concitoyens d'accéder à ces oeuvres cinématographiques. De plus, ces méthodes de vente ne portent pas préjudice aux auteurs, car la plupart de ces films sont libres de droits.

Ce marché dynamique, qui porte la diffusion de la culture cinématographique et des oeuvres de qualité, doit être encouragé.

S'il y a une chose à craindre, c'est plus le développement du piratage numérique sur Internet que des offres promotionnelles, qui sont conformes à la loi et favorisent la valorisation des oeuvres. Pour le Gouvernement, ce qui dévalorise les oeuvres, c'est l'absence de diffusion ; ce qui les valorise, c'est le fait qu'un plus grand nombre de nos concitoyens puissent y avoir accès.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, même s'il est reconnaissant aux auteurs de l'amendement d'avoir ouvert cet intéressant débat, qui mérite certainement d'être approfondi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Louis de Broissia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

C'est un grand plaisir pour moi que de m'exprimer sous la présidence de M. Richert.

J'ai entendu avec plaisir la position de la commission des affaires économiques. Nous ne doutions pas de la bienveillance partagée de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires culturelles. Je voudrais aussi y associer la commission des finances, car notre collègue Yann Gaillard est l'un de ses rapporteurs.

Si les signataires de cet amendement représentent trois commissions, cela prouve qu'il ne s'agit pas d'un amendement « subreptice », et que nous avons réfléchi à ses conséquences.

Monsieur le ministre, je reviens sur votre argumentation. Selon vous, tout se passe bien, la consommation est croissante et il faut donc laisser toute liberté au marché. Vous avez évoqué le piratage.

Il y a eu récemment un grand débat sur le libéralisme, à l'occasion d'une consultation électorale qui a eu lieu un certain dimanche. Nous, nous pensons qu'il existe une « économie sociale de marché » - c'est l'expression qui a été employée sur de nombreuses travées - et, dans ce cadre, les marchés qui se développent doivent être protégés au même titre que les marchés qui sont en péril.

Monsieur le ministre, vous ne revenez pas sur les dispositions du code du commerce qui protègent les phonogrammes et les disques. Autrement dit, ce qui est technologiquement dépassé est protégé, mais pas le reste. Il y a là une incohérence, que je ne m'explique pas.

Par ailleurs, et là je reprends ma casquette de membre de la commission des affaires culturelles, sous le contrôle bienveillant du président Valade, nous sommes sensibles à la protection des oeuvres. Certes, celle-ci est déjà encadrée par un grand nombre de textes, toutes les lois audiovisuelles que le ministre Renaud Dutreil connaît bien, et que le ministre Renaud Donnedieu de Vabres connaît particulièrement bien. Il existe une protection culturelle des oeuvres. Nous, nous souhaitons qu'il y ait aussi une protection du support des oeuvres, et il nous paraît aujourd'hui nécessaire d'encadrer cette industrie émergente du DVD et des vidéocassettes.

Nos approches respectives ne sont pas contradictoires : nous souhaitons la même protection des oeuvres, la même diffusion des oeuvres. Mais ; pour notre part, nous ne voulons pas d'un renard libre dans un poulailler libre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je remercie notre collègue Louis de Broissia pour ce plaidoyer « inter-commission » qui confirme la position présentée par le président Valade.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Monsieur le sénateur, je sais que vos intentions sont tout à fait louables, et je ne les remets pas en cause.

Défendre une économie sociale de marché, c'est précisément s'appuyer sur ce qu'il y a de meilleur dans l'économie de marché, c'est-à-dire la possibilité d'ouvrir l'accès à des biens de qualité au maximum de consommateurs, à des prix les plus accessibles possibles.

Avec une certaine inquiétude, je ne vous cache pas, je vois monter dans notre pays - de tous les groupes sociaux, de tous les groupes de producteurs - une contestation systématique de l'économie de marché, au point que le traité de Rome lui-même vient parfois à être remis en cause. Ce n'est pas l'intérêt des producteurs.

Les producteurs protégés ne sont en effet pas nécessairement ceux qui survivront. Vous avez cité les phonogrammes, qui disposent de protections législatives très fortes. Ce n'est pas pour autant que ses produits ont survécu. A l'heure actuelle, un certain nombre de produits soi-disant protégés connaissent de grandes difficultés.

Je crois aux vertus de la concurrence. Je crois également que la culture doit être accessible au plus grand nombre. Chacun d'entre nous a pu acquérir avec son journal quotidien des DVD de films hollywoodiens des années trente. Aurions-nous acheté ces mêmes oeuvres cinématographiques chez un disquaire ? Certainement pas. Le fait de les avoir acquises à un très faible coût a peut-être permis - c'est le cas en ce qui me concerne - à nos enfants de les visionner, et cette transmission du patrimoine n'a été possible que grâce à des prix très bas.

Il faut faire attention à cette montée actuelle du protectionnisme en France, qui me paraît jaillir de tous les cotés et que nous devons regarder avec un peu de distance, même si certains groupes profitent du climat général pour faire avancer des intérêts particuliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous allons pouvoir vérifier si le plaidoyer de M. le ministre a définitivement convaincu les indécis.

Je mets aux voix l'amendement n° 347.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 29.

Il est créé un article L. 470-4-2 du code de commerce ainsi rédigé :

« Art. L. 470-4-2. - I. - Outre son application aux personnes physiques, la composition pénale prévue à l'article 41-2 du code de procédure pénale est applicable aux personnes morales qui reconnaissent avoir commis un ou plusieurs délits prévus au titre quatrième du présent livre pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes.

« Seule la mesure prévue par le 1° de l'article 41-2 du code de procédure pénale est applicable aux personnes morales.

« II. - Pour les délits mentionnés au I, le procureur de la République peut proposer la composition pénale à l'auteur des faits par l'intermédiaire d'un fonctionnaire mentionné au troisième alinéa de l'article L. 450-1. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 396 est présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 419 est présenté par MM. Yung, Frimat et Dreyfus-Schmidt.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour défendre l'amendement n° 396.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

L'article 30 vise à étendre le champ juridique de ce que l'on a appelé le « plaider coupable », qui constitue, qu'on le veuille ou non, un manquement essentiel à la règle de l'égalité de chacun devant la loi.

Nul doute qu'un fournisseur - parfois une petite entreprise - ayant engagé une procédure judiciaire à l'encontre d'un groupe de la distribution qui aurait contrevenu aux règles du commerce accueillera avec plaisir une issue rapide de ladite procédure et sera ravi de voir ainsi ses droits plus vite reconnus.

Mais, ce qui est certain, c'est que les grands groupes de la distribution auront peu de scrupules pour avoir des pratiques discutables en matière de coopération commerciale, et resteront le plus souvent possible au plus près des limites de la légalité, quitte à se positionner parfois directement en dehors de cette légalité.

La faculté de composition pénale étendue aux délits en matière commerciale, c'est la mise en oeuvre de l'abus de position dominante consenti, accepté et faiblement réprimé. A cet effet, une provision comptable sera suffisante pour couvrir les risques calculés encourus. Pour les groupes de la distribution, l'impact financier de cette disposition sera du même ordre que la prise en compte des vols à l'étalage. Nous ne pensons pas que cela fasse avancer de quelque façon que ce soit la qualité des relations commerciales.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, chers collègues, à adopter cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 419.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La composition pénale, qui résulte de la loi Guigou, est une mesure alternative aux poursuites pénales : pour certaines infractions, le ministère public peut proposer à leur auteur d'exécuter une ou plusieurs obligations à titre de sanction pénale.

Nous estimons que cette procédure alternative, qui a pour objet de désengorger les tribunaux et d'alléger les délais de règlement des litiges, doit être utilisée avec précaution et uniquement dans certains cas limitativement énumérés par la loi.

La loi Perben II avait déjà largement détourné la composition pénale de ses objectifs en élargissant considérablement son champ d'application, ce à quoi le groupe socialiste s'était opposé.

Or l'article 30 du présent projet de loi étend la composition pénale aux personnes morales qui reconnaissent avoir commis un ou plusieurs délits prévus par le texte.

Cette nouvelle extension du champ d'application de la composition pénale aux personnes morales est à nos yeux abusive, car elle détourne cette procédure de son objectif initial.

Par ailleurs, à l'heure où l'on cherche à raffermir l'efficacité des actions en responsabilité contre les entreprises en tant que personnes morales, il n'est pas sain d'offrir à ces dernières la possibilité de transiger dans l'opacité des cabinets des procureurs.

Aussi importe-t-il de limiter étroitement le champ d'application de la composition pénale, raison pour laquelle nous proposons la suppression de l'article 30 du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 59, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le début du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 470-4-2 dans le code de commerce :

La composition pénale prévue à l'article 41-2 du code de procédure pénale est applicable aux personnes physiques et morales...

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 59 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n° 396 et 419.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

L'amendement n° 59 est rédactionnel.

Les amendements identiques tendant à supprimer l'article 30, article dont elle soutient l'adoption, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression n° 396 et 419 : la composition pénale peut constituer une alternative tout à fait efficace aux poursuites pénales et elle est particulièrement bien adaptée au droit commercial.

Il est en revanche favorable à la nouvelle rédaction proposée à l'amendement n° 59.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je veux d'abord corriger une erreur, en particulier au bénéfice de ceux qui, la semaine prochaine, auront à débattre de la procédure dite du « plaider coupable » : la composition pénale n'est pas un accord conclu dans « l'opacité des cabinets des procureurs » ; soumise à un magistrat du siège, c'est une décision judiciaire.

Je rappelle ensuite que le recours à la composition pénale pour les infractions économiques prévues par l'article a été recommandé par le président de la Cour de cassation, car, pour ces infractions, il n'y avait en fait de poursuites ni contre les personnes physiques, ni contre les personnes morales.

Le recours à la composition pénale est donc un progrès en termes d'efficacité de l'action publique et me paraît de beaucoup préférable à l'absence de sanction de délits ou de contraventions prévus par les textes, toujours regrettable dans un Etat de droit.

Je soutiens donc bien entendu le Gouvernement, dont les propositions sont cohérentes avec notre politique pénale, et je suis hostile aux amendements de suppression.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement est adopté.

L'article 30 est adopté.

I. - Le second alinéa de l'article L. 442-2 du code de commerce est remplacé par les dispositions suivantes :

« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport et minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et excédant 20 %. »

II. - Au cours des six mois suivant la publication de la présente loi, pour l'application de l'article L. 442-2 du code de commerce, le montant minorant le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat n'excède pas 50 % du montant total de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit.

III. - Par dérogation aux articles 112-1 et 112-4 du code pénal, l'infraction à l'article L. 442-2 du code de commerce commise avant l'expiration du délai de six mois suivant la publication de la présente loi est jugée, et l'exécution des sanctions prononcées se poursuit, selon la disposition en vigueur lors de sa commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

L'article 31 vise à définir un nouveau seuil de revente à perte, l'objectif, d'ailleurs annoncé tant dans l'exposé des motifs du projet de loi que dans le rapport de la commission saisie au fond, étant simplement de « baisser les prix ». On sait ce qu'il est advenu après l'accord de juin 2004, dit « accord Sarkozy », dont l'objectif était très voisin...

Le paragraphe I de l'article 31 modifie l'article L. 442-2 du code de commerce. La définition du seuil de revente à perte est globalement conservée, même si le « prix net unitaire » se substitue au « prix unitaire », mais le prix unitaire précédent est « minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur » au fournisseur et au producteur, montant « exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et excédant 20 % ».

Pour ma part, plutôt que d'avantages « consentis », je parlerai d'avantages « extorqués », et d'aucuns n'hésitent d'ailleurs pas à qualifier certaines des pratiques, non seulement opaques mais pour le moins douteuses, des cinq grandes centrales d'achat comme des acheteurs des hard discounters de véritable racket.

En tout état de cause, cette nouvelle définition aura le résultat prévisible suivant : les acheteurs auront tendance à porter à 20 % minimum ces avantages financiers, contestables sinon douteux sur le plan moral, que l'on dénonçait jusqu'à présent !

Je ferai simplement remarquer que l'on parle toujours du seuil de revente à perte et jamais du seuil de vente à perte non plus que du seuil d'achat à perte. Autrement dit, ce sont toujours le producteur et le fournisseur qui paient lesdits avantages financiers et, pour le moment, ce n'est jamais le consommateur qui en bénéficie.

Vous savez très bien, monsieur le ministre, que toucher à cet article L. 442-2 est d'une remarquable difficulté. Je me permets de vous rappeler qu'à la suite du rapport Canivet les membres de votre majorité à l'Assemblée nationale - ceux de l'UMP comme ceux de l'UDF - avaient suggéré au Gouvernement d'appliquer toute la loi Galland et de moraliser la pratique avant de légiférer.

En légiférant aujourd'hui, je crains, monsieur le ministre, que vous n'ouvriez la boîte de Pandore et que vous ne nous présentiez un texte dont vous ne mesurez pas très bien les effets secondaires. Je trouve en tout cas troublant que, dans un projet de loi visant à protéger les petites et moyennes entreprises, on déclenche, en modifiant la définition du seuil de revente à perte, un processus qui aura pour conséquence immédiate de mettre en situation de déséquilibre tous les commerces de détail et tous les commerces qui animent les centres de nos bourgs et nos quartiers. On ne jouera en effet plus à concurrence égale, car on sait de quels moyens de pression usent les grandes centrales d'achat.

C'est bien pourquoi mon collègue Bernard Dussaut défendra tout à l'heure un amendement de suppression de cet article et c'est aussi pourquoi nous demandons la création d'une commission d'enquête parlementaire capable, grâce aux moyens dont dispose ce type de commission, d'aller au fond des choses. Aujourd'hui en effet, les fournisseurs que nous auditionnons sont pris entre le marteau et l'enclume : s'ils se dévoilent nominativement, ils savent quelles mesures de rétorsion ils auront à subir.

Je souhaiterais donc qu'avant de légiférer il y ait une commission d'enquête parlementaire sur les pratiques pour le moins douteuses des grandes centrales d'achat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Après la déclaration de M. Raoul, je souhaite également apporter quelques explications : cet article 31 qui concerne le seuil de revente à perte est au coeur de la « réforme » de la loi Galland et mérite donc que l'on y consacre un peu de temps.

Je souhaite, mes chers collègues, vous dire quelles ont été les préoccupations du rapporteur au fil des auditions auxquelles il a procédé sur ce sujet, extrêmement complexe il est vrai. J'ai ainsi reçu une cinquantaine de personnes qu'intéresse cette réforme, parmi lesquelles d'ailleurs certaines qui n'en veulent pas.

D'abord, monsieur Raoul, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de concertation. Vous avez vous-même cité le rapport Canivet et, à l'Assemblée nationale, il y a eu le rapport Chatel. On discute depuis longtemps de ce dossier, dossier d'autant plus difficile qu'il concerne quatre acteurs aux intérêts un peu contradictoires : les consommateurs, les distributeurs, les fournisseurs et les producteurs. Quand on écoute ces différents acteurs, on entend donc forcément des avis divergents.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le rapporteur, je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas eu de concertation !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Il m'a pourtant semblé que vous demandiez encore une commission en vue d'une nouvelle concertation...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

J'ai demandé, monsieur le rapporteur, la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les pratiques des centrales d'achat disposant des moyens propres à ce type de commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Dont acte ! Je n'avais donc pas tout à fait compris le sens de votre intervention.

Quoiqu'il en soit, la concertation a bien eu lieu et, quand il y a concertation, on écrit, et voilà comment pour ma part j'ai rapporté la position de la commission des affaires économiques : « Votre rapporteur tient à souligner l'extrême difficulté que représente la définition d'un nouveau seuil de revente à perte corrélé au niveau des marges arrière, la modification, même minime, d'un seul de ces paramètres impliquant des effets souvent aussi importants qu'imprévisibles. La multiplicité des dispositifs évoqués et étudiés au cours des auditions le conduit à juger celui proposé par le projet de loi globalement équilibré au regard des différents acteurs et objectifs pris en considération. »

J'ai déjà cité les acteurs. Pour ce qui est des objectifs pris en considération, il me semble que nous pouvons nous rejoindre, car tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il faut arrêter la dérive des marges arrière et à considérer qu'il vaudrait mieux passer ces marges arrière dans ce que l'on appelle les marges avant. Nos collègues de l'opposition l'ont d'ailleurs eux-mêmes souvent déclaré.

J'ai donc étudié les différents cas de figure et, en effet, il y a deux cas extrêmes, dont l'un découle de ce qui va nous être proposé par M. Dussaut, à savoir la suppression de l'article 31, ce qui signifie en clair le maintien du statu quo puisque les marges arrière sont actuellement pratiquées. On donne parfois des moyennes, mais je peux vous dire qu'il y a de grandes différences par rapport à la moyenne, et aussi bien des différences inférieures que des différences supérieures.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. Daniel Raoul. Sinon il n'y aurait pas de moyenne !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Il y a par ailleurs la coopération commerciale telle qu'on la connaît, mais il y a aussi la vraie coopération commerciale. Je cite souvent l'exemple du saucisson bien placé à hauteur du nez en tête de gondole, où, même si elle ne souhaite pas nécessairement l'acheter, la ménagère ne pourra pas ne pas le voir...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

En effet, et je fais moi aussi des courses, mais je ne trouve pas d'équivalent masculin à ménagère...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

A partir du moment où le produit bien placé dans les rayons incite le consommateur à l'acheter - placé normalement dans le linéaire, ce dernier ne l'aurait pas acheté -, on peut considérer que le fournisseur a fixé un prix attractif ou, en tout cas, qu'il a tout fait, au titre de la coopération commerciale, pour vendre ce produit, car tel est son objectif. Le produit proposé dans un catalogue s'inscrit lui aussi dans le cadre de la coopération commerciale puisqu'il incite le consommateur à l'acheter.

A vrai dire, ces différentes situations peuvent être considérées comme procédant d'une bonne coopération commerciale. Toutefois, des dérives existent ; je ne les citerai pas, car tout le monde les connaît.

Supprimer l'article 31 ne me paraît pas être une bonne chose.

L'autre position extrême est le seuil dit « triple net ». On met tout à l'avant : c'est une solution, mais on connaît parfaitement les dégâts collatéraux qu'elle peut occasionner. Nous avons tous conscience, et plus particulièrement ici au Sénat, des conséquences qu'une telle solution peut avoir au niveau de l'aménagement du territoire, des commerces de proximité ou du commerce de centre-ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Je n'ai pas pu retenir ces deux solutions extrêmes.

Plusieurs autres solutions s'offraient à nous. Celle du Gouvernement est intéressante, qui consiste à écrêter les marges arrière à 20 %. C'est, à mes yeux, une première étape satisfaisante, car l'on sait que certaines marges arrière dépassent de loin ce pourcentage.

Toutefois, cette solution me semble quelque peu compliquée, monsieur le ministre, et mon travail de rapporteur est d'enrichir le texte gouvernemental.

A cette fin, j'ai souhaité trouver des solutions allant dans le sens d'une simplification.

M. Jacques Blanc hoche la tête.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Eh oui, monsieur Blanc, vous êtes coauteur d'un amendement visant à introduire une simplification, tout comme M. Retailleau, dont l'amendement tend à diminuer le seuil de revente à perte de 10 %. Toutefois, son principal inconvénient est de consacrer et de figer les marges arrière au 31 janvier 2005. Or, manifestement, tout le monde souhaite que l'on diminue les marges arrière pour parvenir à un système plus normal. Comme cet amendement consacre de fait les marges arrière, il n'est pas acceptable en l'état.

Pour ma part, j'ai cherché à combiner les propositions de MM. Hérisson, Carle et Retailleau avec celles du Gouvernement.

J'ai fait hier une proposition à la commission des affaires économiques. Alors que je souhaitais simplifier le système, ma solution est malheureusement apparue encore plus compliquée que celle du Gouvernement.

Après avoir écouté les observations de mes collègues de la majorité, j'ai considéré en mon âme et conscience que le projet du Gouvernement n'est certes pas le meilleur système, car il n'existe pas de système idéal, mais il va dans le bon sens.

Pour toutes ces raisons, je le dis d'ores et déjà, j'émettrai un avis défavorable sur les amendements de suppression de l'article 31 du projet de loi.

Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Les explications que vient de donner M. le rapporteur sont essentielles et très claires.

Au fond, après avoir exploré toutes les solutions - Dieu sait s'il y en a ! -, il ne faudrait pas que nous ayons le sentiment que le statu quo est la meilleure solution. En réalité, c'est une très mauvaise solution. Nous sortons d'ailleurs d'une période où tout le monde pensait qu'il fallait réformer la loi Galland, et ce pour cinq raisons, qui ont été largement exposées par les uns et par les autres.

Premièrement, la loi Galland a créé une sorte d'équilibre, ou plutôt un certain déséquilibre, au détriment du consommateur, ...

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

... et donc du pouvoir d'achat des plus défavorisés des Français, madame Demessine !

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Il suffit d'examiner deux courbes : celle de l'évolution des prix depuis 1997, l'indice de l'INSEE, et celle du panier de la ménagère - chacun ici sait ce qu'il représente.

On constate, chaque année, en France, que les prix des produits de consommation courante, c'est-à-dire le panier de la ménagère, s'écartent de plus en plus de la tendance générale inflationniste, avec un différentiel qui ne cesse de croître. Les Français perdent donc du pouvoir d'achat sur des produits particulièrement sensibles. En effet, lorsque le prix des écrans plats diminue, personne ne s'en aperçoit ; mais lorsque celui des produits de consommation courante augmente, tous les Français s'en aperçoivent et ont le sentiment de connaître une inflation spécifique.

Deuxièmement, la hausse atypique du prix des produits de consommation courante a une explication très simple, et c'est ce qui nous réunit aujourd'hui. Elle procède du gonflement des marges arrière, c'est-à-dire de deux éléments : essentiellement, la coopération commerciale, et les ristournes conditionnelles non acquises au moment de la vente, ces éléments constituant ce que l'on appelle « l'arrière ».

Or, ce n'est pas le consommateur qui bénéficie de cet argent. Petit à petit, s'est donc créé un équilibre dont, monsieur Raoul, les bénéficiaires ont été les grands industriels et les grands distributeurs, et non pas les petits. Les PME et les commerçants de détail n'ont pas profité des marges arrière. Que l'on ne s'y trompe pas, les bénéficiaires de l'inflation de la coopération commerciale, des marges arrière, ce sont les plus puissants, ...

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

... ce ne sont pas du tout les faibles et les petits, que nous voulons protéger.

Troisièmement, alors que la loi Galland avait été conçue pour protéger le petit commerce, tel n'a pas été le cas. Au contraire, nous qui sommes attachés au petit commerce, notamment au petit commerce de centre-ville qui donne bien souvent à celui-ci de la couleur et y crée l'emploi, avons vu ce petit commerce disparaître. Cette loi n'a donc pas atteint son objectif. Il ne faudrait pas faire croire aujourd'hui que supprimer l'article 31 du projet de loi équivaut à défendre le petit commerce. C'est en effet l'inverse qui se produirait.

Quatrièmement, la France a la particularité d'élaborer des dispositifs législatifs particulièrement complexes, bureaucratiques. De temps en temps, il faudrait essayer de mettre en place des choses simples, ...

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

...et c'est ce que nous faisons en grande partie avec ce texte.

En effet, nous améliorons les contrôles, nous proposons des définitions juridiques concernant notamment la coopération commerciale, nous permettons au juge et à l'administration, la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de faire leur travail dans des conditions beaucoup moins courtelinesques qu'aujourd'hui. A certaines époques, on parlait même de la facturologie : des agrégés en factures étaient nécessaires pour comprendre ce qui se passait derrière ces relations commerciales. Essayons donc de fixer des règles simples.

Enfin, cinquièmement, la loi Galland a bénéficié à une forme de commerce que l'on appelle le maxi discount, et on ne peut pas le considérer comme étant un progrès pour le commerce en France.

Au début de l'application de cette loi, le hard discount avait 2 % des parts de marché ; il en a aujourd'hui 15 %.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

On compte environ 1 400 références chez un hard discounter, contre 7 000 à 8 000 dans une grande surface. Qui perd au change ? Les PME !

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Si des magasins proposent un très faible nombre de références, alors il n'y a plus de place pour les PME. Il ne faudrait pas croire, monsieur Raoul, que vous allez faire le jeu du petit commerce ou des PME avec votre amendement de suppression ! En réalité, vous allez faire le jeu des hard discounters. Or, telle n'est certainement pas votre intention.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

De plus, dans les hard discounts, vous ne trouvez pas beaucoup de produits français. Souvent, les produits sont fabriqués en dehors de nos frontières.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Certes, le marché est ouvert, mais il faut tout de même défendre les PME françaises, car elles ont besoin d'avoir accès aux consommateurs. Gardons-nous d'opposer systématiquement la grande distribution aux PME, car ces dernières ont également besoin de la grande distribution pour mettre leurs produits à la disposition du consommateur.

A cet égard, certaines dispositions du projet de loi vont favoriser l'accès des PME aux linéaires ; je veux parler des accords de gamme.

Aujourd'hui, vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, rien ne serait pire que le statu quo.

En revanche, nous devons trouver la bonne solution, mais cela pose problème parce que la matière est technique. En effet, dès que l'on déplace un tout petit peu le curseur, ce sont des milliards d'euros qui passent d'une poche à l'autre. Il faut donc être extrêmement prudent.

Depuis trois ans, nous avons beaucoup consulté. Que l'on ne vienne pas nous dire le contraire.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Depuis l'accord ANIA-FCD, l'accord entre l'Association nationale des industries alimentaires et la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, première tentative des professionnels eux-mêmes pour essayer de trouver une solution en matière de marges arrière, en passant par la circulaire du 16 mai 2003, l'accord relatif aux prix du 17 juin 2004 de Nicolas Sarkozy, le rapport Canivet, la commission Chatel, et le remarquable travail d'auditions réalisé par le rapporteur Gérard Cornu. Nous avons vraiment consulté la terre entière ! Vient un moment où il faut décider, et ce non pas au profit de tel ou tel groupe, aussi sympathique soit-il, mais dans l'intérêt général ! Telle est aujourd'hui notre tâche.

Le texte de l'article 31 est un point d'équilibre : il va nous permettre d'atteindre - peut-être, comme le disait M. le rapporteur, de façon provisoire, mais en tout cas pour une durée relativement stable - un équilibre, afin de résoudre les cinq problèmes que je viens d'exposer. Ce texte est aujourd'hui solide et nécessaire. C'est la raison pour laquelle je le défendrai et m'opposerai, par conséquent, à des rédactions beaucoup plus aventureuses, qui pourraient, comme vous l'avez dit tout à l'heure, ouvrir la boîte de Pandore.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux amendements premiers sont identiques.

L'amendement n° 294 est présenté par MM. Dussaut, Raoul, Courteau, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 397 est présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Dussaut, pour défendre l'amendement n° 294.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Dussaut

Je vais avoir du mal à faire changer d'avis M. le rapporteur et M. le ministre.

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il s'agissait d'un point d'équilibre provisoire : il n'est donc pas certain que vous proposiez une solution satisfaisante.

Avant de proposer une solution durable, nous voulons, quant à nous, essayer de mieux connaître les pratiques actuelles.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

On les connaît, monsieur le sénateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Dussaut

Telle est la principale différence entre nous, monsieur le ministre. Gardons le système actuel et essayons de mieux appliquer les mesures existantes. Pourquoi se précipiter et prévoir aujourd'hui une solution intermédiaire, provisoire ?

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Tout est provisoire, monsieur le sénateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Dussaut

Mais, j'y insiste, vous avez prononcé ce terme, monsieur le ministre !

L'objet de l'article 31 est de modifier le calcul du seuil de revente à perte. Nous tenons, pour notre part, à souligner que le grand mérite de la loi Galland a été d'interdire, à un moment donné, la vente à perte. Elle a permis de mettre fin à des pratiques prédatrices de prix d'appel abusivement bas. Or, en remettant en cause le seuil de revente à perte, on ouvre la porte à une déréglementation dont on ne maîtrise pas les effets, lesquels pourraient être désastreux sur le plan économique. On joue aux apprentis sorciers.

Qui plus est, faire basculer les marges arrière, donc 20 %, vers l'avant revient, de fait, à légaliser, pour ne pas dire blanchir, des pratiques interdites particulièrement opaques, déloyales sur le plan de la concurrence, que certains n'hésitent pas à qualifier de racket organisé.

Avant toute modification de l'article L. 442-2 du code de commerce, nous réclamons la constitution d'une commission d'enquête. Il faut en effet que nous connaissions parfaitement les pratiques commerciales pour mieux les réglementer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 397.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Pour commencer, je souhaite adresser une remarque à M. le rapporteur. Ce n'est en rien un reproche. Sur un sujet aussi complexe, sans doute aurait-il été utile que nous bénéficiions d'une synthèse de l'ensemble des auditions auxquelles a procédé la commission, suivant ainsi la démarche adoptée par M. Bruno Sido, lorsqu'il était rapporteur du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, et qui consistait soit à convier l'ensemble des sénateurs aux auditions, soit à leur faire parvenir un rapport de synthèse. Je souhaite que notre assemblée retienne cette proposition pour l'examen des prochains textes.

L'article 31 vise à modifier la définition du seuil de revente à perte, telle qu'elle est fixée par la loi Galland. Par un mécanisme de vases communicants, vous souhaitez, monsieur le ministre, pouvoir déduire du seuil de revente à perte la facturation des services de coopération commerciale excédant 20 % du prix net du produit vendu.

Ainsi, le seuil de revente à perte serait fixé non plus en fonction du prix de vente convenu entre le fournisseur et le distributeur, mais en fonction des opérations publicitaires et marketing sur ce produit, qui restent largement définies par le distributeur.

Insidieusement, le prix du produit est totalement déconnecté du coût du travail qui a permis sa réalisation. Ainsi, le produit peut être vendu à un prix inférieur à celui auquel le distributeur l'a acheté.

Il s'agit là d'une mesure extrêmement grave, qui revient sur les fondements mêmes du droit du travail et du droit commercial. Ce qui fait la valeur d'un produit, c'est la force de travail nécessitée par sa réalisation et le montant de sa matière première. De la même manière, les salaires sont fixés au regard du travail fourni.

Pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, la notion de prix rémunérateur doit être la base de toute relation commerciale. En d'autres termes, le prix de vente doit être directement lié au coût de production. Au regard de cette approche, la notion même de revente à perte n'a plus de sens.

De plus, la tolérance sur les marges arrière, en permettant qu'un pourcentage soit déduit du seuil de revente à perte, contribue, ainsi que je l'expliquais hier soir, à une baisse tendancielle des prix : non pas du prix de vente aux consommateurs, car il s'agit là d'une simple faculté laissée aux distributeurs, mais bien du prix accordé aux fournisseurs !

En d'autres termes, l'article 31 permet aux distributeurs de faire baisser les prix d'achat aux fournisseurs. En revanche, pour ce qui est du prix de vente aux consommateurs, on s'en remet à la bonne volonté du distributeur, puisqu'il s'agit d'une simple possibilité.

Monsieur le ministre, pensez-vous sincèrement que l'intérêt de Carrefour, pour prendre cet exemple, soit de vendre ses produits moins chers ? Bien sûr que non ! Il est d'accroître son bénéfice, comme toute entreprise capitalistique.

Au mieux, cette réforme permettrait aux distributeurs non seulement de pratiquer des prix d'appel abusivement bas sur certains produits, laminant par là même le petit commerce de proximité, mais aussi d'exercer une forte pression sur leurs fournisseurs afin qu'ils alignent leurs prix sur ceux du distributeur revendant à perte.

Ainsi, ni les fournisseurs ni les consommateurs ne se verraient aidés par cette loi. Une nouvelle fois, il s'agit de permettre à la grande distribution d'augmenter ses profits, pourtant déjà considérables.

Selon nous, seule une revalorisation des salaires et du pouvoir d'achat des Français est susceptible de permettre le développement des PME, et non un cadre législatif qui entérine leur déclin économique et financier en permettant des prix de vente toujours plus bas.

Lamennais disait : « Entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » S'agissant des prix, c'est particulièrement vrai.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article et le retour aux critères définis par la loi Galland, mais soutenu par une réelle politique de prix rémunérateurs. Ce n'est pas le statu quo, loin s'en faut !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 233 rectifié bis, présenté par MM. Hérisson et J. Blanc, est ainsi libellé :

Remplacer le texte proposé par le I de cet article pour le second alinéa de l'article L. 442-2 du code de commerce par les dispositions suivantes :« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport.« A compter de l'année 2005, tout nouvel avantage financier consenti à un acheteur qui viendrait en supplément du niveau de coopération commerciale et des avantages financiers octroyés avant le 31 janvier 2005, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, sera remis dans le prix d'achat effectif et de ce fait pris en compte par l'acheteur pour justifier de son seuil de revente à perte.« Ces dispositions s'appliquent sans préjudice de celles prévues à l'article L 441-2-1.

Sera appliqué par voie réglementaire sur le seuil de revente à perte un coefficient inférieur à 1, pour tous les fournisseurs présents avant le 31 janvier 2005. »

La parole est à M. Jacques Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Nous avons là un débat de fond. Permettez-moi de féliciter et de remercier M. le rapporteur et la commission des affaires économiques d'aborder ce texte avec la volonté de faire face à la réalité de la situation.

A nos collègues socialistes et communistes, je dirai que le « Courage, fuyons ! » n'a jamais été une solution !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. Quand on laisse la France en panne, on voit ce que cela donne !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Il faut tout de même rappeler les mérites de la loi Galland. A l'époque, il s'agissait d'empêcher les reventes à perte, qui étaient une véritable gangrène. Après bientôt dix ans d'application, nous sommes en droit de faire un bilan de cette loi : force est de constater que la situation que vous voulez faire perdurer, mes chers collègues socialistes et communistes, présente deux effets pervers.

Le premier effet pervers est un effet inflationniste. Les prix des produits des grandes marques alimentaires ont augmenté d'une manière bien supérieure à l'inflation.

Monsieur le ministre, il ne faut pas dire que cela a bénéficié aux grandes entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Les grandes entreprises agroalimentaires n'ont effectivement pas envie que leurs marques connaissent des augmentations trop fortes. Il est vrai que cet effet pervers s'est manifesté dans tous les secteurs, mais particulièrement dans celui-là - c'est important pour la France.

Le second effet pervers est le développement des marges arrière, chacun ici l'a rappelé. En effet, les sommes versées à la grande distribution et non répercutées sur les prix de vente sont passées de 17 % à 35 %. Une telle situation est difficilement supportable pour un industriel, qu'il soit petit ou grand.

Nous ne pouvons donc que soutenir et féliciter le Gouvernement de vouloir remédier à cette situation.

Pour autant, la solution retenue à l'article 31, qui consiste, d'une part, à plafonner les marges arrière à 20 % et, d'autre part, à faire en sorte- et c'est positif - que tout nouvel avantage commercial obtenu par un distributeur soit mis sur facture et donc répercuté au consommateur entraîne deux conséquences.

Premièrement, tous les concurrents de la grande distribution connaîtront les accords commerciaux intervenus entre des PME ou des grandes entreprises et la grande distribution. La tentation sera alors grande pour les entreprises de la grande distribution d'utiliser cette information pour exercer une pression sur les entreprises de production et ainsi obtenir des conditions similaires. Or les conditions varient - et c'est légitime - en fonction de critères, notamment le nombre de produits vendus. C'est pourquoi le coup de projecteur brutal qui est autorisé par le dispositif du Gouvernement pourra entraîner, de la part de la grande distribution, des comportements difficilement supportables pour les PME. Je me permets d'attirer votre attention sur cet aspect des choses.

Deuxièmement, l'effet anti-inflationniste de la mesure prévue à l'article 31 reste à démontrer.

C'est la raison pour laquelle mon collègue Pierre Hérisson et moi-même vous proposons, par cet amendement, de tenir compte de la situation actuelle. Ainsi, le seuil de revente à perte pourrait, par décret, être diminué d'un pourcentage qui dépendrait du niveau des marges arrière existant, ce qui permettrait un effet anti-inflationniste rapide.

Par ailleurs, grâce aux marges arrière corrigées par ce coefficient, il sera possible de construire une politique d'avenir sans que la transparence des conditions accordées par les entreprises aux distributeurs donne à la grande distribution l'occasion d'exercer sur les entreprises de production, en particulier sur les PME, une pression qui se révélerait vite insupportable.

Le dispositif alternatif que nous proposons a donc pour effet de prendre acte de la coopération commerciale au 31 janvier 2005, en considérant qu'il revient aux pouvoirs publics de poursuivre « la fausse coopération commerciale ». Il conduit pour l'avenir à « geler les marges arrière » avec le dispositif de rectification.

Cette réponse nous semble positive, car elle modifie la situation qui est dénoncée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 360, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour remplacer le second alinéa de l'article L. 442-2 du code de commerce :

« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix de transport, affecté d'un coefficient multiplicateur de 0, 90 et minoré de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur, s'ajoutant à ceux constatés le 31 janvier 2005 en application du 4° du II de l'article 441-6-1 du code de commerce. »

La parole est à M. Philippe Darniche.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Darniche

Cet amendement vise à améliorer le dispositif proposé. En effet, non seulement celui-ci est difficilement applicable pour les professionnels concernés, mais surtout il rend difficile un contrôle administratif. Il suppose, en effet, de connaître en permanence le montant total des flux financiers affecté à chaque produit, alors que, on le sait, bon nombre des avantages sont différés et que leur montant exact n'est connu qu'a posteriori.

Le dispositif que tend à mettre en place cet amendement a pour effet de créer au préalable un volume d'avantages financiers clairement identifié, susceptible d'être transféré par le distributeur au consommateur, ce qui est, me semble-t-il, l'objectif que nous cherchons tous à atteindre. De ce fait, le montant concerné est facilement identifiable et contrôlable, et le distributeur retrouve la possibilité d'utiliser sa marge pour déterminer le prix de vente au consommateur, ce qui correspond à la logique économique de l'activité commerciale.

Toutefois, il est vrai que cette marge risque d'être rapidement effacée par une augmentation des flux financiers au profit du distributeur, entraînant mécaniquement une augmentation des tarifs, et donc du prix de vente net facturé. Pour remédier à cet inconvénient, nous proposons que toute augmentation des flux financiers vienne en déduction du seuil de revente à perte. Ainsi, toute négociation serait affectée systématiquement à la « marge avant », ce qui revient à « geler » les marges arrière.

Ce dispositif évite les inconvénients de la mesure prévue par le projet de loi. Il présente l'avantage de conserver la définition du seuil de revente à perte à partir du prix de vente net facturé, et donc d'être plus facilement contrôlable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Je serai bref, monsieur le président, car j'ai expliqué longuement la philosophie et la position de la commission.

Monsieur Dussaut, soyons clairs ! Il s'agit d'un écrêtement à 20 %. Il ne s'agit pas de prévoir un basculement obligatoire de 20 % des marges arrière vers l'avant.

En ce qui concerne le caractère provisoire du dispositif, ne nous méprenons pas ! Ce dispositif est provisoire car nous sommes en train de l'examiner au Sénat. Le projet de loi sera ensuite discuté à l'Assemblée nationale, avant, vraisemblablement, de faire l'objet d'une commission mixte paritaire !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

En revanche, en tant que législateur, j'estime que l'ensemble des acteurs a besoin de durée et j'espère que le texte sera adopté durablement ! Certes, c'est ce que nous pensions au moment de l'adoption de la loi Galland, en 1996. Force est de constater, toutefois, moins de dix ans après, qu'il faut la réformer.

C'est pourquoi, dans mon esprit, dire qu'il s'agit d'une mesure « provisoire » ne signifie pas qu'elle dure seulement six mois ou un an. Il faut proposer des lois durables.

La commission est donc défavorable aux amendements identiques n° 294 et 397.

En ce qui concerne votre remarque, monsieur Le Cam, je souhaite apporter une précision. J'ai procédé à de nombreuses auditions et ai remis un rapport qui me semble fourni et détaillé. Je sais d'ailleurs que vous y êtes très attentif. §

Si vous l'exigez, je peux vous remettre une synthèse de mon rapport. Mais il m'a demandé beaucoup de travail - deux mois. J'ai mis à profit les vacances parlementaires et la suspension de nos travaux à l'occasion du référendum afin de procéder à l'ensemble des auditions.

Il est vrai que, en raison du calendrier, je n'ai pas pu mettre en place pour le présent texte l'organisation très judicieuse retenue par notre collègue Bruno Sido lors de l'examen du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Cependant, monsieur Le Cam, le rapport de la commission des affaires économiques devrait vous satisfaire. Mais si vous souhaitez des précisions supplémentaires, je suis prêt à vous les apporter personnellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Je l'avais bien compris ainsi !

Compte tenu de ces explications, vous comprendrez que j'émette un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

S'agissant des amendements n° 233 rectifié bis et 360, je remercie leurs auteurs de leur contribution car leurs propositions ont nourri ma réflexion. Mais, comme je l'ai dit précédemment, le gel des marges arrière au 31 janvier 2005 pose un problème. Il n'est donc pas possible de retenir ces amendements et j'en demande le retrait.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

M. Renaud Dutreil, ministre. Nous avons parfois besoin d'améliorer nos connaissances du sujet. Je voudrais rappeler la qualité du travail qui a été réalisé dans le rapport Canivet. S'il est bien un document qui explique la façon dont les prix sont aujourd'hui construits en France dans le cadre du système légal, c'est bien ce rapport. Il vient d'être publié à la Documentation française et j'en recommande vivement à tous la lecture...

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Monsieur Dussaut, il ne vous aura pas échappé que l'article 31 prévoit une période de transition de six mois parce que nous devons adopter une démarche progressive. On ne peut pas, comme certains le proposent, sortir brutalement du système dans lequel nous sommes depuis 1997. Nous entrerions alors dans une spirale déflationniste, qui pourrait être dévastatrice. Le Gouvernement ne le veut pas ! C'est la raison pour laquelle il a souhaité une application progressive des dispositions, afin que les acteurs puissent s'habituer à un système plus sain.

Quand vous dites que nous basculons 20 % de la coopération commerciale, vous commettez une erreur, monsieur Dussaut. Relisez l'article ! Il prévoit que seule sera prise en compte la partie qui excède 20 %. Peut-être s'agit-il de votre part d'une inadvertance. §(M. Bernard Dussaut en convient.) Faisons attention à ce que nous disons, sinon nous marchons sur des sables mouvants, si je puis dire.

Monsieur Le Cam, vous avez dit que la bonne solution consisterait à augmenter les salaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Ce n'est pas du tout cela ! On a parlé du juste prix !

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

C'est un excellent argument, mais un peu loin du sujet, puisque nous traitons aujourd'hui de la mise en place de relations commerciales entre des fournisseurs et des distributeurs.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Les prix se construisent sur un marché...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Et voilà ! Le marché, c'est la loi de la jungle !

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

...et nous sommes au coeur de cette construction.

Par conséquent, je suis défavorable aux amendements identiques n° 294 et 397.

J'en arrive aux différentes solutions techniques qui ont été proposées.

Il y a d'abord celle qui consiste à calculer le seuil de revente à perte de la manière actuelle, mais à en déduire toute hausse future de la coopération commerciale. Il y a là une contradiction : d'un côté, on dénonce le niveau particulièrement élevé de la coopération commerciale - elle représenterait en moyenne 35 % - et, de l'autre, on dit que la seule chose à faire est de déduire ce qui excède cette coopération.

De deux choses l'une : ou bien on veut réduire la coopération commerciale et il faut s'en donner les moyens ; ou bien on considère que 35 %, c'est parfait et, dans ce cas, on propose ce type d'amendement. Je suis donc défavorable à l'amendement n° 233 rectifié bis.

Une autre solution technique tend à calculer le SRP à partir du prix unitaire figurant sur la facture affecté d'un coefficient minoratif - il peut être de 0, 90 %, de 0, 85%, peu importe ! - qui stabilise les marges arrière. Quels sont les effets de cette proposition ?

Tout d'abord, ce système fige la négociation commerciale et les prix. En effet, les industriels pourront très rapidement combler le différentiel de prix que le nouveau seuil de revente à perte aura instauré, tandis que les distributeurs n'auront aucun moyen d'affecter dans leurs prix de revente aux consommateurs la coopération commerciale acquise par les distributeurs au 31 décembre 2004.

Ensuite, ce dispositif sera très difficilement applicable et il pourrait rendre inopérante l'interdiction de revente à perte. Il suppose, en outre, que l'on accepte de vendre sous le seuil de revente à perte : si l'on applique un coefficient minoratif, cela signifie que l'on consent à vendre sous le seuil de revente à perte, donc à vendre à perte. C'est quelque peu paradoxal dans un débat où nous réaffirmons l'interdiction de la revente à perte.

Enfin, ce système conduit à donner un avantage aux nouveaux produits et aux nouveaux fournisseurs, qui pourront fixer un SRP de nature à mettre en difficulté les produits et les fournisseurs présents sur le marché à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

L'amendement n° 360 pose donc un véritable problème d'égalité de traitement, qui le rend inacceptable et dangereux.

Le dispositif proposé paraît avoir des inconvénients très supérieurs à celui du Gouvernement. Je ne dis pas que le texte du projet de loi est parfait, mais, au vu de leurs conséquences, les systèmes alternatifs ont bien souvent des inconvénients nettement supérieurs à ceux de l'article 31.

C'est la raison pour laquelle, monsieur Darniche, je vous demande de retirer cet amendement, tout en vous remerciant d'avoir contribué, par votre proposition, à un débat passionnant. Mais il faudra clore ce débat très rapidement, afin que les relations commerciales puissent être construites le plus tôt possible sur un système légal rassurant, stable et fructueux pour tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 294 et 397.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

J'ai bien entendu les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre. Cela dit, je n'ai pas changé d'avis.

Je vous souhaite bien du plaisir, monsieur le ministre, car je ne suis pas persuadé que nos collègues députés soient aussi dociles que la majorité de la commission des affaires économiques, qui a modifié sa position en vingt-quatre heures : notre rapporteur ne souhaitait pas, vous le savez bien, adopter à la lettre l'article 31.

Je vous citerai la prise de position de l'UMP concernant ce fameux rapport : M. Charié considère que ce n'est pas la loi Galland qui est en cause ; il suffit d'avoir la volonté de la faire appliquer dans toute sa rigueur. Il estime donc que la priorité des pouvoirs publics devrait être l'application des lois existantes. Il s'agit du rapport de l'Assemblée nationale !

La deuxième intervention est du même ordre : M. Sauvadet, au nom du groupe UDF, considère qu'avant de légiférer il importe de conduire une commission d'enquête parlementaire, afin de connaître, au-delà du rapport Canivet, l'ensemble des pratiques, sous couvert de l'anonymat, bien sûr, ce que permet ce type de commission.

Nous demandons donc que cela soit fait avant de légiférer et nous maintenons notre amendement.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote sur l'amendement n° 233 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Je remercie M. le rapporteur d'avoir dit que notre action servait à la réflexion. Il me permettra de souhaiter que cela aille un peu plus loin et qu'elle serve aussi aux décisions que prendra la commission mixte paritaire, après le débat à l'Assemblée nationale.

Il s'agit, en effet, d'un sujet fondamental et je me réjouis de la volonté de déboucher sur un dispositif satisfaisant.

Monsieur le ministre, votre analyse de nos propositions n'est pas rigoureuse, car la rectification de notre amendement prévoit une possibilité de modulation par décret. Il s'agit non pas de favoriser les ventes à perte, mais de diminuer les marges arrière par l'application d'un coefficient plus ou moins important. On aboutirait donc à un processus qui ne présenterait pas de danger au regard de l'inflation.

Ensuite, nos propositions ne favorisent pas les nouvelles productions, puisqu'elles reprennent les mesures qui figuraient dans l'amendement de M. Hérisson : à partir du 1er janvier 2006, si de nouveaux produits apparaissent, ils relèveront du nouveau dispositif.

Le sujet mérite que vous approfondissiez votre proposition, monsieur le ministre, car il ne faudrait pas que le dispositif que vous nous proposez, qui consiste à plafonner à 20 % le montant des avantages financiers versés aux distributeurs, se retourne et soit coûteux pour les fournisseurs de la grande distribution.

Je souhaite donc vivement que vous vous fixiez deux objectifs.

Tout d'abord, il faudrait que le texte précise que le plafond de 20% ne concerne que ceux qui sont aujourd'hui au-dessus de ce seuil. Car si cette mesure était également appliquée à ceux qui sont aujourd'hui en dessous de 20 %, cela risquerait de les amener à ce plafond.

Ensuite, et surtout, je vous demande instamment, monsieur le ministre, d'éviter que le mécanisme proposé n'ait pour conséquence de rendre apparentes les différences de conditions commerciales qui ont été négociées avec chaque distributeur. En effet, cela ne manquerait pas de provoquer un alignement sur les conditions les plus désavantageuses pour les fournisseurs, ce qui serait particulièrement préjudiciable aux petites et moyennes entreprises. On ne peut pas reprocher à ces entreprises d'avoir négocié de manière différente avec la distribution parce que tel secteur leur achète plus ou moins de produits.

Je vous fais confiance, à vous, monsieur le ministre, et surtout à vous, monsieur le rapporteur.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Cela dit, monsieur le président, je retire l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 233 rectifié bis est retiré.

Monsieur Darniche, l'amendement n° 360 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Darniche

Cet amendement est très voisin de l'amendement n° 233 rectifié bis et je partage l'analyse de notre collègue Jacques Blanc. Je considère, monsieur le ministre, que le texte proposé est supérieur au dispositif précédent.

Toutefois, je ne suis pas convaincu que les inconvénients de notre proposition soient supérieurs à ses avantages. Je m'associe à M. Jacques Blanc pour demander une observation précise des dispositions qui permettraient, au cours de la commission mixte paritaire ou à l'Assemblée nationale, d'améliorer le texte que vous nous proposez.

Dans ces conditions, je retire mon amendement.

L'article 31 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants, l'heure étant venue d'écouter la déclaration du Gouvernement, qui sera, comme chacun le sait, suivie d'un débat.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur le Conseil européen, suivie d'un débat.

Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, je tiens à me réjouir avec vous tous de ce qu'un débat sur le Conseil européen soit organisé au Sénat comme à l'Assemblée nationale.

En votre nom à tous, j'en avais formulé le souhait et je dois remercier le Gouvernement et tout spécialement le Premier ministre M. Dominique de Villepin et le ministre des relations avec le Parlement d'avoir répondu favorablement à notre demande. Depuis longtemps, nous insistions pour que, préalablement à un débat du Conseil à Bruxelles, il y ait un débat au Parlement. C'est maintenant chose faite.

Avec cette première se trouve réalisée l'organisation d'un débat préalable à la tenue d'un conseil européen de telle manière que les commissions et les groupes puissent exprimer leurs points de vue et dialoguer avec le Gouvernement.

Nous le savons tous, le sommet de demain aura une très grande importance.

Aussi, il était indispensable que nous puissions débattre, comme nos collègues députés, des sujets essentiels qui seront traités par le Conseil demain et après-demain.

Place maintenant au débat.

Dans un premier temps, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lira la déclaration prononcée à l'Assemblée nationale par M. Dominique de Villepin.

Puis, en présence de M. le Premier ministre, nous entendrons successivement le président de la commission des affaires étrangères, le président de la délégation pour l'Union européenne ainsi qu'un orateur par groupe et un représentant des non inscrits.

M. le Premier ministre répondra à l'ensemble des intervenants.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais vous donner lecture de la déclaration de M. le Premier ministre.

« Les crises ne sont pas nouvelles en Europe. Elles ont rythmé la vie des institutions européennes depuis leur création.

« C'est naturel : un projet politique de cette envergure ne peut grandir qu'en franchissant une à une des étapes difficiles. Le succès est à ce prix : la mise en place de la monnaie unique ou notre capacité à garantir la paix dans les Balkans en sont deux témoignages exemplaires.

« L'Europe n'est jamais donnée : c'est le fruit d'un compromis entre des Etats liés par l'histoire et par la volonté, mais qui ne partagent pas toujours les mêmes intérêts ni la même vision. L'Europe ne se réinvente pas chaque jour : elle se construit sur la base d'accords et de traités qui engagent chacun de ses Etats membres. Elle est un destin négocié et voulu.

« Au cours des dernières années, nous avons voulu franchir trois étapes : l'étape de l'élargissement, l'étape de la réforme des institutions et l'étape des valeurs de l'Europe.

« Au regard des bouleversements historiques qu'a connus le continent européen depuis la chute du mur de Berlin, l'ambition était légitime. Au début des années quatre-vingt-dix, les peuples décidaient de leur destin. Ils affirmaient leur volonté de vivre ensemble dans un continent unifié, démocratique et en paix. II était de notre devoir de répondre à leurs attentes en repoussant les frontières vers l'Est.

« Cette réalité exigeait de doter l'Union européenne de nouvelles règles de fonctionnement : à vingt-cinq, nous ne pouvions continuer à travailler sur la base des mêmes textes. Nous avions besoin de dégager plus facilement des majorités et de prévoir des dispositifs appropriés pour permettre aux Etats qui l'auraient souhaité d'aller plus loin.

« Enfin, chacun mesurait que le nouvel ensemble européen devait entrer dans l'âge politique en définissant un corps de valeurs cohérent : la Charte des droits fondamentaux.

« Toutes ces étapes ont trouvé leur aboutissement dans le projet de traité constitutionnel soumis le 29 mai dernier à référendum. Ce projet a été rejeté : c'est le choix souverain des Françaises et des Français. Il doit nous conduire à répondre rapidement à leurs interrogations, en veillant à préserver l'unité européenne.

« Le Conseil européen est le premier rendez-vous. Deux questions sont à l'ordre du jour : les perspectives financières et l'avenir du processus de ratification du traité. Sur chacun de ces sujets, je voudrais vous faire part de la position qui sera défendue par la France.

« Aux difficultés politiques, nous ne devons pas ajouter une crise financière. Nous soutenons donc tous les efforts de la présidence luxembourgeoise en vue d'un accord sur les perspectives financières lors du Conseil européen tout en estimant que pour parvenir à un accord raisonnable et équitable, chacun doit faire une part du chemin.

« Dans cette négociation, comme l'a rappelé le Président de la République, nous défendons quatre principes.

« Premier principe : le respect de la discipline budgétaire, qui s'impose à tous.

« Deuxième principe : la solidarité, qui doit permettre de financer la modernisation et le décollage économique des nouveaux membres dans l'intérêt de chacun.

« Troisième principe : le respect des engagements. En octobre 2002, nous avons adopté une décision qui garantit le financement de la PAC jusqu'en 2013. C'est un acquis majeur pour nos agriculteurs, sur lequel personne ne saurait revenir.

« Quatrième principe : l'équité. Chacun doit contribuer à l'effort européen à hauteur de ses moyens. Le Royaume-Uni, notamment, doit prendre toute sa part au financement de l'Europe élargie.

« Sur la base de ces principes, je souhaite que nous parvenions à un accord satisfaisant pour tous.

« La deuxième question qui sera abordée à partir de demain à Bruxelles est l'avenir du projet de traité.

« Douze pays se sont déjà prononcés, dont trois par référendum. L'Espagne a largement dit oui, la France et les Pays-Bas ont dit non. Treize pays doivent encore rendre leur décision, dont certains ont déjà annoncé le report ou la suspension de leur procédure.

« Partant de ce constat, le premier choix porte sur la procédure à suivre : faut-il interrompre le processus de ratification ou le poursuivre ? La France s'est déjà prononcée. Il appartient désormais à chaque Etat de s'exprimer à son tour suivant les modalités qu'il aura choisies. C'est le respect de la démocratie. C'est aussi le signe le plus clair de notre volonté de préserver l'unité européenne et l'expression de chacun.

« Au-delà du Conseil européen, des questions importantes se posent auxquelles nous ne pouvons pas aujourd'hui apporter toutes les réponses. Devant la représentation nationale, je ne veux cependant rien éluder des difficultés et des choix qui se présenteront à nous dans un avenir proche. Nous Français, qui avons répondu non au projet de texte, nous portons une exigence particulière de vérité et de lucidité. Aujourd'hui, j'ouvre le débat avec vous.

« La première question est celle des institutions.

« A vingt-cinq, nous devons inventer de nouvelles règles de fonctionnement. En rester au compromis de Nice ne peut pas être une solution durable. Très vite nous nous heurterons à des difficultés majeures dans la prise de décision et dans la définition des grandes orientations de l'Union. J'ajoute que ce n'est pas l'intérêt de notre pays.

« Un travail considérable a été accompli sur ce sujet au cours de ces dernières années. Il doit contribuer à éclairer notre réflexion.

« La deuxième question est celle du modèle économique et social européen.

« La Charte des droits fondamentaux fixe un certain nombre de principes essentiels auxquels la France est particulièrement attachée : je pense à la défense des services publics, au respect de l'égalité hommes-femmes, à la reconnaissance de la diversité culturelle ou au rejet de toute forme de discrimination. Mais les Françaises et les Français n'y ont pas trouvé les réponses suffisantes à leurs interrogations sur le modèle de développement économique et social que nous leur proposons. L'Europe est-elle d'inspiration purement libérale, comme certains le craignent ? Doit-elle renforcer sa dimension sociale ? En France comme en Europe, je crois que la vérité est plutôt dans le dépassement de ce clivage, dans la fidélité à un héritage universaliste et humaniste. L'exigence d'initiative n'est pas contradictoire avec le besoin de solidarité. Elle est même complémentaire.

« L'insatisfaction qui s'est exprimée dans le non européen ne porte donc pas la marque d'une résignation. Elle exprime au contraire une certaine ambition européenne. Pour y répondre, il faudra rapidement avancer des propositions concrètes. Nous le ferons en étroite concertation avec nos partenaires, en particulier avec l'Allemagne car nos deux pays doivent continuer à coopérer étroitement au service du projet européen

« Renforcer la politique sociale, c'est un premier défi à la hauteur des enjeux. La mise en oeuvre sans délai de la clause sociale horizontale sera un moyen d'affirmer notre volonté d'avancer dans cette voie : aucun texte ne pourra être adopté sans que ses incidences dans le domaine social aient été évaluées et publiquement présentées.

« Coordonner les politiques budgétaires et économiques au sein de l'Eurogroupe, c'est un autre défi majeur : nous devons être plus forts, plus confiants dans nos capacités à fixer de grandes orientations économiques pour notre continent.

« Revenir à la préférence européenne, ...

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

...qui a toujours été au coeur de notre projet commun, c'est une troisième orientation fondamentale : pourquoi abandonnerions-nous aujourd'hui un principe fondateur qui est plus utile que jamais et que nos concurrents américains ou asiatiques appliquent largement ? Pourquoi hésiterions-nous à défendre nos intérêts dans le respect de nos engagements internationaux ?

« Développer les outils de l'innovation et de la connaissance grâce à des budgets de recherche conformes à la stratégie de Lisbonne et grâce à de grands projets industriels communs, c'est, enfin, une voie d'avenir qui touche à l'essence même du génie européen : génie de savoir, génie de curiosité, génie d'ouverture au bénéfice de tous.

« La troisième question est celle de l'élargissement.

« Nous savons tous que la rapidité de l'élargissement, si elle a répondu à un véritable impératif historique, n'en a pas moins heurté beaucoup de nos concitoyens. Ce sentiment s'est exprimé le 29 mai : nous devons en tenir compte.

« Les Françaises et les Français veulent savoir dans quelle Europe ils construiront leur avenir et quelles seront ses frontières. Pour répondre à leurs questions, nous devons en priorité apprendre à nous connaître et approfondir les relations avec les nouveaux Etats membres. Les engagements pris à l'égard de la Bulgarie et de la Roumanie seront tenus, en veillant avec une attention particulière au respect des critères fixés. Mais, au-delà, nous devons certainement ouvrir une réflexion avec nos partenaires, dans le respect de nos engagements, sur les modalités des élargissements futurs.

« En l'absence d'institutions adaptées pour faire fonctionner une Europe élargie, la question du lien entre élargissement et approfondissement est désormais posée.

Exclamations sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

« Les progrès de la construction européenne seront d'autant mieux acceptés qu'ils auront été compris par nos concitoyens et qu'ils se les seront appropriés.

« L'association plus étroite des parlements nationaux à la prise de décision européenne me semble donc une priorité. Vous savez que l'article 88-4 de la Constitution fait obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement toute proposition d'acte qui relèverait du domaine de la loi au sens national du terme. A l'entrée en vigueur du traité constitutionnel, il était prévu que ce dispositif soit élargi à toute proposition d'acte relevant du domaine de la loi au sens européen du terme. Je prendrai les dispositions nécessaires pour que cette clause soit appliquée dans les meilleurs délais.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Didier Boulaud et Jean-Pierre Plancade applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

« Au-delà, toutes les Françaises et tous les Français doivent être mieux associés aux décisions européennes et à leur préparation. Je m'y emploierai.

« Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le vote du 29 mai a fixé une double exigence : défendre les intérêts de notre pays en prenant en compte les inquiétudes et les aspirations des Françaises et des Français ; défendre l'unité et le rassemblement des Européens. J'en tiendrai le plus grand compte.

« Le débat référendaire a été un premier pas dans la voie d'une réappropriation de l'Europe par chacun de nos compatriotes. Il doit être poursuivi à l'échelle européenne pour tenir compte des attentes de tous les peuples. La France veut faire entendre sa voix et défendre une vision exigeante de l'Europe. Le Président de la République le fera bien sûr au prochain Conseil européen, mais aussi à l'occasion de tous les rendez-vous qui permettront la réconciliation de l'Europe et du citoyen. »

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je salue au banc du Gouvernement M. le Premier ministre, qui répondra aux orateurs qui vont intervenir.

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Anne-Marie Payet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rejet du traité constitutionnel par la France, puis par les Pays-Bas, a été une profonde déception pour tous ceux d'entre nous qui placent leurs espérances dans l'affirmation d'une Europe politique au service de la paix et de l'équilibre du monde.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

Seule cette ambition est à même de donner un véritable sens à tout ce qui a déjà été patiemment construit depuis près de cinquante ans, depuis le marché commun au marché unique, puis à la monnaie unique - qui nous préserve aujourd'hui de bien des turbulences monétaires -, depuis aussi ce qui n'était qu'une simple « coopération politique » à une politique étrangère et de sécurité commune.

Cette ambition est aujourd'hui blessée, et la confusion qui entoure désormais l'avenir du traité constitutionnel va peser sur des négociations essentielles pour l'avenir. Pourra-t-on ainsi poursuivre, sur le même rythme et sur les mêmes bases, les élargissements futurs de l'Union, alors même que l'instrument juridique qui devait permettre de conjuguer élargissement et approfondissement est aujourd'hui, pour le moins, différé ; alors même aussi que nous nous retrouvons dans le cadre du traité de Nice, dont les résultats à cet égard avaient justifié la mise en place de la Convention pour l'avenir de l'Europe ?

C'est aussi dans ce climat délicat qu'à partir de demain va se tenir le Conseil européen où les responsables des Vingt-cinq devront prendre des décisions sur deux sujets majeurs : les perspectives financières de l'Union pour la période 2007-2013 et l'avenir du traité constitutionnel.

Le financement de l'Union pour 2007-2013 va commander le choix de ses priorités pour les années à venir : respecter les engagements souscrits pour l'intégration des nouveaux membres, étendre les politiques communautaires existantes et respecter l'accord conclu à l'unanimité, en 2002, sur la PAC. La position de six des Etats membres, dont la France, qui souhaitent limiter ce budget à hauteur de 1 % du revenu national brut, est cohérente avec les contraintes de dépense publique que chaque nation est tenue de respecter et auxquelles l'Union elle-même ne peut se soustraire.

Nous voyons bien aujourd'hui que chaque pays avance ses « lignes rouges », qui annoncent des négociations particulièrement difficiles et leur conclusion incertaine.

Au principe d'une limitation du montant du prochain budget européen s'ajoute la question du partage de son financement, auquel la France devra prendre sa part.

Sur ce point, c'est bien sûr le maintien en l'état du mécanisme du chèque britannique, décidé en 1984, qui doit être remis en question. A l'évidence, cette « correction » ne se justifie plus aujourd'hui : alors que le Royaume-Uni se situe à près de 20 % au-dessus de la moyenne communautaire des Vingt-cinq, ce sont les autres Etats membres qui financent le chèque britannique, y compris ceux dont le revenu atteint moins de la moitié de celui du Royaume-Uni ! Anachronique, coûteux, injuste, ce dispositif, qui représente 56 milliards d'euros pour la période 2007-2013, doit être revu.

A cet égard, la proposition du Premier Ministre britannique de lier ce dispositif à l'accord de 2002 sur le financement de la politique agricole commune n'est pas acceptable. La France, dans ce délicat dossier, est loin d'être isolée.

Au-delà du montant global du budget et de la part de chacun dans son financement se pose aussi la question de la destination des dépenses. Quel sera le niveau de répartition des ressources entre deux instruments de la politique structurelle : celui dit de l'objectif 1, qui va légitimement concentrer l'action budgétaire vers les Etats et régions les plus pauvres, et celui dit de l'objectif 2, visant la compétitivité et l'emploi, qui reste essentiel pour les régions françaises ? Quelle solution pourra intervenir pour des pays qui, comme l'Espagne, vont cesser de bénéficier du fonds de cohésion ?

Enfin, s'agissant des dépenses agricoles, qu'en sera-t-il, dans le cadre du plafonnement décidé en 2002, des 8 milliards d'euros sur sept ans liés à l'élargissement à la Bulgarie et à la Roumanie en 2007 ?

Je voudrais également rappeler ici la pertinence d'une démarche volontariste en matière de politique communautaire de recherche. Voilà un an, notre collègue député Marc Laffineur et moi-même avions préconisé de mettre l'accent sur la recherche liée à la sécurité et à la défense, dans le cadre de l'Agence européenne de défense ; il me semble important d'approfondir notamment cette voie.

Sur toutes ces questions, monsieur le Premier ministre, vous nous direz l'état d'esprit qui anime le Gouvernement français à la veille de ce rendez-vous capital.

Deuxième sujet sur lequel les responsables des Vingt-cinq devront aboutir à une position constructive : l'avenir du traité constitutionnel, celui de l'ambition qu'il porte et qui reste le seul moyen pour les peuples d'Europe de donner un sens et une orientation claire à ce qui, à défaut, ferait stagner l'ambition européenne au seul grand marché européen.

Il appartient à chaque pays membre de définir la suite qu'il entend donner à son processus de ratification. Mais la logique juridique est là : d'ores et déjà privé de deux approbations, atteint par la « suspension » britannique, et peut-être danoise, le traité constitutionnel ne pourra entrer en vigueur en l'état. Pour autant, ne pourrait-on pas envisager que les responsables européens donnent une nouvelle chance à celles des dispositions inscrites dans la première partie du traité qui sont relatives aux institutions, sur lesquelles un consensus général est sans doute possible ? Pourraient ainsi être préservées les avancées incontestables que constituent, par exemple, la présidence stable de l'Union - déjà acquise pour l'Eurogroupe -, la création du service d'action diplomatique, ou encore les coopérations en matière de défense. Après tout, l'Agence européenne de défense existe bel et bien aujourd'hui, les Vingt-cinq ayant décidé sa création lors du Conseil de Thessalonique de juin 2003 !

Ces dispositions relèvent finalement plus du bon sens que de l'idéologie. Elles peuvent répondre à un souci d'efficacité sans nécessiter des modifications institutionnelles majeures. Est-ce là, monsieur le Premier ministre, une voie que vous entendez promouvoir auprès de nos partenaires ?

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors des négociations qui s'ouvriront demain, l'Union va se trouver dans la position délicate de devoir décider de ses moyens d'agir pour l'avenir alors même que les turbulences qui touchent le traité constitutionnel viennent obscurcir son horizon politique. Il lui faut, dans l'immédiat, rassurer des populations inquiètes, s'interroger sur des méthodes souvent mal comprises - à tort ou à raison - et tenter de conforter, par-delà les crises, le projet qu'elle construit pour notre avenir collectif.

Dans cette atmosphère de doutes et d'interrogations, je vois trois raisons d'espérer.

D'abord, le projet européen n'en est pas à sa première crise, et son histoire démontre qu'il a su chaque fois se relever pour continuer de progresser. Sa force lui a donné, en quelque sorte, les « anticorps » qui lui permettent de dépasser les obstacles.

Ensuite, pour nous Français, l'ambition européenne doit continuer de se construire sur une communauté d'approche et d'action avec l'Allemagne. Demain comme hier, l'Europe pourra progresser grâce à cette solidarité franco-allemande, par-delà même les alternances politiques, on l'a vu par le passé.

La troisième raison d'espérer naît de l'enseignement tiré de la campagne qui a précédé le 29 mai, campagne qui a été l'occasion, pour chaque Français, peut-être de mieux apprendre l'Europe, d'en débattre et, finalement, d'en décider. Ce moment de démocratie aura été utile pour recréer le lien de légitimité entre l'Europe et ses citoyens.

Monsieur le Premier ministre, les deux prochains jours vont être longs et difficiles. Dans les circonstances présentes, notre pays a besoin de parler d'une voix forte, au nom d'une France rassemblée autour de ses intérêts nationaux. Sachez que vous trouverez aussi au sein de la Haute Assemblée le soutien indispensable à l'affirmation de notre idéal européen.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'objet de notre débat d'aujourd'hui n'est pas de disserter sur les conséquences franco-françaises du « non ».

Il s'agit de tracer des pistes pour le Conseil européen, en nous tournant résolument vers l'avenir, et ce sans escamoter les questions les plus difficiles.

Je ne sous-estime pas l'importance du débat sur les perspectives financières, mais il ne doit pas en quelque sorte être l'arbre qui cache la forêt.

Si le Conseil européen devait se limiter à l'examen des perspectives financières, sur fond d'affrontement franco-britannique, quel message inquiétant serait adressé aux Européens !

Admettons même qu'un compromis soit trouvé. Nous aurons sauvé la face, mais après ? Il y a tout le reste, toutes les questions que vous avez évoquées dans votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre.

L'Europe est plus qu'en crise : elle est en danger. Il lui faut autre chose qu'un replâtrage.

A l'heure où chacun y va de son remède - il suffit pour s'en convaincre d'écouter la radio, de regarder la télévision et de lire les journaux -, le plus important serait d'abord que le Conseil européen pose un diagnostic ou organise un rendez-vous pour poser un diagnostic.

Qu'il décide ou non une pause dans les ratifications, il faut, d'une manière ou d'une autre, qu'il maintienne le rendez-vous prévu en 2006 et que, à ce moment-là, les Etats répondent enfin à la question : quelle Europe voulons-nous ensemble ? Une Europe à l'anglo-saxonne ou une Europe s'affirmant sur le plan politique à partir de ses valeurs, et donc dotée d'une vraie capacité de décision et d'action ?

Le Conseil européen doit nous envoyer le message non de la résignation, mais de la volonté d'agir. Pour que l'Europe retrouve son élan, il faut qu'elle sache se recentrer aujourd'hui sur des projets concrets. C'est ce que nous ont demandé les Françaises et les Français au cours de cette campagne. En d'autres termes, il faut que l'Europe fasse ses preuves.

Jacques Delors a remarqué un jour que l'Europe ne savait pas bien faire deux choses à la fois. Ces dernières années, elle s'est concentrée sur une seule chose ou presque : la réforme de son fonctionnement. Mais l'Europe n'a pas su occuper en même temps le terrain économique et social, où se trouvent les attentes les plus fortes de nos concitoyens.

Un seul exemple : la stratégie de Lisbonne, lancée il y a cinq ans, n'a donné jusqu'à présent à peu près aucun résultat tangible...

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

... et nous attendons toujours la nomination du coordonnateur français sur la stratégie de Lisbonne.

Les citoyens comprennent que l'Europe doit s'organiser et s'unir pour être un acteur mondial, mais ils attendent aussi qu'elle aide à répondre à leurs préoccupations quotidiennes, dont les premières sont la croissance et l'emploi.

Bien sûr, l'action dans ce domaine relève en partie de mesures nationales, mais des responsabilités doivent également s'exercer à l'échelon européen. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation où la léthargie de la zone euro contraste avec le dynamisme des économies nord-américaines et asiatiques.

Dès lors que la politique monétaire se décide à l'échelon européen et que l'Union coordonne les politiques des Etats membres, il est nécessaire que le dispositif européen place au centre de son action les objectifs de croissance et d'emploi.

Mais il faut aller plus loin.

En réalité, l'échec du processus de ratification, venant après la division des Européens sur l'Irak, montre que la solidarité entre Européens, qui est la base d'une union politique - l'affectio societatis, en quelque sorte - doit encore s'approfondir.

En situation de crise, il est toujours utile de revenir aux sources. L'esprit de la déclaration Schuman était de développer des solidarités concrètes en vue de préparer les voies d'une union politique. La Communauté à six étant devenue une Union à vingt-cinq et bientôt à vingt-sept, cette démarche doit retrouver toute sa valeur.

C'est autour de projets concrets comme le développement des réseaux transeuropéens ou la généralisation des échanges d'étudiants et d'enseignants, la recherche, que peut s'éprouver l'efficacité de la solidarité européenne.

De même, la construction de l'Europe de la défense ou encore la lutte commune contre la délinquance transfrontalière sont des domaines où nous pouvons avancer sur la base des traités actuels, et montrer les avantages tangibles de la construction européenne.

Si l'on veut réconcilier les citoyens avec l'Europe, il faut également sortir de l'ambiguïté dans certains domaines.

Certains discours laissent penser - ce fut particulièrement le cas pendant la campagne - que la construction européenne va résoudre tous les problèmes, d'autres en font l'alibi des difficultés nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Dans les deux cas, on fait tout reposer sur l'Europe, ce qui ne peut mener qu'à la confusion des esprits.

L'Europe est destinée non pas à se substituer aux Etats membres, mais à leur permettre d'agir en commun là où ils n'ont pas séparément la dimension nécessaire pour agir efficacement. L'Union doit être complémentaire des Etats membres - c'est le sens du principe de subsidiarité - et non chercher à les concurrencer. Elle doit apparaître comme une source de possibilités supplémentaires et surtout pas comme un carcan.

De même, peut-on espérer retrouver l'adhésion des citoyens en laissant constamment dans l'ambiguïté la réponse à la question des limites de l'élargissement ? Quelle que soit la réponse à cette question, il en faut une, si l'on veut que les citoyens aient des repères, ce qui est une absolue nécessité. Nos concitoyens n'ont pas voté contre l'élargissement : ils ont voté contre la confusion qui l'entoure, confusion propice à tous les mauvais procès et le fonds de commerce d'un certain nombre de tenants du « non ». Il faut dire aux Françaises et aux Français où nous allons.

Nous avons aujourd'hui pour la première fois - et c'est de bon augure - un débat avant la tenue d'un Conseil européen. C'est tout de même une première, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

qui mérite d'être soulignée et qui était réclamée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. J'en remercie M. le président du Sénat ainsi que M. le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées de l'

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

C'est un progrès, car le Parlement est rarement sollicité, et plus rarement encore écouté, lorsqu'il s'agit des questions européennes. Je voudrais voir là, monsieur le Premier ministre, un premier pas dans l'adaptation de notre vie publique à la construction européenne.

Constitution ou pas, la construction européenne est en réalité d'ores et déjà au coeur de la vie nationale. Il faut désormais la mettre aussi au coeur de notre vie politique et administrative si nous voulons retrouver les bases d'une démocratie authentique.

C'est tout le fonctionnement de l'Etat qu'il faudrait revoir dans cette optique, monsieur le Premier ministre.

A l'échelon gouvernemental, un dispositif interministériel renforcé devrait prendre en compte dès le stade des négociations les difficultés éventuelles, au lieu de les découvrir une fois les décisions arrêtées. Une chaîne cohérente devrait relier les administrations aux négociateurs, ce qui supposerait que chaque ministère s'imprègne de la dimension européenne, et le fonctionnement du Parlement devrait également être revu.

L'Europe ne doit plus être le parent pauvre des activités parlementaires, qu'il s'agisse de législation - nos retards dans la transposition des directives sont devenus une habitude - ou, comme aujourd'hui, dans nos efforts de contrôle.

Si nous parvenons à rétablir le lien entre les citoyens et l'Europe, alors nous pourrons reprendre utilement, sous une forme ou sous une autre, tout ou partie du projet constitutionnel.

Jean Monnet disait que l'Europe était nécessairement appelée à connaître des crises et que son avenir dépendrait de la manière dont elle les résoudrait. Aujourd'hui, il faut que l'Europe mesure les dangers qui la menacent et puise dans ses propres forces de quoi se redonner un avenir.

Oui, il faut redonner de l'avenir à l'Europe.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, nous sommes ici unanimes, je pense, à saluer l'organisation de ce débat à la veille du Conseil européen.

Nous avons en effet demandé avec insistance que de tels débats deviennent une pratique ordinaire dans nos assemblées. Associer davantage le Parlement national à la préparation des Conseils et à la vie de l'Union est en effet nécessaire pour que les Européens s'approprient la démarche européenne.

De plus, le débat d'aujourd'hui est crucial en un temps de crise française et européenne.

Les membres du groupe UC-UDF souhaitent évidemment ardemment que le Conseil européen qui s'ouvre demain se tourne vers l'avenir et ouvre une ère où les chefs d'Etat mettent de nouveau une réelle volonté politique au service de la construction européenne.

Nos collègues des autres Etats de l'Union restent abasourdis devant notre capacité à jouer avec le rêve européen, ce rêve que, avec l'Allemagne, nous avions su offrir à notre continent, et ils nous jugent sévèrement.

Ils restent étonnés de nous voir rejeter une Constitution que nous avions voulue, que nous avons largement rédigée et qui nous était favorable.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Face à ces réactions, nous avons perdu tout droit à donner des leçons, si tant est que nous n'en ayons jamais eu.

Notre arrogance ne nous a jamais servis. Au moins, désormais, sommes-nous condamnés à cultiver l'humilité.

Mais pour quoi faire ? Qu'attendent les Français ? Qu'attendent de nous nos partenaires, pour autant qu'ils attendent encore quelque chose de nous ?

Le rêve européen était fondamentalement un rêve de paix et de respect des droits de l'homme, nous l'avons dit et répété pendant la campagne, mais sans doute pas encore assez. Le génie de Robert Schuman s'est exprimé dans la méthode qui porte son nom et qu'il nous a proposée : « Si tu veux construire une paix durable, apprends aux hommes à travailler ensemble ».

C'était un vrai projet politique, à la fois inspiré et concret. Retrouvons son intuition et mettons le plus grand pragmatisme au service du rêve européen que nous allons nous attacher à retrouver !

Monsieur le Premier ministre, il nous faut proposer des avancées pratiques, concrètes et lisibles, tout en rappelant sans cesse le sens profond du projet dans lequel elles s'inscrivent. Pensons à l'agriculteur qui oriente sa charrue vers une étoile pour que son sillon soit droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Il faut la charrue, mais il faut aussi l'étoile, les dispositions concrètes, mais aussi l'inspiration.

Nous attendons du Conseil qu'il adopte rapidement un calendrier d'approfondissement des institutions. Ne reportons pas aux calendes grecques ce qui est indispensable pour que l'Europe vive à vingt-cinq. A défaut d'une belle Constitution cohérente et complète, de plus petits traités à objet limité seraient au moins nécessaires pour offrir à l'Union certaines dispositions, par exemple celles qui figurent dans la partie I de la Constitution, je pense en particulier au président du Conseil ou aux conditions de désignation des membres et du président de la Commission, Commission dont il faut impérativement restaurer le rôle de « porteur de l'intérêt commun ».

Nous souffrons aujourd'hui d'un manque de revitalisation de l'intérêt commun ; il a disparu et il faut le restaurer.

Engager une telle démarche est nécessaire pour que ne se découragent pas ceux qui croient vraiment que l'Europe est notre destin, ceux qui ont compris que bien souvent la solution à nos problèmes est dans plus d'Europe.

Deux sujets font la une de l'actualité : la politique agricole commune et le chèque britannique, de manière assez désastreuse à mon sens. Le fait que deux grands Etats de l'Union se les opposent accrédite l'idée selon laquelle l'Europe serait d'abord un grand marchandage, un lieu où l'on tente de régler des conflits d'intérêts nationaux.

Derrière ce premier affrontement, c'est tout le débat sur les « retours nets » qui est rouvert. Où est l'intérêt commun dans le « J'en veux pour mon argent » ?

La paix, la libre circulation des personnes, le développement des échanges économiques ne sont pas des produits chiffrables et localisables dans tel ou tel Etat de l'Union. Il s'agit bien des fruits d'un intérêt commun. N'oublions jamais que cet intérêt commun parce qu'il est commun est bien aussi l'intérêt de chacun. Lorsque l'on perd de vue l'intérêt commun, l'Europe s'échoue, et ce sont les Etats qui souffrent.

La Convention a précisément été mise en place pour favoriser l'expression de l'intérêt commun mieux qu'au sein de la conférence intergouvernementale. Tentons de vivre la crise actuelle comme une opportunité nous appelant à retrouver le sens et l'importance de l'intérêt commun.

En ce qui concerne la PAC, rester sur l'accord de 2002 est à l'évidence justifié du point de vue de l'intérêt national. Pour l'instant c'est nécessaire, mais veillons, monsieur le Premier ministre, à ne pas payer très cher par d'autres concessions cette situation dans laquelle nous choisissons de nous installer.

Veillons à ne pas le payer cher non plus en nous interdisant de reprendre une réflexion de fond sur la PAC. Mettre des rustines sur une PAC à bout de souffle n'a plus grand sens. Plus personne d'ailleurs ne s'y retrouve. Rappelons que la PAC n'a pas été faite d'abord pour les agriculteurs français. Sortons de ce piège où nous nous sommes laissé enfermer : elle a été faite pour que les consommateurs européens disposent d'une alimentation garantie en quantité et en qualité et d'un espace rural vivant et harmonieux.

La PAC fut dévoyée par la mise en place d'aides directes. En 1992, n'aurait-il pas mieux valu généraliser aux grandes cultures un système de prix différenciés semblable à celui qui régit le marché du sucre ?

Avec l'élargissement et l'arrivée dans l'Union de pays qui avaient précisément besoin d'une PAC identique à celle que nous avions su mettre en place dans notre vieille Europe trente ans auparavant, nous avions l'occasion de revoir tout le système. Nous ne l'avons pas saisie. Nous avons une nouvelle occasion de réformer la PAC autour du principe de la préférence communautaire. Cette fois, saisissons-la. Monsieur le Premier ministre, nous sommes à votre disposition, car nous avons beaucoup réfléchi sur ce sujet.

Je le disais tout à l'heure, le « chèque britannique » est une absurdité du point de vue européen. C'est une absurdité coûteuse : plus de 5 milliards d'euros cette année, montant bien supérieur aux 400 millions d'euros consacrés dans le budget européen à l'aide humanitaire ou aux seuls crédits de recherche inscrits dans le cadre du PCRD, le programme cadre de recherche et développement. Que le « chèque britannique » coûte plus cher à l'Europe que la recherche est tout de même insensé ! De plus, ce « chèque » coûte 1, 5 milliards d'euros à la France, c'est-à-dire presque 10 % de notre contribution au budget de l'Union.

Il s'agit donc non seulement d'un vrai problème de principe, mais aussi d'un vrai problème financier. Il ne sera pas traité isolément puisque la Grande-Bretagne y mettra toujours son veto. Nous ne progresserons pas non plus en nous cantonnant dans un face à face stérile, PAC et « chèque britannique ».

Il faut reprendre une vraie réflexion sur la forme, la structure et le contenu du budget européen. Je ne développe pas non plus ce point aujourd'hui, car je le fais chaque année, lors de l'examen de l'article du projet de loi de finances qui fixe le montant du prélèvement sur nos recettes au profit du budget européen.

Je rappelle simplement que nous n'irons pas loin avec un budget dont l'essentiel des recettes est voté par les Parlements nationaux et dont les dépenses sont adoptées par le Parlement européen. Où est alors le principe du consentement à l'impôt ?

M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Nous n'irons pas loin avec un budget qui ouvre des possibilités pluriannuelles de dépenses sous plafond là où il serait préférable de financer des programmes ou des projets. Là non plus, personne ne s'y retrouve !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

L'exercice de définition des perspectives financières n'incite pas aux vraies remises en cause. De perspective en perspective, on « ravaude », on continue, on va au fil de l'eau, sans réelles perspectives européennes au sens fort, c'est-à-dire au sens politique.

Pourtant, une révision profonde du contenu et de la forme du budget européen s'impose aujourd'hui.

S'agissant du contenu, je prendrai deux exemples : d'une part, les crédits de recherche du PCRD justifieraient une vraie réflexion ; d'autre part, l'accident du tunnel du Mont-Cenis, « renvoyant » sur le Mont-Blanc un trafic de camions dont plus personne ne veut, confirme la fécondité de l'idée des réseaux transeuropéens. Encore faut-il la mener au bout, en lançant, par exemple, comme nous l'avons déjà demandé, un programme de percées alpines de statut européen. Ne s'agit-il pas de protéger les Alpes, poumon de l'Europe et pas simplement de l'Autriche, de la France ou de l'Italie ? Car les poids lourds qui traversent les Alpes vont non seulement de Savoie en Lombardie, mais souvent aussi de Finlande en Grèce.

Je pourrais multiplier les exemples, en évoquant également la PESC, la politique étrangère et de sécurité commune, mais je m'arrête là.

Monsieur le Premier ministre, pour conclure, nous aimerions voir la France proposer aujourd'hui à l'Europe un vrai programme politique, organisé autour de trois priorités.

Première priorité : réussir l'élargissement.

A cet égard, tout n'a pas été fait le 1er mai 2004, loin s'en faut. Il convient aujourd'hui de réussir l'élargissement, dans l'intérêt des pays qui nous ont rejoints comme dans celui des anciens Etats de l'Union, ce qui constitue déjà une vaste entreprise.

Deuxième priorité : appeler l'Union et ses membres à mettre en oeuvre, ensemble, une vraie politique scientifique, nous permettant d'améliorer notre compétitivité et de rivaliser avec nos grands concurrents, actuels ou futurs, notamment les Etats-Unis, l'Inde et la Chine.

Troisième priorité : lancer une vraie politique d'aide aux pays les plus pauvres, politique nécessaire si nous voulons lutter contre les délocalisations, politique indispensable si nous voulons aller vers un monde de paix, respectueux de tout homme.

Dans ces deux dernières priorités, vous aurez retrouvé, monsieur le Premier ministre, une nouvelle présentation de la stratégie de Lisbonne. A mon sens, présenter la stratégie de Lisbonne en affirmant que nous voulons retrouver notre compétitivité par rapport à nos grands concurrents et aider ceux qui sont à la traîne est une conception dans laquelle tout le monde peut se retrouver beaucoup plus facilement, car cette conception est beaucoup plus lisible et a un sens beaucoup plus fort sur le plan politique.

N'est-ce pas sur de tels sujets - compétitivité de l'Europe et de chacun de ses Etats membres, aide aux pays en développement -, qui s'avèrent vitaux pour nous, pour l'Europe et pour le monde, que la France doit de nouveau savoir ouvrir des voies ?

Monsieur le Premier ministre, nous avons mal à la France, nous avons mal à l'Europe !

Nous voulons que la France retrouve sa fierté de servir avec autant d'humilité que d'ambition l'extraordinaire projet humaniste engagé voilà cinquante ans par la France et l'Allemagne, et que le monde attend.

Nous attendons de vous, monsieur le Premier ministre, que vous fassiez tout pour que les Français renouent avec le rêve européen et pour que les Européens reconnaissent de nouveau en la France le pays qui donne du souffle à l'Europe !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Monsieur le Premier ministre, pour se revendiquer de la démocratie, il faut que le peuple soit susceptible d'avoir le dernier mot.

En étant ainsi invité à se prononcer sur la ratification du traité constitutionnel européen, le peuple s'est littéralement emparé du texte dans un contexte passionné et, parfois, hostile.

Malgré la dictature du « oui » que tentaient d'imposer les médias, relayés en cela par la plupart des partis politiques, notamment par les deux partis dominants, nos concitoyens ont su se faire une opinion objective d'un texte qu'ils ont massivement rejeté.

Le peuple a tranché en connaissance de cause. Les Françaises et les Français ont dit non. Ils ont opposé courageusement un « non » massif et clair à la construction d'une Europe libérale, celle où règne la loi du marché, la loi du plus fort, la loi de la jungle.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Le dernier exemple en date, qui me touche de près, nous a été communiqué cet après-midi par une dépêche de l'AFP : la Cour de justice des Communautés européennes vient d'annuler une aide de 76 millions d'euros que Bruxelles devait verser à la Société nationale maritime Corse-Méditerranée. Cela risque de porter un coup mortel à la compagnie et à l'avenir même du service public de continuité territoriale avec la Corse.

Monsieur le Premier ministre, ce vote populaire sans équivoque est lourd de sens pour l'exécutif, en particulier pour le Président de la République, qui aura à représenter la France au sein du Conseil européen.

La question de la légitimité d'une telle représentation est posée, au lendemain d'un référendum qui sonne comme un revers cinglant à la position clairement affichée par le chef de l'Etat et à la politique économique et sociale dévastatrice menée par son gouvernement.

Dans ces circonstances, pour prétendre à une représentativité, si minime soit-elle, le Président de la République doit se présenter au Conseil européen en qualité de mandataire du peuple français. La logique démocratique exige donc que le Président se soumette à la volonté exprimée souverainement par nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Je le rappelle solennellement, le référendum du 29 mai dernier impose le choix du peuple aux dirigeants de notre pays : il ne s'agit pas d'un simple référendum consultatif, comme le souhaiterait bon nombre de partisans du « oui ».

Monsieur le Premier ministre, ce rôle de porte-parole de la stricte volonté populaire ne laisse donc nul choix au Président de la République. Il ne s'agit pas de faire le dos rond, ainsi que certains le proposent, comme si rien ne s'était passé le 29 mai dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Sauf à défier la volonté populaire, le chef de l'Etat est ainsi contraint de revenir sur la signature du traité constitutionnel, irrémédiablement caduc, et d'exiger une renégociation de ce texte sur des bases nouvelles, inspirées par une conception rénovée du projet européen.

Pour sortir de la crise, il faut engager au plus vite des négociations afin de redéfinir les fondements de l'Union européenne.

Cette démarche constructive passe au préalable par le retrait définitif de certains textes, directives et règlements, et par l'arrêt immédiat du mouvement de privatisation des services publics, à commencer par celui qui frappe le fret ferroviaire.

La refondation de l'Union européenne sur un projet social et citoyen nécessite en effet le retrait des textes les plus controversés, notamment le projet de directive Bolkestein, celui sur l'aménagement du temps de travail ou encore celui sur la libéralisation des services portuaires.

Sur la directive Bolkestein, monsieur le Premier ministre, il n'est pas acceptable que Mme Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, ait participé la semaine dernière à la poursuite des négociations sur le projet de directive. Il ne faut plus biaiser avec la parole du peuple, il faut l'accepter.

Il convient également de réformer tous les dispositifs qui ont démontré leur inefficacité pour la construction d'une Europe sociale. Nous pensons notamment au carcan que constituent le pacte de stabilité et la politique monétaire menée librement par la Banque centrale européenne et à l'impasse auxquels ils mènent.

A la veille du Conseil européen de Bruxelles, il est donc nécessaire que votre gouvernement et le Président de la République en personne prennent la juste mesure du résultat du référendum du 29 mai.

Le peuple a repris la main, il s'est exprimé clairement.

Il a exprimé sa soif de démocratie et de citoyenneté.

La crise européenne que nous traversons doit trouver une porte de sortie par le haut, c'est-à-dire par la voie du peuple.

Le déficit démocratique qui résulte du fossé béant existant entre les décideurs et les citoyens européens doit être résorbé.

Le « non » du 29 mai, outre un formidable espoir d'Europe sociale, a été porteur d'une profonde aspiration démocratique.

Les citoyens l'ont constaté : lorsque l'autorité passe du niveau national au niveau européen, les décideurs sont bien loin et les choses leur échappent sur des points essentiels qui conditionnent leur vie.

Les citoyens ont ainsi constaté que la construction européenne a fait émerger une « Europe des gouvernements et des administrations », s'appuyant sur une lourde technocratie, puisque c'est cette Europe qui s'est révélée comme le principal détenteur du pouvoir normatif communautaire.

Monsieur le Premier ministre, l'urgence consiste donc à combler ce déficit démocratique. Pour cela, nous devons transformer l'Union européenne, la diriger vers toujours plus de démocratie. Pour y parvenir, les représentants des peuples et les citoyens eux-mêmes doivent se réapproprier le projet européen, en exerçant un nouveau contrôle sur la conduite de la construction européenne.

Il faut mettre en place un nouveau cadre de réflexion pour refonder l'Europe, cadre qui remédie à l'éloignement des principaux centres de décision.

Le débat européen doit se poursuivre et s'amplifier, en permettant aux peuples européens et à leurs forces politiques, syndicales et associatives de participer activement à une nouvelle construction européenne.

Les fondements de l'Union européenne doivent donc être redéfinis.

Les valeurs prônées par l'Europe ne peuvent plus être liées à l'économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

Il convient désormais de s'engager dans une refondation de l'Europe. Pour cela, il s'agit d'abord de s'interroger sur les droits fondamentaux et sociaux de la personne, sur les valeurs qui rassemblent les peuples européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Vous les avez refusés en votant « non » ! C'est incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Au coeur des politiques européennes doivent être mis en place des systèmes de protection sociale harmonisés par le haut, des services publics étendus, des institutions plus démocratiques et plus proches des citoyens, une politique économique et monétaire au service de la croissance et de l'emploi.

Nous avons besoin d'orientations et de structures permettant de maîtriser les marchés financiers. C'est faisable, dès lors que l'on accepte de mobiliser de puissants leviers tels que la Banque centrale, la fiscalité sur le capital ou de grands pôles publics, dès lors que l'on accepte d'édicter des règles visant à responsabiliser les entreprises sur les plans social, environnemental ou démocratique, et d'orienter les crédits ainsi dégagés vers de grandes priorités politiques démocratiquement établies et évaluées régulièrement.

Cela nécessite l'abandon d'une politique monétariste au profit d'objectifs de développements ambitieux. Cela nécessite de mettre l'euro au service de cette perspective.

Le budget européen, dressé par le Président de la République et ses amis européens, qui masque la nécessité de changer les bases de la construction européenne, doit également tendre vers le retour au plein emploi en Europe.

Pourquoi ne pas envisager, dans ce cadre, la planification de grands travaux ? Je pense essentiellement au fret ferroviaire, pour lequel les politiques libérales menées à l'échelle européenne, mais aussi au niveau national, n'ont pas permis la mise en place d'un réseau transeuropéen des transports de qualité, respectueux de l'environnement et garant de la sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

En outre, monsieur le Premier ministre, l'Europe doit assumer pleinement son rôle sur la scène internationale. Elle doit user de son poids pour faire émerger d'autres règles dans les relations internationales, en s'engageant notamment pour le désarmement nucléaire, pour exclure explicitement tout recours à la guerre comme moyen de régler les conflits mondiaux, pour faire prévaloir la force de la politique sur la politique de la force et pour une régulation équitable des échanges.

Mes chers collègues, le résultat du référendum a tracé les contours de ce nouveau projet, c'est-à-dire les contours de cette Europe sociale et démocratique.

Pour notre part, nous assumerons notre fonction de représentant de la souveraineté populaire, pour veiller au respect, par l'exécutif, de la parole sacrée du peuple souverain.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le peuple s'est prononcé.

Le 29 mai dernier, à vingt-deux heures, le rideau du temple européen s'est déchiré.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Aux yeux d'une Europe interloquée, des Français exaltés par le triomphe du « non » et des Français atterrés par la défaite du « oui » ont-ils tourné la page toute neuve, mais déjà longue, de la construction européenne ? Ce fut un choix existentiel.

Tel Sisyphe, les tenants du « oui » ont vu l'Europe redescendre la pente, alors même que, petit à petit, elle se hissait vers les sommets en devenant une puissance politique à l'échelle mondiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vers les sommets de 20 millions de chômeurs ! Nous n'avons pas la même conception des sommets !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Les tenants du « non », dans leur hétérogénéité, partageaient le même enthousiasme de leur refus triomphant d'une constitution européenne, mais manifestaient aussi soit le rejet d'une Europe dans laquelle ils ne reconnaissaient pas la France des siècles passés, soit le rejet d'un système économique qui avait pourtant partout démontré sa supériorité sur le collectivisme.

La tentation est grande de comparer cet enthousiasme du « non » à certaines heures de notre histoire où le sentiment et le verdict populaires ont préféré la facilité et n'ont pas été au rendez-vous du courage.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Si vous croyez que vous allez gagner l'opinion ainsi, vous vous trompez !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, je vous en prie, la parole est à M. de Montesquiou et à lui seul !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Un changement est indispensable pour changer d'attitude et préparer les années à venir. Cet échec du « oui », tous les partis de gouvernement en partagent la responsabilité. En effet, il n'y a pas un ministre qui ne soit revenu d'un Conseil européen sans s'attribuer les mérites d'une décision européenne facile à accepter par nos concitoyens ou sans rejeter sur l'Europe la faute d'une potion amère.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Nous, les parlementaires, nous avons le plus souvent relayé de telles attitudes dans nos départements. Comment l'Europe, dans ces conditions, ne serait-elle pas apparue comme contraire à l'intérêt propre des Français ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

En tout cas, vous ne les avez pas convaincus !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

On pourrait sans doute aussi s'interroger sur le peu de cas fait à nos parlementaires européens par nos partis politiques et sur leur absence organisée lors du débat institutionnel.

Pour ce qui est de la construction européenne, comment avons-nous pu refuser l'évidence ? Nous savions tous que des structures mises en place pour six pays fonctionnaient de moins en moins bien au fur et à mesure des élargissements. La nécessité de l'approfondissement apparaissait à tous, mais nous préférions la fuite en avant. Comment avons-nous pu imaginer que les Français ne prendraient pas conscience de ce que l'Europe fonctionnait de plus en plus mal et qu'elle apparaissait comme de moins en moins attirante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

J'ajoute que nous n'avons pas fait preuve de sens stratégique en ne ciblant pas dans l'organisation européenne des postes qui nous auraient permis d'influer fortement sur les décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Enfin, on peut s'interroger sur le mode de scrutin choisi. Lors de son élection, le chef de l'Etat avait été approuvé sur ses choix européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le risque était-il permis, pour une décision aussi importante, et alors que chacun avait conscience que l'affectif domine le rationnel quand un tel choix se présente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Ce constat étant fait, nous ne pouvons rester inertes. Quels doivent être nos axes d'action ?

Après des condoléances - étaient-elles sincères ? - de tous les pays de l'Union européenne, la perte de l'autorité morale indéniable de la France dans l'Union européenne va libérer les tenants d'une politique tournée vers la prééminence économique, aux dépens d'une recherche d'équilibre entre efficacité et solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Désormais, l'Europe pourrait, hélas ! se défaire. Le président de la Commission, M. Barroso, suggère une pause dans la poursuite des consultations nationales. Ce serait faire preuve d'un singulier manque de considération pour les pays qui se sont déjà prononcés - leurs choix ne peuvent être passés en pertes et profits - et pour ceux qui doivent encore se prononcer. Les pays de l'Union sont des démocraties, elles forment un espace démocratique et chacun a droit à la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le futur président du Conseil européen, le Premier ministre britannique, entend bien remettre à plat le budget de l'Union. L'exécutif français qui, dans sa politique européenne, ne peut plus s'appuyer sur son opinion publique, trouvera-t-il chez nos partenaires suffisamment d'alliés pour s'y opposer ? Le signal donné par le vote français va certainement déliter la solidarité européenne. Il existe un risque réel qu'à cette solidarité ne se substitue le « chacun pour soi ». Que pèsera notre défense d'un budget agricole qui tient encore une place majeure face à la diversité et à la multiplicité des intérêts nationaux ?

L'Europe politique a subi un coup d'arrêt très sévère. Comment relancer sa marche en avant ?

Les étapes majeures de la construction européenne, la Communauté européenne du charbon et de l'acier, le marché unique, l'euro, ont entraîné des avancées politiques décisives. Renouons avec ce processus ! La Communauté européenne, pour naître et se construire, s'est appuyée sur des menaces, celle d'une troisième guerre mondiale, puis celle du danger soviétique ; aujourd'hui ce doit être la mondialisation. Donnons une place à l'Union européenne, non pas en la noyant dans la mondialisation, mais face à la mondialisation.

Pour créer un nouvel état d'esprit, nous devons défendre, même si c'est un jeu à somme nulle, une politique de préférence communautaire. Ce serait un véritable ciment pour l'Union européenne. Pourquoi l'Union serait-elle le seul espace mondial ouvert à tous les vents ?

Martelons que, face à l'hégémonie américaine, la montée en puissance chinoise et l'irruption de l'Inde, l'Union européenne doit présenter un front uni, c'est-à-dire devenir une puissance politique.

Le budget, symbole du choix politique de toute collectivité, peut être l'outil qui démontrera que tous les pays de l'Union partagent cette conviction et la réalité de ces enjeux.

Monsieur le Premier ministre, malgré nos contraintes budgétaires lourdes, un geste politique fort doit être fait en direction de l'Union européenne, afin de montrer que notre volonté européenne est intacte. Une augmentation, même légère, du budget apparaît aujourd'hui comme une affirmation nécessaire. Des économies dans notre budget national peuvent être trouvées. Cela permettrait aussi de modérer les frustrations de ceux qui seront exclus des fonds structurels et de concrétiser la stratégie de Lisbonne, en donnant toute sa place à la recherche. Cela démontrerait que nous voulons détenir la clé de notre futur.

Nous devons ainsi convaincre les citoyens de l'Union européenne que l'Europe a un avenir et que leur propre avenir est indissociable de cette Europe politique pour laquelle nous nous sommes battus. Faisons tous preuve d'écoute, d'imagination et, surtout, de courage.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'UC -UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cette même tribune, la semaine dernière, Jean-Pierre Bel demandait, au nom du groupe socialiste, qu'un débat soit organisé au Parlement avant le Conseil européen qui commence demain à Bruxelles.

Il nous semblait, en effet, inconcevable que la représentation nationale ne soit pas informée, avant ce rendez-vous décisif, des positions que la France va y défendre.

Monsieur le Premier ministre, nous enregistrons avec satisfaction votre initiative, qui constitue un progrès dans les rapports entre le Gouvernement et le Sénat. Sans vouloir diminuer vos mérites, il faut reconnaître qu'il était difficile de faire moins bien que votre prédécesseur. Tant sur l'adhésion de la Turquie que sur le projet de directive sur les services, le Gouvernement n'avait concédé au Sénat qu'un débat a posteriori, une fois intervenues les décisions du Conseil européen, ce qui limitait, c'est peu de le dire, son intérêt et réduisait à néant son éventuelle influence.

Je forme le voeu que notre séance ne revête pas un caractère exceptionnel dû à la gravité de la crise institutionnelle européenne et que chaque Conseil européen soit désormais systématiquement précédé d'un débat où le Gouvernement pourra, à la fois, présenter les positions européennes de la France et écouter les représentants de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le Conseil européen de juin 2005 est confronté à un double défi. La volonté de la présidence luxembourgeoise d'aboutir à un accord sur les perspectives financières se heurte à des divergences considérables entre les positions réaffirmées par différents Etats membres. Le risque d'une grave crise financière guette toujours l'Union européenne. De plus, ce Conseil se déroule dans un contexte de crise institutionnelle et politique, après le double refus français et néerlandais du traité constitutionnel.

Quel budget pour l'Europe ? Quel devenir pour la construction européenne ? Ce sont les deux questions auxquelles il vous appartient de répondre.

Tout d'abord, quel budget pour l'Europe ? La position exprimée par le Président de la République et le Gouvernement nous semble marquée par la contradiction. D'un côté, l'on proclame une grande ambition pour l'Europe, alors que, dans le même temps, on lui refuse les moyens de l'assumer.

En décembre 2003, la France faisait partie, avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne, du groupe des six pays signataires demandant la stabilisation du budget de l'Union européenne à 1 % du revenu national brut de l'Union européenne. Cette position, si elle est maintenue, aura dès 2007 des conséquences néfastes sur le niveau de la politique de cohésion économique et sociale. Avec un budget européen limité à 1% du revenu national brut, il est en effet impossible - personne ne le conteste - de réussir l'initiative en faveur de la croissance et de l'emploi, notamment d'augmenter les dépenses de recherche, de permettre le développement économique et social des dix nouveaux pays entrants d'Europe centrale et orientale et de maintenir la politique agricole commune au niveau atteint en 2006.

Mécaniquement, dans cette hypothèse, la seule variable d'ajustement sera le montant consacré aux fonds structurels. Maintenir le niveau du budget à 1 %, c'est programmer de manière inévitable la disparition des crédits du Fonds social européen et du FEDER, le Fonds européen de développement régional, dans de nombreuses régions de notre pays, notamment celles qui sont le plus en difficulté.

Or ces crédits européens sont indispensables sur notre territoire pour assurer le bouclage des plans de financement de nombreux investissements, et ce d'autant que la raréfaction des financements de l'Etat se confirme chaque jour davantage.

Ajoutez à cela la crainte vraisemblablement fondée que l'Etat ne préempte de manière significative les crédits européens qui subsisteraient pour financer ses propres politiques et vous aurez ainsi créé les conditions de la régression des investissements publics des collectivités territoriales et d'un rejet encore plus fort de l'Union européenne.

Très bien! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Si vous voulez réellement une Europe ambitieuse qui mette en oeuvre des stratégies d'avenir porteuses d'emplois, vous ne pouvez bloquer le budget de l'Union européenne.

Or même les dernières propositions de la présidence luxembourgeoise qui sont, au demeurant, bien en deçà de celles de la Commission et du Parlement européen, apparaissent, si j'en crois les déclaration du ministre des affaires européennes, encore trop coûteuses.

Il n'est pas cohérent d'attendre plus du budget européen et de refuser dans le même temps d'assumer sa part de financement.

La théorie du « juste retour », qui préconise que chaque Etat doit récupérer de l'Union européenne autant qu'il lui apporte, est la négation même d'une ambition commune puisqu'elle implique une hiérarchie des obligations où l'impératif national l'emportera toujours sur l'exigence européenne. Ce n'est pas notre conception de l'Europe !

Cette dernière n'est pas réductible à une étroite vision comptable. L'Europe est vouée à l'échec si elle n'a pour ambition que la somme des égoïsmes nationaux. Il revient à la France de ne pas ajouter une crise financière à la crise existante.

Au demeurant, avoir pour l'Europe une ambition forte qui oriente ses moyens financiers vers les dépenses construisant l'avenir ne signifie pas pour autant une augmentation systématique du budget sans remise en cause de certaines situations.

Le financement du budget européen doit obéir à des principes de justice qui entraînent pour chaque Etat membre une participation équitable compte tenu de sa richesse réelle.

A ce titre, la remise en cause du chèque britannique nous apparaît comme nécessaire. Justifié il y a vingt ans, il s'apparente aujourd'hui à une rente dans la mesure où les raisons qui ont conduit à sa création ont aujourd'hui en grande partie disparu.

Nous souhaitons que le prochain Conseil européen trouve les compromis nécessaires à un accord qui garantirait à l'Union européenne des perspectives financières assurant les moyens d'une politique qui ne sacrifie pas l'avenir aux médiocrités du présent.

Le Conseil européen, au-delà des questions budgétaires, est aussi confronté, nous le savons, après les refus français et néerlandais, à la question de son devenir.

En effet, quel devenir pour l'Europe ? Cette dernière a besoin d'une nouvelle dynamique, elle a besoin de retrouver la confiance des citoyens, de redevenir une espérance. Comment y parvenir ?

En démocratie, le peuple est souverain. Il faut l'entendre et essayer de comprendre son message, même quand celui-ci réunit dans une unique réponse des opinions opposées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La France n'est sans doute pas la mieux placée aujourd'hui pour imposer ses vues à ses partenaires, pour autant elle ne peut rester spectatrice.

Il revient au Président de la République et au Gouvernement de contribuer à dénouer une crise dont ils sont en grande partie responsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

« La construction européenne est fragile », disait Jacques Delors.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Les faits lui donnent, hélas, raison. L'on est impressionné par la vitesse à laquelle des acquis que l'on croyait définitifs sont l'objet de tentatives de remise en cause.

La paralysie décisionnelle guette l'Union européenne puisque toutes les raisons qui justifiaient la modification du traité de Nice demeurent.

Je pense qu'il est nécessaire de recréer un climat de confiance en Europe, et cela commence sans doute par le respect de la souveraineté de nos partenaires. Le peuple français est souverain, mais sa souveraineté s'arrête là où commence celle des peuples des autres Etats partenaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Au nom de quel principe la France imposerait-elle sa position ?

Dans cette construction originale qu'est l'Union européenne, il appartient à chaque Etat membre, dans sa souveraineté d'Etat libre, de fixer sa position par rapport au traité constitutionnel. Le « non » français n'est ni inférieur ni supérieur au « oui » espagnol ; ils sont tous les deux l'expression démocratique d'un peuple souverain. Ce droit dont les citoyens français ont usé, il m'apparaît impossible de le refuser à un Etat qui souhaiterait l'exercer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Une fois cette étape accomplie dans le respect mutuel et parce que même les peuples qui ont dit non restent majoritairement favorables à un destin européen commun, il importera de trouver, en liaison avec le Parlement européen et les parlements nationaux, les moyens de retrouver un projet commun qui entraîne l'adhésion des citoyens européens et lève les blocages institutionnels.

Cette voie sera forcément longue et difficile. Dans l'immédiat, il appartient au Conseil européen de donner une perspective, de développer des initiatives concrètes qui restaurent la confiance. Le sort fait aux projets de directive sur les services et sur le temps de travail constitue, sans aucun doute, un excellent moyen de prouver aux citoyens européens que les gouvernements les écoutent et les entendent.

La mise en oeuvre de projets qui répondent aux préoccupations quotidiennes est une urgence pour donner une nouvelle crédibilité à l'utopie européenne. Cela exige des moyens incompatibles avec votre volonté de contraindre le budget européen. Votre discours a continué à cultiver ce paradoxe, affirmer de hautes ambitions pour l'Europe tout en refusant de lui en donner les moyens.

Les chefs d'Etat et de Gouvernement qui se réunissent demain sont coresponsables du devenir de l'Union européenne. Il leur appartient d'éviter que ce Conseil ne se réduise à la confirmation d'un échec annoncé.

François Mitterrand faisait de l'Europe l'avenir de la France. Au moment où la construction européenne est fragilisée, il est plus que jamais nécessaire de donner au peuple français et aux peuples européens des raisons d'espérer. Serez-vous à la hauteur de cet enjeu ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, je crois, comme l'un des intervenants précédents, que l'affaire du chèque britannique n'est rien à côté de la question de la ratification.

Dès demain, le Président de la République devra défendre la position de la France au Conseil européen. Il ne pourra le faire efficacement que s'il porte fidèlement et loyalement le message des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Peut-on en effet faire comme si rien ne s'était passé ? Et pourtant, en France, on a parfois le sentiment que l'on refuse ou que l'on rechigne à tirer les leçons du référendum. Le peuple se serait trompé ou aurait été abusé. Et le scrutin du 29 mai serait une simple péripétie électorale ou encore un simple vote de protestation sans lendemain.

Une chose est certaine : vous ne pouvez pas, monsieur le Premier ministre, aborder le Conseil européen de demain et d'après-demain sans donner un sens, une signification au vote massif des Français. C'est d'ailleurs ce qu'a fait votre homologue néerlandais. Le résultat du référendum, mes chers collègues, n'appartient à personne, et quelles qu'aient été nos positions personnelles, il faut désormais le respecter. Pour cela, il faut accepter de changer de cadre, mais aussi de projet.

Un changement de cadre s'impose parce que les Français ont répondu à une question, et à une seule : oui ou non au traité constitutionnel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

de la délégation pour l'Union européenne. Ce n'est pas sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Cela signifie que, après deux votes négatifs et massifs, la Constitution n'a tout simplement plus de sens. Il va falloir en faire le deuil. Sinon, nous serons incapables d'inventer autre chose. Cela ne crée pas pour autant de vide juridique puisque la nouvelle Constitution était censée entrer en vigueur dès le mois de novembre 2009. Donc, nous avons le temps.

Cela signifie aussi que l'on ne peut pas « picorer » telle ou telle partie du traité constitutionnel. Juridiquement, le texte est un tout. De nombreux articles de la première partie renvoient, explicitement ou implicitement, à de nombreux articles de la troisième partie. D'un point de vue démocratique, il y aurait un paradoxe à retenir, par exemple, la première partie, qui est la plus neuve, et d'abandonner la troisième partie, qui représente, à 90 % ou 95 %, l'essentiel de l'acquis communautaire.

Voilà donc pourquoi il faut d'abord changer de cadre. Mais il nous faut aussi changer de projet, ce qui signifie proposer un pacte refondateur avec une ligne directrice : passer de l'Europe du rêve ou du mythe à l'Europe des projets et du concret. Ce pacte refondateur doit répondre explicitement aux trois préoccupations qu'ont exprimées les Français le 29 mai en proposant trois ruptures.

Première rupture : une Europe des démocraties nationales et des coopérations entre les Etats plutôt que l'intégration sans fin des peuples dans une purée de marrons !

Les Français - ils l'ont demandé - souhaitent retrouver la maîtrise de leur destin : ils ne sont pas prêts à abandonner leur démocratie nationale pour une démocratie européenne qui n'existera pas tant qu'il n'existera pas un seul peuple européen. Pour que la démocratie existe, il faut que le sentiment d'appartenance soit fort pour que la loi de la majorité soit acceptée par la minorité.

M. Valéry Giscard d'Estaing stigmatisait hier l'absence d'expérience fédérale des Français et la leur reprochait. Oui, les Français ont reproché le cadre fédéral que leur proposait la première partie avec cette révolution juridique majeure contenue dans l'article I-6 : la primauté du droit européen par rapport au droit français national, y compris constitutionnel.

Protestations sur certaines travées de l'UMP et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

L'Europe réaliste, mes chers collègues, c'est l'Europe des projets à géométrie variable, comme vous l'avez reconnu, monsieur le ministre des affaires étrangères, sans la nommer, dans une récente entrevue.

Deuxième rupture : une Europe qui nous protège et qui défende bec et ongles nos intérêts, comme le font si bien nos partenaires adversaires, américains ou concurrents.

Depuis les accords de Marrakech, nous avons fait du désarmement commercial unilatéral une sorte d'horizon indépassable, et nous n'avons de cesse que de devenir les bons élèves de l'OMC, quitte à affaiblir de plus en plus les barrières douanières. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Par ailleurs, nous avons donné à la Banque centrale européenne un objectif divergent de celui de nos gouvernements - la stabilité des prix - au moment même où le monde économique changeait profondément et où la concurrence des pays émergents rendait nul le risque de l'inflation.

Il nous faut faire deux réformes économiques urgentes : rétablir la préférence communautaire, ce qui permettra d'améliorer le budget ; donner la priorité à la stabilité monétaire, mais aussi à la croissance et à l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La troisième rupture, c'est une Europe vraiment européenne, sans la Turquie...

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. ...et délimitée dans son espace géographique.

Protestations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Non, mon cher collègue, c'est la préférence européenne que nous demandons.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, il faudra faire un choix. Je vous invite à entendre les Français pour leur proposer une autre direction pour une nouvelle Europe, plus conforme à leurs aspirations.

M. Philippe Darniche applaudit.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, n'ayons pas peur des faits : les 16 et 17 juin prochains, c'est-à-dire dès demain, une grande partie de l'avenir de l'Union européenne va se jouer lors du Conseil européen de Bruxelles. Ebranlée par le rejet de la Constitution européenne lors des référendums organisés en France et aux Pays-Bas, affaiblie par de lourds désaccords et divergences sur le financement des politiques de l'Union, l'Europe traverse une passe à haut risque. Une fois encore, elle a un rendez-vous avec l'Histoire qu'il s'agit de ne pas manquer.

Le 29 mai dernier, une majorité de Français n'a pas souhaité que la France ratifie le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Ce choix s'impose aujourd'hui à tous, ...

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

... sans polémique ni contestation, et il nous impose, aujourd'hui, d'essayer d'en tirer les conséquences concrètes et positives pour la suite de la construction européenne.

Les citoyens français n'ont pas souhaité confirmer l'accord donné par les chefs d'Etat et de gouvernement des vingt-cinq pays membres, accord succédant à l'unanimité inattendue des membres de la Convention sur le projet de Constitution. En effet, un texte aussi novateur, établissant un pouvoir politique nouveau, contenant de réelles avancées institutionnelles, devait être soumis à la ratification référendaire. Ce fut l'honneur et la vitalité de notre démocratie, sur l'initiative du Président Chirac.

C'était aussi accepter un risque considérable, quand on sait d'expérience combien en France le référendum est vulnérable en ce que l'on peut facilement le détourner en plébiscite.

Sur la lancée du « non » français, trois jours plus tard, les Pays-Bas, animés d'un réel sentiment anticommunautaire, confirmaient par leur vote le sombre avenir de la Constitution européenne.

Dans ce contexte, très difficile et historiquement inédit pour la France et pour l'Europe, va se tenir le Conseil européen, les 16 et 17 juin. On doit aborder à cette occasion des questions majeures, l'avenir de la Constitution, les perspectives financières, l'élargissement de l'Union, la stratégie des réformes économiques, le développement durable, la justice et les affaires intérieures - notamment le terrorisme - et les relations extérieures.

A l'heure actuelle, la réussite de ce Conseil relève donc de la gageure, tant les positions des uns et des autres, malgré les efforts considérables de la présidence luxembourgeoise, sont divergentes.

Force est de constater que l'hypothèse du surplace et du blocage, envisagée au lendemain du 29 mai, s'avère déjà en deçà de la réalité. Le risque d'un véritable et prodigieux retour en arrière n'est plus à exclure. Chaque jour qui passe défait un peu plus l'oeuvre européenne commune. Il faut absolument éviter un commencement de « détricotage » des acquis. Nous assistons à une sorte de revanche des égoïsmes nationaux, stimulés par les difficultés économiques et sociales, oublieux de l'intérêt général européen, qui nous a tant apporté depuis cinquante ans.

Aujourd'hui, il semble que les Etats membres consacrent plus d'énergie à leur positionnement tactique à court terme qu'aux enjeux à long terme de la réunion. La survie du nouveau traité et l'accord sur le budget à moyen terme de l'Union sont des sujets centraux qui méritent pourtant une réflexion sérieuse.

A ce propos, j'ajoute que les spéculations récentes sur l'existence de l'euro me paraissent non seulement fantaisistes et irréalisables, mais susceptibles de semer un trouble préjudiciable tant dans l'esprit de tous les dirigeants que dans les opinions européennes.

En ce printemps 2005, l'un des partisans ambigus du traité, le Royaume-Uni, en quête d'une échappatoire au dilemme qu'il s'est posé à lui-même en proposant d'organiser un référendum national, s'attache à blâmer la France et les Pays-Bas de la situation où l'ont plongé les deux votes négatifs.

De tous côtés retentit l'affirmation que, si l'adversaire ne cède pas de terrain, il emmène toute l'équipe à la catastrophe. Quel que soit le sort du traité, personne ne conteste la pertinence des questions qu'il tente de résoudre : mieux outiller l'Union européenne pour qu'elle puisse continuer de répondre à ses aspirations internes et externes, et se relier à la vie de ses citoyens. A cet égard, le Conseil doit se concentrer sur la manière d'atteindre ces objectifs, sous peine d'offrir au monde une image dramatique consternante.

A l'heure actuelle, les priorités indispensables résident, me semble-t-il, dans l'adoption des perspectives financières pour la période 2007-2013, signal essentiel de la volonté de l'Union européenne de poursuivre son chemin en se donnant les moyens pour réaliser des programmes ambitieux à moyen terme, s'agissant, en particulier, de l'amélioration des programmes de recherche-développement, essentiels pour la compétitivité de l'Europe de demain.

Le revirement le plus important, parce que concret et perceptible pour l'opinion publique, est en effet celui qui est relatif aux perspectives financières. Or, sur ce point, le couple franco-allemand, moteur indispensable, semble prêt à un compromis constructif.

Ce compromis présuppose un certain rééquilibrage des contributions nettes des Etats membres : le gel, d'abord, et la réduction, ensuite du « chèque britannique », la diminution progressive des financements en faveur des principaux bénéficiaires actuels de la politique de cohésion et la réduction des dotations proposées par la Commission européenne dans plusieurs domaines.

Ce compromis reste inacceptable pour certaines délégations, dont avant tout le Royaume-Uni, qui s'oppose à la remise en cause de la ristourne budgétaire qui lui est accordée depuis 1984, à moins, éventuellement, de remettre à plat la PAC.

Nous sommes nombreux ici à estimer qu'il ne doit pas y avoir de remise en cause de l'accord sur la PAC dont le financement est sanctuarisé jusqu'en 2013. Nul n'ignore, au sein de la Haute Assemblée, combien la PAC, depuis des décennies, a assuré la modernisation de notre agriculture, la stabilisation sociale de la France rurale et l'aménagement du territoire, et ce malgré les pesanteurs bureaucratiques.

Mes collègues sénateurs du groupe UMP n'accepteraient pas que les entreprises agricoles soient fragilisées, voire mises à mal par des pratiques contraires au traité de Rome.

L'Italie a menacé d'user de son droit de veto pour bloquer la négociation, craignant de perdre des milliards d'euros pour ses régions du sud. La Suède et l'Espagne demandent également une réduction du « chèque britannique », ce qui, au passage, montre que la position de la France sur ce point n'est pas aussi isolée qu'on a bien voulu le dire.

Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, le blocage semble acquis et l'impasse certaine. Dès lors, comment éviter d'ajouter à la crise institutionnelle une crise financière, qui serait dramatique pour l'avenir du continent?

Nous attendons sur ce point, monsieur le Premier ministre, des signes d'une avancée qui pourraient nous faire espérer et croire que l'Union européenne saura retrouver, dans un avenir proche, la voie constructive qui fut la sienne depuis près de cinquante ans.

L'unification européenne n'apparaît plus comme le projet mobilisateur qui nous a donné pendant des décennies paix et prospérité avant de déboucher sur l'unification de notre continent. Or certains n'hésitent pas à se demander si l'espoir n'a pas changé de camp.

Dans ce contexte, un accord sur les perspectives financières prendrait une dimension toute particulière et son adoption dès maintenant donnerait à l'Europe l'impulsion politique dont elle a besoin.

A notre avis, le Conseil européen doit se donner les capacités d'émettre un message clair et convergent sur le processus de ratification de la Constitution européenne et sur un cadre financier stable pour l'avenir. Il est absolument nécessaire de faire émerger un nouveau consensus politique pour relancer l'Europe. Les Etats membres doivent réagir ensemble et éviter les réactions individuelles et dispersées.

Le Conseil doit rejeter deux solutions : d'une part, celle qui consiste à faire comme si rien ne s'était passé, et qui représenterait une attitude irresponsable et arrogante à l'égard du « non » tant néerlandais que français, et, d'autre part, celle qui consiste à abandonner le processus, ignorant en cela les dix Etats qui ont déjà ratifié et ceux qui ne se sont pas encore prononcés. Il faut donc chercher une autre solution, qui ne soit ni administrative, ni technocratique, ni bureaucratique, mais politique, purement politique.

Il reste le dialogue et le langage de la vérité qui devraient permettre d'approfondir le diagnostic sur la situation actuelle en évitant de faire de Bruxelles le bouc émissaire de toutes les difficultés.

En conclusion, il m'apparaît que le bon sens devrait nous imposer à l'avenir de subordonner tout élargissement à une véritable stabilisation institutionnelle.

A cet égard, la position de notre groupe concernant le refus de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne est pour moi l'occasion de souligner que nous pourrions créer un espace de partenariat et de voisinage développé qui permettrait à la Turquie et à d'autres pays méditerranéens, aux côtés de l'Union Européenne, de bénéficier des progrès de celle-ci.

C'est donc, au travers de mes propos, monsieur le Premier ministre, l'ensemble des sénateurs de mon groupe qui vous apporte son soutien dans ces heures difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de vos propos. A travers eux, vous témoignez de votre attachement à l'Europe, et j'ai tenu à être personnellement présent pour écouter vos interventions de grande qualité et utiles à la réflexion de tous.

Si vous avez, certes, souligné la difficulté des circonstances actuelles, vous avez également insisté sur la nécessité pour la France et pour l'Europe de se tourner désormais vers l'avenir. Notre rêve d'une Europe forte et respectée reste bien vivant : il est plus nécessaire que jamais ; il est plus attendu que jamais.

Notre premier devoir aujourd'hui est de répondre à l'inquiétude de nos concitoyens, qui restent tous, j'en suis convaincu, profondément attachés à la construction européenne. Ils souhaitent que la France continue de jouer tout son rôle dans le projet européen. Ils savent qu'à l'heure de la mondialisation, alors que de nouveaux ensembles géopolitiques s'affirment, la France a plus que jamais besoin de l'Europe. En nous rassemblant aujourd'hui, à la veille du Conseil européen, nous leur avons apporté une première réponse.

Nous devons aussi rassurer nos partenaires européens, qui comptent sur la France et sur son engagement au sein de l'Union européenne. A cet égard, je veux leur dire une nouvelle fois que la France tiendra tous ses engagements.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

J'ai d'ailleurs demandé à tous les ministres de poursuivre et de renforcer, chacun dans leur domaine, la coopération avec les pays membres de l'Union.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Vous avez raison de souligner, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, que le Conseil européen qui se tiendra à Bruxelles en fin de semaine engage l'avenir de l'Union européenne. Il pose, en premier lieu, la question de la suite à donner au processus de ratification, après le « non » de deux pays fondateurs, la France et les Pays-Bas.

La position de la France est claire : il appartient à chaque pays de s'approprier le débat, de s'exprimer et de se prononcer. Tel sera le meilleur point de départ pour une Europe plus à l'écoute des peuples.

Beaucoup d'entre vous s'interrogent sur les discussions budgétaires qui auront lieu à Bruxelles. Plus que jamais, l'Europe doit montrer qu'elle sait répondre aux attentes, résoudre les problèmes et trouver un terrain d'entente. Comme l'a dit le président de l'Union, Jean-Claude Juncker, chacun devra faire un effort.

Cela dit, je tiens à rappeler, pour que chacun soit bien conscient de ce que cela engage, les montants qui sont en jeu : passer d'un budget représentant 1 % à 1, 06 % du revenu national brut, ce n'est pas une augmentation minime. Cela constituerait pour la France un coût supplémentaire de 1, 5 milliard d'euros par an pour la période 2007-2013, soit un coût total supplémentaire de 10 milliards d'euros par rapport à 2006. Vous le voyez, monsieur Frimat, il ne s'agit pas d'une somme négligeable !

Mme Nicole Bricq s'exclame.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Dans une période de contrainte budgétaire, nous ne pouvons pas nous engager à la légère sur des chiffres aussi importants.

Dans ces négociations, la France défendra les engagements qui ont été pris, notamment, la politique agricole commune.

Il n'est pas question de revenir sur un accord qui fut difficile à trouver et qui est aujourd'hui acceptable par tous.Les accords de Bruxelles de 2002 ont fixé jusqu'à 2013 le montant des dépenses agricoles de marché. Ce compromis doit être préservé.

La PAC est la politique la plus ancienne et la plus intégrée de l'Union européenne. Nous lui devons notre indépendance alimentaire et, aujourd'hui, la compétitivité de notre agriculture, l'une des premières au monde.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.- M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Vous avez raison de le souligner, monsieur Badré, nous n'avons pas besoin de « rustines » s'agissant de la PAC. Nous avons besoin d'ambition et de mouvement : cette politique n'est pas au bénéfice de la seule France, elle est au bénéfice de tous.

En revanche, nous pouvons nous interroger sur la légitimité du « chèque britannique », décidé, comme vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur Dulait, dans des circonstances historiques et économiques très différentes.

Il est juste que chaque pays membre contribue à la solidarité financière avec les nouveaux pays membres. Il est juste que chacun porte sa part du fardeau. Il est juste que la richesse économique d'un pays soit exactement prise en compte dans le calcul de sa contribution.

Vous avez raison, monsieur Vinçon, d'insister sur la nécessité de tenir les deux objectifs de l'Union européenne dans l'utilisation du budget de l'Union, dont, en premier lieu, la cohésion et la solidarité. Il s'agit là de principes fondamentaux sur lesquels nous ne reviendrons pas. Mais il ne faut pas non plus oublier l'innovation, la recherche et les nouvelles technologies. Si nous voulons que l'Europe soit en mesure de défendre ses emplois et ses atouts économiques, si nous voulons qu'elle reste à la pointe du progrès technologique, si nous voulons qu'elle devienne un chef de file mondial dans le domaine des nanotechnologies et des biotechnologies, nous devons accentuer notre effort.

L'innovation ne se joue pas demain, mais aujourd'hui.

Comme vous, monsieur Haenel, ma conviction est que l'Europe a plus que jamais besoin d'avancer de manière pragmatique. A chaque crise politique, l'Europe a su trouver l'énergie nécessaire pour rebondir. Elle l'a fait sur la base de projets concrets qui pouvaient rassembler les peuples. Dans tous les domaines, la coopération européenne peut et doit aller plus loin.

Dans le domaine de l'éducation, il faut accélérer la reconnaissance mutuelle des diplômes, afin que les étudiants européens puissent profiter de toutes les opportunités.

Dans le domaine de la culture, de grands projets ont été lancés, comme la bibliothèque numérique européenne, qui nous permettront d'affirmer notre diversité et notre richesse.

Dans le domaine de la recherche, notamment dans le cadre de l'Agence européenne de défense, nous avons besoin d'une politique plus volontariste, afin d'atteindre dans les meilleurs délais les objectifs de Lisbonne.

La compétitivité de l'Europe en matière de haute technologie doit pouvoir s'appuyer sur de grands projets industriels dans lesquels la France a toute sa place, tels que ITER ou Galileo.

Dans le domaine des transports, enfin, l'Europe doit davantage encore valoriser ses atouts. Le rapprochement entre les peuples comme le dynamisme de notre économie dépendent des réseaux routiers ou ferroviaires, des canaux, des ports, des installations aéroportuaires que nous serons en mesure de construire.

Vous le voyez, monsieur Retailleau, contrairement à ce que vous prétendez, l'Europe du concret existe et nous allons la renforcer !

Il nous faut, pour ce faire, retrouver, comme l'a dit M. Dulait, le sens de l'intérêt général européen ; il nous faut donner une perspective claire aux Européens sur les grandes questions concernant l'avenir de l'Union.

Je pense d'abord ici à la question des institutions. Le projet de Constitution avait pour objectif de faciliter leur fonctionnement dans une Europe à vingt-cinq. Certes, nous pouvons nous appuyer sur les dispositions du traité de Nice, mais chacun voit bien qu'elles sont insuffisantes et qu'elles ne servent pas l'intérêt de notre pays. Il faudra donc, tôt au tard, engager une réflexion plus vaste si nous voulons que nos institutions gagnent en efficacité et en transparence. Je souhaite que la Haute Assemblée soit étroitement associée à cette réflexion.

Au-delà des institutions, nous devons nous interroger sur le contenu des politiques mises en oeuvre. Le message des Français est clair : ils ne veulent pas d'une Europe qui ne soit qu'un vaste marché de libre-échange.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Ils veulent que soit mieux prise en compte leur aspiration à une Europe sociale, humaine, qui réponde à leurs préoccupations.

Le texte de la Constitution contenait des avancées indéniables à ce sujet, mais elles n'ont pas su convaincre nos concitoyens. A nous de trouver des réponses plus claires et plus efficaces, pour que l'Europe puisse défendre son modèle de société : une société qui mêle l'esprit d'initiative et l'exigence de solidarité, la volonté de conquête et le respect de chacun.

Les Françaises et les Français veulent que l'harmonisation sociale en Europe se fasse par le haut. Pour le faire, il faut, monsieur Bret, que nous occupions toute notre place dans l'Europe.

Je veux donc répondre à ceux qui, comme vous, monsieur Bret, s'interrogent sur la proposition de directive européenne sur les services.

Comme l'a demandé le Président de la République, cette directive a bien été remise à plat.

Le rapporteur de ce texte au Parlement européen a fait des propositions qui vont dans notre sens : sur la base des ces propositions, un débat aura lieu à l'automne prochain au Parlement européen.

La Commission devra ensuite soumettre des propositions au Conseil.

La France sera particulièrement exigeante sur cette directive. Elle le sera tout autant sur la directive relative au temps de travail : les régimes dérogatoires consentis à certains doivent disparaître.

Mais les citoyens européens attendent aussi que l'Europe s'affirme davantage sur le plan économique.

Monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, vous l'avez dit très justement, c'est la condition pour que l'Europe devienne un acteur mondial.

Nous avons mis en place un outil extraordinaire, l'euro, auquel les Français sont attachés. N'oublions pas que nous lui devons la stabilité monétaire et l'absence de dévaluation.

Nous avons besoin désormais d'une gouvernance économique plus forte et plus cohérente pour défendre notre économie et nos emplois.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Nous avons su le faire en parvenant à un accord avec les Chinois, pour limiter leurs exportations de textile. Nous devons savoir le faire pour défendre la préférence européenne, comme vous l'avez rappelé, monsieur de Montesquiou. Notre unité est notre meilleur atout.

La troisième préoccupation touche à l'élargissement.

Les Françaises et les Français ne contestent pas la légitimité historique de l'élargissement vers les pays de l'Est, mais ils souhaitent être davantage associés à des décisions qui engagent l'avenir de leur continent. Ils veulent en comprendre les raisons et les modalités. Ils veulent pouvoir veiller sur le respect des règles, qui valent pour tous, notamment dans le domaine des droits de l'homme.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Leur intérêt et leur vigilance sont respectables et compréhensibles. Nous devons mieux les prendre en compte dans les échéances à venir. Nous devons mieux écouter et mieux expliquer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce travail de pédagogie, vous aurez tout votre rôle à jouer.

Les Françaises et les Français nous ont adressé un message : il sera entendu. Mais l'Europe ne peut avancer que dans l'unité : nous devons donc tout faire pour la préserver.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Europe des Vingt-cinq est une chance pour la France : chacun doit pouvoir la saisir.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement qui sera imprimée et distribuée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante, sous la présidence de M. Philippe Richert.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements identiques n° 60 et 367 tendant à insérer un article additionnel après l'article 31.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 60 est présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 367 est présenté par M. Adnot.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 442-6 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 8° De déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, avant même que le fournisseur n'ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant.»

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 60.

Debut de section - Permalien
Gérard Cornu, rapporteur , de la commission des affaires économiques et du Plan

L'amendement n° 60 vise à permettre aux fournisseurs de disposer d'un moyen efficace pour s'opposer à une pratique trop fréquente des distributeurs, qui consiste à retenir sur les factures tout type de pénalité - retard de livraison, non-conformité des marchandises -, sans avoir obtenu au préalable l'accord des fournisseurs.

Cette pratique est inacceptable. Le caractère abusif en a été relevé par la Commission d'examen des pratiques commerciales.

Toutefois, force est de constater que les dispositions en vigueur sur la compensation, au regard aussi bien du code civil, dont les articles 1289 et suivants en établissent seulement le principe général, que des règles concernant les pratiques restrictives, sont insuffisantes pour sanctionner ce type de pratique.

C'est pourquoi il est proposé de viser expressément cette compensation au titre des pratiques restrictives encadrées par l'article L. 442-6 du code de commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Philippe Adnot, pour présenter l'amendement n° 367.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Je fais miennes les explications de M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales

Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces excellents amendements identiques présentés tant par M. le rapporteur que par M. Adnot.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 31.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 111 rectifié, présenté par MM. Barraux, César, Mortemousque, Revet, Trillard, Houel, Texier, Murat et Vasselle, est ainsi libellé :

Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa (c) du II de l'article L. 442-6 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Est de même nulle, toute compensation effectuée en violation du 7° du I du présent article »

La parole est à M. Yannick Texier.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Texier

Cet amendement est similaire à l'amendement n° 60 présenté par M. le rapporteur. Je considère qu'il est défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 368, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :

Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa (c) du II de l'article L. 442-6 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Est de même nulle, toute compensation effectuée en violation du 7° du I du présent article ».

La parole est à M. Philippe Adnot.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Nous savons tous que, dans ce domaine, les théories contradictoires sont nombreuses.

On s'amuse souvent de voir des distributeurs venir se plaindre des misères que leur font subir les grandes marques, en leur imposent de prendre la totalité de la gamme - un vrai scandale, en effet, puisque cela nuit à la liberté du commerce -alors que ces mêmes distributeurs, de temps à autre, imposent d'insupportables pratiques aux différents fournisseurs, les marges arrière, par exemple.

Il n'empêche que les accords de gamme peuvent très fortement contraindre les distributeurs et peuvent surtout empêcher un certain nombre de moyennes entreprises d'accéder au marché. Nous souhaitons donc réglementer ces pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Les amendements n° 111 rectifié et 368 étant satisfaits par l'amendement n° 60 de la commission, que le Sénat vient d'adopter, nous en demandons le retrait. S'ils n'étaient pas retirés, nous émettrions un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 111 rectifié est retiré.

Monsieur Adnot, l'amendement n° 368 est-il maintenu ?

I. - Le b du 2° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de subordonner, au titre d'un accord de gamme, l'exposition à la vente de plus d'un produit à l'octroi d'un avantage quelconque peut constituer un abus de puissance de vente ; »

II. - Le 5° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance par voie électronique, le délai de préavis est au moins d'un an. »

III. - Le III de l'article L. 442-6 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, producteur, commerçant, industriel ou artisan, qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 132 rectifié bis, présenté par MM. Mortemousque, Poniatowski, Braye, Carle et Hérisson, Mme Lamure, MM. Revet, Bertaud, Faure, Barraux, Leroy, Texier et Fouché, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après l'article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les chambres consulaires et les organisations professionnelles concernées peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constitutifs d'infractions aux prescriptions des titres I à IV du livre IV du code de commerce et portant un préjudice direct à l'un de leurs ressortissants. Les chambres consulaires peuvent exercer les mêmes droits en ce qui concerne les faits constitutifs de ces mêmes infractions et portant un préjudice direct ou indirect aux missions qui leur sont reconnues. »

La parole est à M. Yannick Texier.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Texier

Les pratiques prohibées par le code de commerce aux titres I à IV du livre IV sont essentiellement le fait de sociétés de tailles importantes et économiquement puissantes.

Aussi les victimes directes de ces infractions ne peuvent-elles pas poursuivre directement ces sociétés, pour ne pas courir le risque qu'il soit mis un terme à des relations commerciales essentielles à leur survie économique.

Conférer un doit d'ester en justice aux organes institutionnellement chargés de défendre les ressortissants victimes de ces pratiques permet d'assurer l'effectivité des prescriptions du livre IV du code de commerce, en évitant parallèlement une mise en oeuvre inconsidérée de poursuites.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 61 est présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 102 rectifié est présenté par MM. Mortemousque, Barraux, César, Revet, Texier, Murat et Vasselle.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le a du 2° du I de l'article L. 442 - 6 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un tel avantage peut également consister en la globalisation artificielle des chiffres d'affaires, ou en demandes d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients. »

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 61.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

La constitution de centrales d'achat ou de référencements, en France ou à l'étranger, aboutit à une transparence des conditions commerciales des fournisseurs à l'égard de leurs différents clients de la distribution regroupés dans la nouvelle centrale.

Le Conseil de la concurrence s'est toujours refusé à sanctionner ces pratiques sur la base du droit actuel.

Cet amendement tend à prohiber cette forme de transparence entre firmes en concurrence sur le marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 364 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Desmarescaux, MM. Masson, Türk, Baudot, Besse, Gaillard, Gouteyron, Karoutchi et du Luart, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - Après le quatrième alinéa du II de l'article L. 442-6 du code de commerce, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...) De subordonner directement ou indirectement, au titre d'un accord ou d'une contrainte de gamme, l'exposition à la vente de plus d'un produit à l'octroi d'un avantage quelconque. »

La parole est à M. Philippe Adnot.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Le présent amendement a pour objet de lever toute insécurité juridique en prohibant les accords de gamme. J'aimerais connaître le sentiment de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 182 rectifié, présenté par MM. Vial, Hérisson, de Raincourt, Braye, Dulait, du Luart et Saugey, Mme Brisepierre, MM. Bailly, César, Carle, Faure, Emin et de Broissia, Mme Bout et M. Grillot, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le I de cet article pour compléter le b du 2° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce, remplacer les mots :

peut constituer

par le mot :

constitue

La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

L'article 32 est extrêmement important.

Nous avons eu de nombreux échanges en effet au sujet des marges arrière, qui ne sont que la partie immergée de l'iceberg. Il existe d'autres parties plus visibles, plus techniques, auxquels peuvent être rattachés les accords de gamme. Et ce n'est pas parce que c'est la partie émergée de l'iceberg, une partie plus « présentable », qu'elle en est pour autant plus glorieuse.

Si les marges arrière sont le lieu d'un combat entre la grande distribution et les fournisseurs, les accords de gamme, reconnaissons-le, monsieur le ministre, sont le lieu du combat entre fournisseurs.

Lorsque la grande distribution a imposé ce qu'elle entendait percevoir au titre des marges arrière, le fournisseur n'a plus qu'à tenter de négocier un certain nombre de conditions.

Les accords de gamme sont, pour les fournisseurs, une façon d'obtenir une compensation au travers.

Cela étant, soyons clair, ces avantages sont octroyés aux plus grands, au détriment des plus petits. Les accords de gamme reviennent donc purement et simplement à consentir des avantages au nom de ces accords, mais également à évincer de la présentation les fournisseurs de taille plus moyenne ou plus petite.

Nous faisions en France, naguère, l'éloge de la grande distribution. Aujourd'hui, que l'on reprenne l'exposé des motifs de la loi Galland ou que l'on écoute les débats actuels, tout le monde s'accorde à constater les effets dévastateurs de la grande distribution tant sur l'emploi que sur l'inflation.

Aujourd'hui, le combat contre les accords de gamme est mené par les plus petites entreprises, qui, demain, seront purement et simplement évincées si elles n'obtiennent pas de garanties suffisantes. Monsieur le ministre, cela produirait trois effets négatifs, qui s'ajouteraient à ceux que j'ai évoqués.

Je crains un premier effet négatif sur l'inflation, d'abord, puisque, par le biais des accords de gamme, les grands fournisseurs essaient bien évidemment d'imposer leur toute puissance face aux PMI-PME. Si celles-ci ont été défendues par la grande distribution, c'est, vous le savez très bien, parce qu'elles servent, en matière de prix, à établir une concurrence. Mais encore faut-il qu'elles survivent !

Je crains un deuxième effet négatif, en termes d'innovation, car les PMI-PME sont des facteurs importants de l'innovation.

Je vois enfin un troisième effet négatif possible, et sur l'emploi, car ces centaines d'entreprises représentent des milliers d'emplois.

L'objet de cet amendement est très simple : il consiste à substituer aux mots « peut constituer » celui de « constitue ». Il n'y a pas de mystère, monsieur le ministre, de même qu'un feu est rouge ou vert, les accords de gamme constituent ou non un danger pour les PMI-PME. Dans ce dernier cas, des mesures doivent être prises afin que des sanctions puissent effectivement être appliquées, ce que ne permettrait pas à coup sûr la formulation actuelle de l'article 32, qui manque singulièrement du caractère radical nécessaire.

J'espère que la commission soutiendra cet amendement, qui, à mon sens, est la seule solution possible pour que les dispositions de l'article 32 s'appliquent sans équivoque aux accords de gamme.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. César, Mortemousque, Barraux, Texier, Murat et Vasselle, est ainsi libellé :

I. Compléter le texte proposé par le I de cet article pour compléter le b du 2° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :

Le fait d'exiger le versement de pénalités et/ou de procéder au refus ou retour de marchandises, dans des conditions non prévues au contrat ni justifiées, constitue un abus de puissance d'achat.

II. En conséquence, dans le I de cet article, remplacer les mots :

par une phrase ainsi rédigée

par les mots :

par deux phrases ainsi rédigées

La parole est à M. Yannick Texier.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Texier

Des lots entiers de marchandises sont retournés au producteur, sous prétexte que la qualité du produit ou les délais n'ont pas été respectés. Cette pratique a lieu sans que le producteur soit présent pour constater la réalité de l'éventuelle dégradation de la marchandise et ne s'appuie sur aucune disposition du cahier des charges ni aucune norme. Les producteurs doivent pourtant verser des pénalités.

Les producteurs de fruits et légumes l'ont souvent constaté, ce motif cache une mauvaise gestion des stocks par les centrales d'achat ou les magasins. Ces derniers renvoient la marchandise quand ils ne sont pas sûrs de vendre ce qu'ils ont commandé compte tenu des stocks existants. Or ce n'est pas aux producteurs de supporter les coûts de la mauvaise gestion des stocks de la centrale d'achat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 297, présenté par Mme Khiari, MM. Dussaut, Raoul, Courteau, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le II de cet article.

La parole est à M. Bernard Dussaut.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Dussaut

Cet amendement a pour objet la suppression du paragraphe II, dont je rappelle les termes : « Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance par voie électronique, le délai de préavis est au moins d'un an. »

Il s'agit clairement d'une rupture d'égalité entre le traitement d'une négociation menée de manière traditionnelle entre un acheteur et un fournisseur - par courrier, par téléphone, à l'occasion de réunions dans des bureaux- et une négociation réalisée par une enchère sur internet.

Cet article tend donc à établir une règle discriminatoire au détriment des utilisateurs des nouvelles technologies d'information et de communication, les NTIC.

Cet amendement vise à rétablir le droit commun, quel que soit le mode de négociation choisi, sans pénaliser les nouvelles technologies.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

A la fin du texte proposé par le II de cet article pour compléter le 5° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce, remplacer les mots :

le délai de préavis est au moins d'un an

par les mots :

la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Pour la bonne compréhension de cet article 32, je vous rappelle qu'il est composé de trois paragraphes visant, successivement, les accords de gamme pour le I, les enchères inversées pour le II et le renversement de la charge de la preuve pour le III.

L'amendement n° 62 rectifié porte sur le paragraphe II, et permet d'éviter que les enchères à distance ne soit le moyen, pour un distributeur, de congédier de façon brutale l'un de ses fournisseurs. Nous pouvons, je crois, nous entendre sur cet objectif.

Toutefois, la commission des affaires économiques estime que le délai prévu d'un an est insuffisamment souple et donc insuffisamment protecteur au regard de la diversité des relations commerciales. Elle a donc adopté un amendement distinguant deux hypothèses.

Pour un préavis initial inférieur à six mois, s'agissant de relations commerciales courtes, la durée minimale de préavis est double de celle qui est prévue par les dispositions actuelles du code de commerce. En revanche, pour un préavis initial supérieur à six mois, la durée minimale de préavis est d'au moins un an.

Ainsi, cet amendement permettrait tout à la fois d'introduire de la souplesse dans les relations commerciales, de donner plus de visibilité et de sécurité aux fournisseurs, et de protéger plus particulièrement le fabricant qui s'engage dans l'élaboration d'un produit ou d'une gamme de produits pour un distributeur spécifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 295, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Courteau, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le II de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

... - Le I de l'article L. 442-6 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° - De déduire d'office du montant de la facture, établie par le fournisseur, les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à une non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, avant même que le partenaire ait pu contrôler ou tout au moins discuter la réalité du grief correspondant ».

La parole est à M. Daniel Raoul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Cet amendement vise à interdire une pratique trop fréquente des distributeurs, laquelle consiste à retenir de manière abusive sur les factures tout type de pénalités, telles que les retards de livraison ou la non-conformité des marchandises, sans avoir obtenu, au préalable, l'accord des fournisseurs.

La Commission d'examen des pratiques commerciales a d'ailleurs fait état, dans son avis du mois d'avril 2004, du caractère abusif de cette pratique.

Les dispositions en vigueur sur la compensation, au regard tant des règles de droit civil que des règles concernant les pratiques restrictives, sont insuffisantes pour sanctionner ce type de compensation abusive.

Cet amendement vise donc à permettre d'interdire la déduction d'office du montant de la facture établie par le fournisseur des pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à une non-conformité des marchandises.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 296, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Courteau, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Avant la dernière phrase du second alinéa du III de l'article L. 442-6 du code de commerce, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La juridiction civile et commerciale peut ordonner la publication intégrale ou par extraits de la condamnation dans le Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que dans les journaux désignés par elle ; les frais de la publication dont il s'agit sont intégralement à la charge du condamné. »

La parole est à M. Daniel Raoul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Les enseignes soignent leur image vis-à-vis de leurs actionnaires pour certaines et vis-à-vis des consommateurs dans tous les cas. Or les récentes condamnations prononcées par les juges ont constitué une valeur d'exemple, parce qu'elles ont été relayées par la presse. Le seul poids financier des amendes infligées n'est pas un élément suffisant de dissuasion. On le constate dans d'autres domaines ; je pense au dégazage, par exemple, mais c'est un autre débat. C'est l'effet de répétition d'une publication systématique des jugements qui peut avoir un réel impact.

Le projet de loi laisse au juge pénal la possibilité de publier son jugement dans la presse sans en faire une obligation. Il s'agit pour nous de rendre obligatoire cette publication pour la majorité des pratiques visées au titre IV du code de commerce, lequel prévoit des amendes pénales et civiles, en particulier celles qui sont relatives au non-respect de l'article L. 442-6.

L'amendement proposé vise donc à rendre obligatoire la publication des décisions, à la fois pénales, civiles et commerciales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 63 rectifié, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa (III) de cet article, remplacer le mot :

artisan

par les mots :

personne immatriculée au répertoire des métiers

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

La commission souhaite que l'amendement n° 132 rectifié bis soit retiré ; dans le cas contraire, elle émettrait un avis défavorable.

Avec les amendements n° 364 rectifié et 182 rectifié, MM. Adnot et Vial posent un vrai problème, celui de la pratique des accords de gamme. Selon eux, les mesures prévues par le Gouvernement pour sanctionner les abus dans ce domaine sont insuffisantes. En effet, les abus étant difficiles à qualifier - à partir de quel seuil y a-t-il abus ? - il leur semble préférable d'interdire totalement ce genre d'accord.

A défaut d'aller jusqu'au bout de la logique on pénalise l'ensemble des PME que l'on veut défendre. Nous le savons très bien, les accords de gamme se font avec de grandes entreprises, dont les produits incontournables servent à remplir les linéaires, sur lesquelles les PME n'ont alors plus leur place !

La commission est donc très favorable à ces deux amendements. Toutefois, préférant la rédaction de l'amendement n° 182 rectifié, elle souhaite le retrait de l'amendement n° 364 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

J'accepte de retirer mon amendement, qui est satisfait par celui de M. Vial !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 364 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

La commission souhaite le retrait de l'amendement n° 97 rectifié, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Sa position est la même pour l'amendement n° 297. La disposition proposée va à l'encontre de la position de la commission, qui souhaite conserver le principe d'un délai renforcé, tout en l'adaptant afin de l'assouplir.

Ce problème des enchères inversées, qui est nouveau, est difficile à régler. C'est pourquoi il paraît nécessaire à la commission de renforcer la législation dans ce domaine.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 295, qui est satisfait par l'amendement n° 60 de la commission.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 296, la commission souhaite entendre le Gouvernement avant de se prononcer.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

L'amendement n° 132 rectifié bis appelle deux observations.

En premier lieu, les dispositions prévues par l'amendement figurent déjà à l'article L. 411-11 du code du travail pour les organisations professionnelles. Seules les pratiques visées au titre IV du livre IV du code de commerce sont pénalement sanctionnées, à l'exception de l'article L. 420-6, qui ne semble pas visé ici.

En second lieu, il convient en tout état de cause de limiter la mesure aux seules chambres consulaires et au titre IV du livre IV du code de commerce.

Sous réserve de cette rectification, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

J'en viens aux amendements identiques n° 61 et 102 rectifié. Je comprends la préoccupation des parlementaires de tous horizons face aux différents abus de puissance de vente qui peuvent se rencontrer.

Cet ajout vise de manière spécifique les pratiques des « super centrales » constituées par les enseignes pour renforcer artificiellement leur capacité de négociation en s'alliant face aux fournisseurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'arsenal juridique existant suffit assez largement pour combattre de telles pratiques. Je doute que l'insertion, dans le projet de loi, d'articles visant un type d'abus déterminé constitue un moyen efficace de lutter contre ces pratiques.

C'est pourquoi le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques n° 61 et 102 rectifié.

J'en arrive aux accords de gamme et à l'amendement n° 182 rectifié.

Ce sujet est très important. Lorsque l'on évoque les accords de gamme, on pense tout de suite aux grandes surfaces qui peuvent ainsi évincer les PME du linéaire, au détriment de l'emploi et de l'innovation que celles-ci peuvent porter.

Toutefois, la situation actuelle est complexe et, si l'on interdisait purement et simplement les accords de gamme, des PME se trouveraient pénalisées.

Il en est ainsi, par exemple, d'une entreprise implantée dans le sud de l'Aisne, pas très loin du village dans lequel j'habite, dont le produit phare est un filtre à café que l'on trouve dans pratiquement toutes les grandes surfaces.

Un jour, les responsables de cette entreprise, forts de leur expérience positive, ont décidé de fabriquer un filtre à thé. Puis, pour conforter leur position de leader sur le marché, ils ont décidé de fabriquer un filtre à tisane. Dans les deux cas, ils ont dû élaborer un produit adapté.

Ces deux produits étaient nouveaux et n'avaient donc pas de clients, pas de demande. Les responsables de l'entreprises ont alors passé des accords de gamme avec les grandes surfaces : elles continuaient de vendre les filtres à café à la condition de placer également en linéaire les filtres à thé et les filtres à tisane. C'est ainsi que ces produits innovants ont rencontré le consommateur, ce qui aurait été impossible sans les accords de gamme.

L'activité des PME s'articule souvent autour d'un produit phare. Pour qu'une PME puisse innover et élargir le nombre des produits qu'elle propose, il faut lui permettre d'accéder au consommateur ; l'accord de gamme est précisément un moyen d'y parvenir. Les sociétés de distribution ne recherchent pas des produits pour lesquels il n'y a pas de clients, pas de demande. Le client, il faut le créer, donc mettre le produit sur le linéaire.

Il faut aussi garder présent à l'esprit qu'une grande partie de l'activité de notre pays repose sur les réseaux de distribution intégrés, tels que les franchises de marque, en particulier dans le secteur de l'automobile.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous adoptiez l'amendement n° 182 rectifié visant à interdire les accords de gamme, il vous faudrait, de retour dans vos départements, expliquer aux concessionnaires Renault ou Peugeot que, désormais, ils n'ont plus le droit de vendre toute la gamme du constructeur avec lequel ils travaillent.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Mais si, car votre texte interdit les accords de gamme, monsieur le sénateur. Or, c'est ce type d'accord qui unit un concessionnaire à un constructeur, c'est même la définition de l'accord de gamme.

Je prends un autre exemple. Nous possédons tous un téléphone mobile. Aujourd'hui, trois opérateurs sont bien connus en France : Orange, Bouygues et SFR.

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Ces opérateurs ont installé, partout en France, des boutiques à leur enseigne. Les gestionnaires de ces commerces vendent toute la gamme des produits distribués par l'opérateur avec lequel ils ont passé... un accord de gamme.

Si les accords de gamme étaient interdits, toutes les petites entreprises qui ont pu se développer sur ce marché se trouveraient confrontées à une difficulté majeure.

Lutter contre le recours abusif aux accords de gamme est un excellent principe, mais interdire complètement ce type d'accord, c'est mettre le doigt dans un dispositif qui aura des conséquences extrêmement lourdes que les auteurs de l'amendement n'ont peut-être bien mesurées ou appréciées.

La commission Canivet a, je le rappelle, travaillé sur cette seule question des accords de gamme pendant un mois entier. Ses membres ont rencontré des responsables de PME, des constructeurs automobiles, des représentants de tous les secteurs de la franchise. Ils se sont efforcés de cerner la nature de l'accord de gamme. Ils sont parvenus à la conclusion que cette forme d'accord ne pouvait pas être interdite mais qu'il fallait, et c'est l'intention du Gouvernement, réprimer les abus. En supprimant une liberté, veillons à ne pas aboutir à l'inverse de l'objectif fixé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut être vigilant. Je m'engage à diligenter des contrôles spécifiques pour lutter contre les abus. J'en rendrai compte devant le Sénat. Les abus relevés seront sur la place publique et nous pourrons en débattre à nouveau, car il s'agit d'une question essentielle.

Mais je vous en prie, mesdames, messieurs les sénateurs, n'adoptez pas des dispositions qui pourraient avoir des conséquences bien plus larges que vous le pensez sur des activités tout à fait légales qui sont nécessaires au dynamisme de nos entreprises et à l'emploi.

J'ajoute que l'interdiction des accords de gamme serait incompatible avec les textes communautaires. En effet, le règlement CE 1400/2002 autorise explicitement les accords de gamme dans le secteur de l'automobile.

Par ailleurs, interdire les accords de gamme reviendrait à mettre notre pays en contradiction avec le principe de la liberté du commerce, reconnu par la Constitution et par les traités européens. Cette interdiction serait donc probablement non constitutionnelle.

Tous ces arguments devraient vous conduire à conserver l'équilibre du texte qui vous est soumis et qui répond à vos souhaits de manière proportionnée. Comme vous, le Gouvernement s'efforce de lutter contre les abus. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, il fait de la lutte contre le recours abusif aux accords de gamme une des dispositions phares de la nouvelle réglementation qu'il souhaite mettre en place.

Mais n'allons pas au-delà du bon sens. Restons en à l'équilibre qui a été trouvé dans le projet de loi. Le Gouvernement vous démontrera, en s'appuyant sur les résultats des contrôles qu'il fera effectuer, que la disposition qu'il vous présente répond bien à vos souhaits.

Tels sont les arguments qui motivent l'avis défavorable du Gouvernement sur l'amendement n° 182 rectifié.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 297, pour les raisons qu'a fort bien expliquées M. le rapporteur.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 62 rectifié.

L'amendement n° 295 pourrait, s'il était adopté, soulever des difficultés d'application du fait de l'obligation préalable d'identifier un abus au sens du 7° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce.

En outre, il est superfétatoire, monsieur Raoul, puisque l'abus de puissance d'achat visé au 1° du II du même article permet déjà d'appréhender le cas des compensations abusives.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 296. Certes, il est sensible aux souhaits des sénateurs d'améliorer l'impact des décisions de justice en les faisant porter à la connaissance du public et des consommateurs, mais il convient d'être conscient des risques qui pourraient découler de la publication de décisions non définitives au regard des intérêts commerciaux si l'entreprise n'est finalement pas condamnée. C'est la raison pour laquelle je demande également le retrait de cet amendement.

Enfin, le Gouvernement a émis un avis favorable sur l'amendement n° 63 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Monsieur le président, la brillante démonstration de M. le ministre concernant les accords de gamme ne peut qu'interpeller la commission. Certains arguments sont imparables.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je suis favorable aux amendements de MM. Vial et Adnot et je souhaite que tous deux puissent s'exprimer, même si M. Adnot a accepté, sur ma demande, de retirer l'amendement n° 364 rectifié au profit de l'amendement n° 182 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Les arguments et la démonstration de M. le ministre nous éclairent incontestablement sur des difficultés réelles. J'avoue que je ne disposais pas de tous les éléments qu'il a évoqués.

M. le ministre a pris l'engagement de faire procéder à des contrôles et de tenir le Sénat informé des abus qui auront été constatés. Or notre démarche est motivée par la répression des abus. C'est la raison pour laquelle j'ai soutenu l'amendement n° 182 rectifié, qui vise à interdire les accords de gamme. Il semble toutefois que l'interdiction de ce type d'accord engendre des effets pervers que nous ne soupçonnions pas.

A ce point du débat, monsieur le président, il me paraît souhaitable que les auteurs des amendements n° 364 rectifié et 182 rectifié puissent s'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je vous rassure, monsieur le rapporteur, ils pourront faire connaître leur position.

Monsieur Texier, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 132 rectifié bis dans le sens suggéré par M. le ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Texier

Oui, monsieur le président, je rectifie l'amendement pour tenir compte des observations de M. le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis donc saisi d'un amendement n° 132 rectifié ter, présenté par MM. Mortemousque, Poniatowski, Braye, Carle et Hérisson, Mme Lamure, MM. Revet, Bertaud, Faure, Barraux, Leroy, Texier et Fouché, et qui est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après l'article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les chambres consulaires peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constitutifs d'infractions aux prescriptions du titre IV du livre IV du code de commerce et portant un préjudice direct à l'un de leurs ressortissants. Elles peuvent exercer les mêmes droits en ce qui concerne les faits constitutifs de ces mêmes infractions et portant un préjudice direct ou indirect aux missions qui leur sont reconnues. »

Quel est l'ais de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Cet amendement, monsieur Texier, pose problème.

En effet, on ne peut accepter que les chambres consulaires puissent ester en justice pour assurer la protection de ceux de leurs ressortissants qui sont victimes de pratiques commerciales interdites ou encadrées : ce rôle est celui des organisations professionnelles. Et certaines organisations professionnelles ne souhaitent pas que les chambres de commerce s'arrogent le droit de représenter les entreprises.

Les chambres de commerce représentent les entreprises ; les organisations professionnelles défendent les intérêts des entreprises et ont le pouvoir d'ester en justice. Je crains un mélange des genres qui prêterait vraiment à confusion.

Je vous demande donc instamment, monsieur Texier, de bien vouloir retirer votre amendement. A défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote sur l'amendement n° 182 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

M. Jean-Pierre Vial. J'ai été très sensible à vos observations, monsieur le ministre, mais vous ne m'avez pas du tout convaincu.

M. le ministre sourit

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Ainsi le fabricant de filtres à tisanes de l'Aisne que vous avez évoqué peut-il être tout à fait rassuré sur la disposition prévue à l'article 32 - « Le fait de subordonner, au titre d'un accord de gamme, l'exposition à la vente de plus d'un produit à l'octroi d'un avantage quelconque peut constituer un abus de puissance de vente ; ». Il est en effet question de « plus d'un produit ». S'agissant de ce type de produit, j'imagine mal que cela puisse poser une difficulté.

En ce qui concerne les concessionnaires automobiles, je n'ai pas du tout compris pourquoi un concessionnaire Citroën pourrait se voir reprocher un accord de gamme parce qu'il aurait proposé à la vente par accident une Toyota ! Il me faudrait donc un peu plus d'explications pour comprendre la logique du raisonnement, monsieur le ministre.

En ce qui concerne les opérateurs et les distributeurs de téléphonie mobile, la situation est simple. Certains distributeurs sont concessionnaires d'une marque. Ainsi les concessionnaires Telefónica ne vendent-ils que des produits certifiés Telefónica et fabriqués pour le compte de cet opérateur. D'autres vendent toutes les marques de téléphones portables.

Les exemples que vous avez donnés, monsieur le ministre, pourraient par exception relever de l'article 32, mais nous sommes loin de l'article 32, qui vise des situations très précises.

Monsieur le ministre, lorsque je l'ai lu pour la première fois le texte sur les marges arrière, j'avais une position radicale. En effet, tout le monde le reconnaît, les marges arrière constituent, qu'on le veuille ou non, un dévoiement de la loi Galland. Mais, lors de la discussion générale, monsieur le ministre, vous avez déclaré que, compte tenu de l'importance prise par les marges arrière - elles représentent de 30 % à 40 % des marges -, il fallait procéder de façon pragmatique et par étape, ce en quoi vous avez raison. Les expériences d'autres pays ont en effet montré que, en procédant brutalement, on déréglait le mécanisme au lieu de le réguler.

En revanche, pour les accords de gamme, qui sont, je le rappelle, des contreparties que se font concéder les fournisseurs, la position la plus radicale s'impose, car, à défaut, c'est la disparition de la concurrence. En effet, un fournisseur de produits frais à qui l'on demande des ristournes au titre des marges arrière - je ne citerai pas de nom - demandera des linéaires en compensation. Il sera tenté d'en obtenir le plus grand nombre possible afin de détruire la concurrence, celle des PMI - PME, et de se refaire une marge.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Pour récupérer les marges qu'on leur prend, les fournisseurs ont deux possibilités : soit dégrader leur produit, soit tenter de faire disparaître la concurrence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Le premier effet des accords de gamme est donc de tuer la concurrence.

Le deuxième effet de ces accords est de tuer l'innovation ; les chiffres sont dans le rapport. L'innovation relève plus des PMI-PME - et l'exemple que vous avez donné tout à l'heure le démontre, monsieur le ministre, - que des grands distributeurs.

En outre, troisième effet, monsieur le ministre, l'emploi est aussi dans les PMI-PME. Les grands distributeurs - on pourrait les citer - se comptent sur les doigts d'une main et sont tous des sociétés « OPAbles », qui peuvent donc, à tout moment, passer sous contrôle étranger. Les PMI-PME se comptent, elles, par centaines et représentent des milliers d'emplois français.

Quant à l'argument européen, j'avoue que nous avons appris à le relativiser.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Je suis convaincu que mes collègues, notamment Philippe Adnot, pourraient vous donner d'autres exemples.

Il nous faut aujourd'hui défendre l'article 32, quitte, peut-être, à le compléter en commission mixte paritaire. J'en conviens, monsieur le ministre : cet article peut être enrichi, mais il ne peut en aucun cas être supprimé !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote sur l'amendement n° 182 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Je souscris aux excellents propos de mon collègue.

Monsieur le ministre, nous connaissons votre talent, mais pourquoi feindre de ne pas connaître le problème qui se pose à l'heure actuelle ?

Ce n'est pas parce qu'une commission n'est pas parvenue à trouver une solution à un problème réel, qui, tous les jours, se traduit par une somme de contraintes pour les PME et met leur existence même en danger, que nous allons attendre des mois avant de le régler !

Nous vous proposons aujourd'hui de voter l'amendement n° 182 rectifié. Nous aurons ensuite le temps, en commission mixte paritaire, de trouver des aménagements permettant de régler les problèmes des filtres à café et des voitures !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur le ministre, ces arguments vous ont-ils convaincu ?

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Je crains au contraire qu'ils ne m'aient renforcé dans ma conviction initiale, monsieur le président !

On tente en effet de faire croire que le Gouvernement n'aurait pas l'intention de lutter contre le abus en matière d'accords de gamme que M. Vial vient de dénoncer et dont nous avons tous des exemples en tête. Je pense notamment à une célèbre marque de fromage, très forte - aussi forte que ses fromages !- pour négocier des accords de gamme qui ont la particularité d'évincer des linéaires les autres marques de fromage. Et je pourrais citer bien d'autres exemples encore.

Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement a bien l'intention d'empêcher de tels abus.

Permettez-moi de vous relire la phrase que nous insérons, par l'article 32, dans l'article L. 442-6 du code de commerce : « Le fait de subordonner, au titre d'un accord de gamme, l'exposition à la vente de plus d'un produit à l'octroi d'un avantage quelconque peut constituer un abus de puissance de vente ; ».

Dans ce « peut constituer », il y a tout le pouvoir d'appréciation du juge, qui est la règle aujourd'hui en France. Ce pouvoir n'est en rien choquant : le juge n'a pas compétence liée et doit apprécier s'il y a eu ou non abus de puissance de vente.

En outre, monsieur Vial, vous ne m'avez pas convaincu sur l'innovation et les PME.

Je le dis avec beaucoup de gravité, nous voulons que nos PME grandissent. La plupart du temps, une PME, c'est une idée et un produit phare. Ce produit se fraye un chemin jusqu'au consommateur et remporte un certain succès. Mais, si elle souhaite grandir, l'entreprise doit inventer d'autres produits. Faire figurer ces produits dans un accord de gamme est un très bon moyen de les faire connaître des consommateurs. Pourquoi pénaliser les PME innovantes ?

J'en suis certain, si l'amendement n° 182 rectifié était adopté, les organisations représentatives des PME elles-mêmes protesteraient, et nous en avons déjà rencontré un certain nombre.

Ensuite, vous me dites, monsieur le sénateur, s'agissant des voitures et des téléphones portables, qu'il n'y a pas de problème, qu'il est possible de vendre ce que l'on veut. Mais, pour un concessionnaire, l'accord de gamme est une obligation ! Le concessionnaire automobile est obligé de vendre l'ensemble d'une gamme. Dans le secteur de la téléphonie mobile, on peut, bien sûr, vendre ce que l'on veut, mais les accords de gamme prévoient des remises et donc un seuil de revente à perte plus bas. C'est ce qui permet de vendre des produits moins chers et d'ouvrir de nouveaux marchés aux consommateurs.

Pour lutter contre des pratiques abusives, que le texte du Gouvernement vise d'ailleurs à réprimer, vous utilisez un énorme marteau, monsieur le sénateur, et, en le laissant retomber, vous écraserez, par inadvertance, j'en suis convaincu, un assez grand nombre d'autres activités, qui, elles, méritent d'être protégées.

Je note d'ailleurs que M. Texier a déposé un autre amendement visant à ce que l'interdiction des accords de gamme ne s'applique pas aux constructeurs automobiles. Cela prouve bien qu'il partage mon raisonnement !

Je suis sans illusion sur la puissance de feu de la commission des affaires économiques et des sénateurs, mais je souhaite attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les conséquences de l'adoption d'une interdiction radicale de tout accord de gamme dans notre pays, ne serait-ce qu'au regard du droit européen, qui garantit la liberté du commerce et de la concurrence.

M. Jean Desessard s'esclaffe

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Je suis vraiment inquiet, et je vous le dis non pas en tant que ministre mais en tant qu'élu, de voir à quel point le corporatisme et le protectionnisme sont, dans notre pays, en train de gagner du terrain, des « parts de marché » pourraient-on dire. Partout, aujourd'hui, les acteurs économiques, qu'ils soient ou non producteurs, défendent leurs parts de marché comme s'il fallait les protéger, les « cartelliser », les enfermer dans le droit de façon à éviter la concurrence.

Nous avons construit la prospérité de l'Union européenne, de notre pays, sur la concurrence libre et non faussée. Nous partageons ces valeurs. Aujourd'hui, elles sont partout attaquées et battues en brèche.

Que certains, attachés à un modèle ancien, ...

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

... dans lequel l'économie n'était pas libre, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Ne cherchez pas un épouvantail parce que vous n'avez pas de solution !

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

... dans lequel il y avait des magasins d'Etat, défendent ce système, libre à eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Ne cherchez pas à vous défausser ! Vous êtes en panne d'idées !

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

En revanche, pour ce qui est de notre économie, il faut lui laisser de la liberté, en particulier pour nos PME, qui ont besoin de pouvoir disposer d'outils commerciaux adaptés à leur développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

M. le ministre est très brillant dans ses explications, mais il me faut tout de même le contredire sur ce dossier capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce n'est pas parce qu'il est brillant qu'il dit la vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Vous avez fait référence, pour en tirer argument, monsieur le ministre, à un amendement de M. Texier, mais, et j'en suis désolé, nous ne devons pas avoir la même lecture d'un amendement que j'ai quelque raison de connaître. Je suis en effet président du groupe d'études sur l'automobile et M. Texier, vice-président.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

M. Gérard Cornu, rapporteur. Vous ne pouvez donc pas me suspecter d'être hostile aux concessionnaires automobiles et à l'industrie automobile !

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Dutreil, ministre

Ils sont bien défendus !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

J'ai bien vérifié que l'amendement n° 182 rectifié ne pouvait en aucun cas s'appliquer aux constructeurs automobiles.

J'ai étudié la réglementation communautaire : elle soustrait déjà les produits commercialisés dans le cadre de réseaux intégrés aux dispositions nationales relatives aux accords de gamme.

En vertu d'un double principe de droit, la norme particulière l'emporte sur la norme générale ; la norme de droit communautaire prévaut sur celle de droit interne.

Monsieur le ministre, nous vous aimons bien, vous êtes brillant, mais vous ne pouvez pas agiter l'épouvantail des concessionnaires automobiles.

Je souhaitais également rassurer M. Texier : si M. Vial ne retire pas l'amendement n° 182 rectifié, je précise de nouveau que la commission y est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Pour vous en sortir, monsieur le ministre, il faut que vous sous-amendez pour le secteur automobile !

L'amendement est adopté à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 97 rectifié est retiré.

La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 297.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je voudrais simplement attirer l'attention de M. le ministre et de M. le rapporteur sur la relation du paragraphe II de l'article 32 du projet de loi avec le droit européen. Une neutralité technologique devrait être absolument préservée. D'ailleurs, lors de la transposition de la directive concernant le « paquet Télécom » et l'économie numérique, ce problème avait déjà été abordé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En déposant l'amendement n° 297, nous souhaitions défendre la neutralité du support technologique. En le rejetant, vous condamnez l'avenir en pénalisant le support lui-même. L'inconvénient majeur sera de dissuader les opérateurs d'utiliser les outils de la modernité.

Par ailleurs, je n'ai pas très bien compris la rédaction de l'amendement n° 62 rectifié, qui porte sur le même sujet : elle me semble ambiguë. Je ne sais pas si cette disposition durcit ou assouplit la position initiale. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous me fournir des explications sur ce point ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Comprenons bien la rectification qui a été apportée à l'amendement n° 62.

La commission avait initialement fixé la durée minimale du préavis en cas de rupture de la relation commerciale au double de celle résultant de l'application des dispositions de le II de l'article 32, ce qui faisait, en cas de rupture des relations commerciales entre un distributeur et un fournisseur au terme d'une coopération de deux ans, un préavis de quatre ans !

Aux termes de l'amendement n° 62 rectifié, cette durée est ramenée à un an. En revanche, si le préavis initial est de moins de six mois, la durée minimale de préavis sera alors du double.

Une telle mesure assouplit donc le dispositif et correspond plus à la réalité.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 32 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous en revenons à l'article 26, précédemment réservé.

La dernière phrase du second alinéa de l'article L. 420-2 du code de commerce est remplacée par les dispositions suivantes :

« Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au 1° du I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 365 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Desmarescaux, MM. Masson, Türk, Baudot, Besse, Gaillard, Gouteyron, Karoutchi et du Luart, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 388, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après le deuxième alinéa () du I de l'article L. 442-6 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° de conclure des accords de gamme ; ».

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

L'article 26 du projet de loi vise à considérer les accords de gamme comme étant de potentiels abus de position dominante, répréhensibles par le juge de la concurrence.

Nous souscrivons à l'objectif du Gouvernement qui est de limiter ces pratiques constituant de véritables entorses à la libre concurrence, comme nous venons de le voir. En effet, les accords de gamme permettent à un fournisseur de faire une remise au distributeur s'il consent à acheter l'ensemble ou la majeure partie de ses produits. Ces pratiques favorisent essentiellement les fournisseurs les plus importants, ceux qui disposent effectivement d'une gamme de produits avec un produit phare.

Cependant, la majeure partie des PME, qui ont aujourd'hui du mal à imposer leurs produits face aux géants de l'agroalimentaire, ne peuvent pas prétendre à ce type d'accord, n'ayant pas une gamme de produits ou, en tout cas, le même rapport de force.

Ainsi, alors que ce projet de loi prétend permettre le développement des PME, cette mesure apparaît contestable parce qu'elle entérine ce type de pratiques jugées répréhensibles, sauf si elles présentent un caractère abusif.

Cependant, la mise en oeuvre de cet article serait extrêmement délicate. En effet, le juge saisi d'un recours devrait déterminer si l'abus de position dominante est caractérisé au regard de deux critères : l'exploitation abusive, par une entreprise vendeuse, de l'état de dépendance économique d'une entreprise acheteuse, et l'affectation de fonctionnement ou de la structure de la concurrence par cette exploitation abusive.

Ces deux critères étant pour le moins évasifs, on laisse ainsi une marge d'appréciation très importante au juge de la libre concurrence. De plus, qui ira devant le juge pour contester ces pratiques ?

Dans le rapport de la commission des affaires économiques, il est indiqué que chacun des cocontractants trouve son avantage dans ce type de pratique.

Effectivement, il existe un intérêt commun entre les fournisseurs les plus importants et la grande distribution : la création d'un monopole privé. Le fournisseur vend plus de produits et l'acheteur peut à son tour les revendre moins cher.

Face à cette situation, quelle PME ira contester cet état de fait en engageant une procédure longue et coûteuse au cours de laquelle elle devra apporter la preuve de l'abus de position dominante ?

De surcroît, le juge de la concurrence, comme l'on s'en doute, apprécie de manière extrêmement limitative cette entorse au droit de la concurrence.

D'autre part; ces pratiques, loin d'encourager la diversité des fournisseurs dans les rayons des grandes surfaces, permettent une uniformisation des grandes surfaces, où seulement quelques marques phares proposeraient l'ensemble des produits.

Le distributeur qui, grâce à cette pratique, pourrait obtenir des prix préférentiels, n'aurait pas intérêt à solliciter d'autres fournisseurs. Au surplus, ces prix préférentiels feront inévitablement baisser l'ensemble des prix sur une même catégorie de produits en faisant baisser le seuil de revente à perte.

Pour toutes ces raisons, nous préférons à un encadrement juridique peu contraignant l'interdiction pure et simple des accords de gamme, seule à même de garantir l'égalité entre l'ensemble des fournisseurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 340, présenté par M. Texier, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer la dernière phrase du second alinéa de l'article L. 420-2 du code de commerce par un alinéa ainsi rédigé :

« Ne sont pas constitutifs d'abus au titre du présent alinéa les accords de gamme qui résultent de l'application de catégories d'accords ou d'accords autorisés au titre de l'article L. 420-4 ou au titre de l'article 81, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté européenne ».

La parole est à M. Yannick Texier.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Texier

L'article 26 vise à mieux encadrer les pratiques dites des « accords de gamme » en sanctionnant celles qui présentent un caractère abusif. Il mentionne explicitement les accords de gamme potentiellement abusifs, que le juge est habilité à prohiber.

En effet, certaines dérives ont cours dans la grande distribution, des grands fournisseurs limitant ou interdisant même l'accès de leurs concurrents aux linéaires, c'est-à-dire la présentation des produits à la vente, en particulier ceux des PME.

Toutefois, il convient de préciser la notion d'accord de gamme et de tenir compte de la spécificité de produits particuliers comme les produits des réseaux intégrés, tels que les franchises de marques ou la distribution automobile - voitures et équipements -, régis par le règlement 1400/2002, évoqué par M. le ministre, qui interdit d'imposer l'exposition de la gamme complète lorsque le concessionnaire est multimarque. En revanche, ce règlement autorise d'imposer aux concessionnaires l'obligation de proposer à la vente toute la gamme du constructeur.

On comprend que les réseaux intégrés ne souhaitent pas que l'adoption de l'article 26 puisse modifier ce dispositif, qui doit rester en vigueur. Il importe donc de rappeler l'exclusion du champ d'application de l'article 26 des accords de gamme résultant de l'application de catégories d'accords ou d'accords autorisés au titre de l'article L. 420-4 du code de commerce et au titre de l'article 81, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Monsieur Le Cam, l'amendement n° 388 est satisfait en raison du vote, à l'unanimité, qui est intervenu précédemment. Je vous demande donc de le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

J'ai en effet satisfaction, et je retire l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 388 est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Monsieur Texier, je vous remercie de vous préoccuper du secteur automobile, très important dans votre département, et de le défendre. Mais, l'amendement n° 340 que vous avez déposé étant satisfait, je vous demande également de bien vouloir le retirer.

L'article 26 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.