Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui se tient aujourd'hui présente un intérêt tout à fait particulier dans la mesure où, comme l'ont dit tous les orateurs qui se sont exprimés avant moi, il nous permet de faire le point sur un sujet qui ne fera que prendre de l'importance et qui est « en marge » du projet de loi de financement de la sécurité sociale : la prise en charge de la dépendance.
Les enjeux sont en effet considérables. Dans un rapport de novembre 2005 consacré aux personnes âgées dépendantes, déjà cité par Alain Vasselle, la Cour des comptes estimait que le nombre de personnes très dépendantes passerait de 796 000 personnes en 2000 à un million de personnes en 2020 et à 1, 22 million de personnes en 2040, et ces chiffres seraient même légèrement dépassés.
Il convient toutefois de rappeler que la dépendance ne concerne pas que les personnes âgées, mais que l'on inclut également dans cette catégorie les personnes handicapées.
Le coût de la prise en charge de la dépendance devrait donc connaître une croissance forte, et il a déjà commencé d'augmenter, ce à quoi le rapporteur pour avis de la commission des finances que je suis ne peut qu'être sensible.
On rappellera en effet que les aides accordées aux personnes dépendantes se sont développées ces dernières années : au 30 juin 2006, 971 000 personnes bénéficiaient ainsi de l'allocation personnalisée pour l'autonomie, qui a succédé à la prestation spécifique dépendance - pour un montant moyen de 476 euros à domicile et de 402 euros en établissement.
Les conseils généraux prennent en charge l'essentiel de cette allocation : ils versent en moyenne 398 euros dans le cas des personnes à domicile et 274 euros dans le cas des personnes en établissement.
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a également contribué à améliorer le traitement de la prise en charge du handicap, en créant notamment la prestation de compensation du handicap.
Enfin, la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a institué la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, financée notamment par le produit d'une contribution dite de solidarité de 0, 3 %, portant sur les mêmes revenus que ceux qui sont assujettis aux cotisations d'assurance maladie et de 0, 3 % sur les revenus du patrimoine et des placements.
Je voudrais, après avoir brossé ce très rapide tableau, insister sur deux points : le coût de la prise en charge de la dépendance et l'organisation de cette prise en charge.
Le fascicule bleu « solidarité et intégration » du projet de loi de finances chiffre au total la dépense publique en faveur des personnes dépendantes à 46, 66 milliards d'euros en 2006.
L'État couvrirait ainsi 21, 1 % de la dépense totale, avec une participation de 9, 84 milliards d'euros, la sécurité sociale 55, 5 %, avec 25, 91 milliards d'euros, les départements 16, 3 %, avec 7, 62 milliards d'euros, les crédits propres de la CNSA 6, 2 %, avec 2, 87 milliards d'euros, et l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, 0, 9 %, soit 420 millions d'euros
Encore faut-il préciser que ces données ne concernent que les crédits accordés et ne prennent pas en compte les dépenses fiscales. Or celles-ci sont de plus en plus importantes. En effet, le fascicule bleu « solidarité et intégration » fait apparaître un montant de dépenses fiscales directement liées à la prise en charge de la dépendance évalué à 5, 27 milliards d'euros. Il convient d'y ajouter 4, 79 milliards d'euros de dépenses fiscales, qui contribuent à la prise en charge de la dépendance sans que ce soit leur objet principal
Le coût pour les finances publiques est donc déjà très lourd, et il ne pourra que croître, compte tenu des évolutions démographiques attendues. Il pèse déjà fortement sur les comptes publics, notamment sur les marges de manoeuvre des conseils généraux.
La question que je me pose est donc simple : jusqu'à quel point la collectivité peut-elle prendre en charge la dépendance ? Qu'est-ce qui doit être du ressort de la collectivité ? Qu'est-ce qui doit demeurer à la charge des personnes concernées ?
Cette problématique est très proche de celle qu'abordait notre collègue Alain Vasselle par le biais de son amendement sur l'assurance dépendance.
J'observe également que M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, prônait dans un récent rapport sur l'épargne retraite de « conjuguer la couverture du risque dépendance avec le développement de l'épargne retraite ».
S'il ne s'agit pas de trancher l'ensemble de ces questions dès aujourd'hui, ce débat doit être l'occasion pour chacun d'entre nous de prendre la mesure des enjeux et de faire avancer les réflexions.
Le second point sur lequel je voudrais insister concerne la CNSA. Cette caisse a été présentée, lors de sa création, comme l'émergence d'une « cinquième branche de la protection sociale », et non comme une branche à part entière de la sécurité sociale.
Elle conserve ainsi un statut hybride, comme l'a montré son traitement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En 2005, cette caisse apparaissait au titre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base.
La CNSA a aujourd'hui disparu des tableaux d'équilibre, même si l'on trouve des données la concernant dans les annexes, dans la mesure où elle est désormais un organisme qui reçoit des concours provenant des organismes de sécurité sociale. En l'espèce, elle assure la gestion de l'ONDAM médico-social.
Cette architecture de financement ne simplifie pas la lisibilité globale de notre système de protection sociale et ne favorise pas non plus une répartition claire des responsabilités. Celle-ci ne pourra toutefois apparaître que lorsque sera tranchée la question centrale : quel coût la collectivité est-elle prête à assumer pour la prise en charge de la dépendance, compte tenu de ses autres missions et de ses autres besoins ?
Cette intervention soulève donc plus de questions qu'elle n'apporte de réponses, mais j'estime que cette problématique, qui est au coeur des enjeux de demain, doit faire l'objet d'une importante réflexion, avant que l'on ne fasse des choix pouvant se révéler très coûteux et, finalement, budgétairement insoutenables pour la collectivité.