En effet, non seulement le nombre de personnes dépendantes va augmenter, mais la montée des exigences en matière de qualité des prestations va également impliquer un accroissement des besoins en personnels qualifiés et une modernisation des structures d'accueil, autant de choses qui ont un coût en termes tant d'investissements que de fonctionnement.
La multiplicité des acteurs et la complexité des circuits de financement ont longtemps caché l'ampleur de l'effort déjà consenti pour la dépendance.
Avec son rapport sur les personnes âgées dépendantes, la Cour des comptes est à ma connaissance la première à s'être livrée à une tentative de chiffrage. Se fondant sur les données de l'exercice 2003, elle a estimé la dépense publique annuelle consacrée aux personnes âgées dépendantes à 15, 5 milliards d'euros, soit un peu plus de 1 % du produit intérieur brut.
Aujourd'hui, cette enveloppe peut même être majorée d'environ 1, 2 milliard d'euros, notamment grâce aux nouvelles sources de financement dégagées par la loi de 2004 créant la journée de solidarité.
Selon la Cour des comptes, sous l'effet cumulé de la démographie et de l'amélioration du service rendu, l'effort financier produit en 2003 pourrait aller jusqu'à doubler et atteindre ainsi, d'ici à 2020, plus de 30 milliards d'euros hors inflation, ce qui n'est pas rien.
Le coût de la seule allocation personnalisée d'autonomie progresserait de près 200 millions d'euros par an, pour dépasser 6 milliards d'euros en 2020 au lieu de 3, 2 milliards d'euros en 2003.
Encore cette hypothèse apparaît-elle comme relativement modérée, alors que les toutes dernières données disponibles font apparaître que nous frôlons le million de bénéficiaires pour une dépense d'APA de quelque 4 milliards d'euros.
Cela étant, le Gouvernement n'est pas resté inerte. Les réformes intervenues ces dernières années pour répondre aux défis de la dépendance ont été substantielles, qu'il s'agisse de la création de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de celle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, nouvelle pierre apportée à notre édifice social par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui a permis de sécuriser et de pérenniser le financement de l'APA.
La Cour des comptes, dans un rapport de juillet 2006, a salué le travail de cet organisme qui gère dans une parfaite transparence les ressources financières issues de la journée de solidarité et assure l'égalité de traitement des patients sur tout le territoire.
L'année écoulée a également vu la mise en place du plan « Solidarité grand âge » en faveur des personnes âgées dépendantes, annoncé par le Premier ministre à Bergerac, le 26 mai dernier, plan qui propose un effort réel en direction de ce public. Vous en avez rappelé les principaux éléments, monsieur le ministre.
Le plan « Solidarité grand âge » trouve sa traduction législative et financière dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, avec la mobilisation de moyens importants.
L'objectif global des dépenses, qui regroupe les financements consacrés aux établissements et services concernant les personnes âgées, augmentera de plus de 13 % en 2007 - bien plus que l'ONDAM soins de ville et l'ONDAM hôpital - pour atteindre 5, 6 milliards d'euros, dont 4, 7 milliards d'euros au titre de la contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour les personnes âgées, le solde provenant d'une dotation versée par la CNSA.
Ce sont ainsi 649 millions d'euros supplémentaires qui seront consacrés en 2007 à la prise en charge médicalisée du grand âge dans les établissements et services médico-sociaux, confortant l'augmentation de 587 millions d'euros déjà consentie en 2006.
Pour remarquable qu'il soit, cet effort doit cependant être mis en regard de l'enjeu financier décrit dans le rapport de la Cour des comptes, à savoir un doublement de l'effort public de financement à l'échéance 2020 - en moins de quinze ans, donc -, qui suppose des taux de croissance de l'objectif global de dépenses durablement supérieurs, voire nettement supérieurs, au taux de progression de l'ONDAM.
On peut douter parallèlement que les départements, confrontés à la croissance d'autres demandes à caractère social, le RMI notamment, soient nombreux à pouvoir solliciter davantage leurs ressources fiscales.
C'est presque un cri d'alarme qu'ont lancé certains présidents de conseils généraux, qui se demandent comment ils vont bien pouvoir faire face à cette évolution exponentielle des dépenses. Même s'ils l'appellent de leurs voeux, ils ne croient pas à une contribution supplémentaire de l'État.
Nous ne pensons pas que le seul produit de la CNSA, qui devra également faire face aux besoins de financement de la politique des handicapés, notamment de l'allocation de compensation, permettra de dégager des revenus à la hauteur des besoins tels qu'ils apparaîtront en 2020.
Les exemples étrangers incitent au même pessimisme prudent. L'Allemagne, souvent citée pour la précocité de son engagement, sur la base, il est vrai, d'une situation démographique bien plus défavorable que la nôtre, de sorte qu'il y avait urgence à intervenir, demeure ainsi confrontée à des difficultés importantes dont elle peine à se dégager.
Nos voisins d'outre-Rhin ont, vous le savez, opté dès 1994 pour la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, idée dans laquelle certains voient la recette miraculeuse qui va régler tous les problèmes.
En Allemagne, cette cinquième branche est financée par une assurance dépendance obligatoire, prélevée sous forme de cotisation versée à parité auprès des employeurs et des employés, et couvre environ 90 % de la population.
Une partie du financement provient également, comme en France, de la suppression d'un jour férié.
La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale que j'ai l'honneur de présider s'est rendue à Berlin au printemps dernier pour étudier les mutations de la protection sociale allemande.
Après avoir auditionné de nombreuses personnalités allemandes, au niveau tant de la Chancellerie que du ministère de la santé, la mission a pu constater que, après un démarrage très prometteur du dispositif du cinquième risque, le régime public d'assurance dépendance s'est enfoncé depuis 2002 dans des déficits considérables, au point même d'absorber la totalité des sommes que le Gouvernement allemand avait placées sur un fonds de réserve initialement destiné à assurer la viabilité à long terme du système.
Cette expérience rappelle celle du fonds de réserve pour les retraites qui avait été créé sous le gouvernement Jospin et qui devait permettre de « lisser » l'augmentation des cotisations pour alimenter le financement des retraites. Nous savons ce qu'il en est aujourd'hui ...