On a un peu l'impression que, lorsqu'il s'agit de la grande distribution, tout est critiquable, mais que, lorsqu'il s'agit de l'industrie, tout est louable.
Le raisonnement que vous développez, monsieur le sénateur, pourrait tout à fait être transposé au secteur de l'automobile. Que font les constructeurs automobiles français qui s'implantent dans des pays émergents, sinon du sourcing ? Ils recourent soit à la main-d'oeuvre locale - ce qui semble assez logique lorsqu'ils produisent sur place - soit à des sous-traitants locaux. Personne ne déplore cette situation, qui profite d'ailleurs grandement à nos constructeurs automobiles : ils trouvent de nouveaux consommateurs et, dans le même temps, développent leurs propres installations, leurs centres de recherche et mobilisent leurs ingénieurs en France même, là où les projets sont conçus.
Nous devons autant que possible faire preuve d'une certaine neutralité vis-à-vis des stratégies des grands groupes français et non sombrer dans la facilité en faisant systématiquement de la grande distribution l'éternel mouton noir.
Nous sommes ici pour sanctionner des pratiques de la grande distribution lorsque c'est nécessaire. Faisons-le avec réserve et reconnaissons que notre pays a bénéficié du développement de ce modèle de commerce : si, aujourd'hui, un certain nombre de PME accèdent à des marchés nouveaux, c'est parce qu'elles sont entraînées dans le sillage de commerçants qui y sont déjà installés.
C'est tout particulièrement le cas en Chine. Monsieur le sénateur, peut-être avez-vous eu l'occasion d'y visiter une grande surface dont l'enseigne n'était pas sans vous rappeler une enseigne familière : vous y aurez alors découvert des produits français. Sans cette enseigne, ces produits, surtout s'ils proviennent de PME, n'auraient pu ni être exportés ni atteindre aussi facilement les consommateurs locaux !
En France, on désigne facilement le commerçant comme le coupable. Il l'est parfois et, dans ce cas-là, il faut le sanctionner. Pour autant, il ne faut pas faire deux poids deux mesures et approuver la stratégie des groupes français qui essaient de s'installer dans des pays émergents quand il s'agit de groupes industriels et la désapprouver lorsqu'il s'agit de la grande distribution.
Notre intérêt est d'avoir, dans tous les secteurs, des groupes français dynamiques, entreprenants, qui favorisent l'exportation des marques françaises, des produits français, y compris ceux des PME.
Monsieur le sénateur, vous le savez bien, nous n'exportons pas assez. C'est même notre problème ! Ne laissons pas les Français croire qu'il n'est pas bon qu'une entreprise française s'installe à l'étranger. Au contraire, aujourd'hui, notre économie doit développer tout ce qui favorise l'exportation des produits français.