Je crains au contraire qu'ils ne m'aient renforcé dans ma conviction initiale, monsieur le président !
On tente en effet de faire croire que le Gouvernement n'aurait pas l'intention de lutter contre le abus en matière d'accords de gamme que M. Vial vient de dénoncer et dont nous avons tous des exemples en tête. Je pense notamment à une célèbre marque de fromage, très forte - aussi forte que ses fromages !- pour négocier des accords de gamme qui ont la particularité d'évincer des linéaires les autres marques de fromage. Et je pourrais citer bien d'autres exemples encore.
Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement a bien l'intention d'empêcher de tels abus.
Permettez-moi de vous relire la phrase que nous insérons, par l'article 32, dans l'article L. 442-6 du code de commerce : « Le fait de subordonner, au titre d'un accord de gamme, l'exposition à la vente de plus d'un produit à l'octroi d'un avantage quelconque peut constituer un abus de puissance de vente ; ».
Dans ce « peut constituer », il y a tout le pouvoir d'appréciation du juge, qui est la règle aujourd'hui en France. Ce pouvoir n'est en rien choquant : le juge n'a pas compétence liée et doit apprécier s'il y a eu ou non abus de puissance de vente.
En outre, monsieur Vial, vous ne m'avez pas convaincu sur l'innovation et les PME.
Je le dis avec beaucoup de gravité, nous voulons que nos PME grandissent. La plupart du temps, une PME, c'est une idée et un produit phare. Ce produit se fraye un chemin jusqu'au consommateur et remporte un certain succès. Mais, si elle souhaite grandir, l'entreprise doit inventer d'autres produits. Faire figurer ces produits dans un accord de gamme est un très bon moyen de les faire connaître des consommateurs. Pourquoi pénaliser les PME innovantes ?
J'en suis certain, si l'amendement n° 182 rectifié était adopté, les organisations représentatives des PME elles-mêmes protesteraient, et nous en avons déjà rencontré un certain nombre.
Ensuite, vous me dites, monsieur le sénateur, s'agissant des voitures et des téléphones portables, qu'il n'y a pas de problème, qu'il est possible de vendre ce que l'on veut. Mais, pour un concessionnaire, l'accord de gamme est une obligation ! Le concessionnaire automobile est obligé de vendre l'ensemble d'une gamme. Dans le secteur de la téléphonie mobile, on peut, bien sûr, vendre ce que l'on veut, mais les accords de gamme prévoient des remises et donc un seuil de revente à perte plus bas. C'est ce qui permet de vendre des produits moins chers et d'ouvrir de nouveaux marchés aux consommateurs.
Pour lutter contre des pratiques abusives, que le texte du Gouvernement vise d'ailleurs à réprimer, vous utilisez un énorme marteau, monsieur le sénateur, et, en le laissant retomber, vous écraserez, par inadvertance, j'en suis convaincu, un assez grand nombre d'autres activités, qui, elles, méritent d'être protégées.
Je note d'ailleurs que M. Texier a déposé un autre amendement visant à ce que l'interdiction des accords de gamme ne s'applique pas aux constructeurs automobiles. Cela prouve bien qu'il partage mon raisonnement !
Je suis sans illusion sur la puissance de feu de la commission des affaires économiques et des sénateurs, mais je souhaite attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les conséquences de l'adoption d'une interdiction radicale de tout accord de gamme dans notre pays, ne serait-ce qu'au regard du droit européen, qui garantit la liberté du commerce et de la concurrence.