Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 14 novembre 2006 à 16h10
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Débat sur la prise en charge de la dépendance

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus de trois ans, la canicule tuait quinze mille personnes et mettait gravement en cause la crédibilité des pouvoirs publics dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées.

Le 6 novembre 2003, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin annonçait un plan Vieillissement et solidarité ouvrant des droits garantis en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

Ces droits devaient être garantis par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, elle-même financée par un jour férié travaillé. C'est le lundi de Pentecôte qui fut choisi, sans aucune concertation, ce qui a finalement abouti à une journée de grève et à un absentéisme record.

Devant un tel fiasco, le comité de suivi et d'évaluation de la journée de solidarité préconisa des aménagements. Le nouveau Premier ministre fit alors adopter des circulaires permettant aux employeurs publics et privés de s'organiser librement en 2006. Ainsi, un accord de branche ou d'entreprise peut dorénavant fixer la journée de solidarité à une autre date que la Pentecôte.

Cette solution n'est pas la bonne. Elle génère des inégalités et des confusions, car - ne l'oublions pas ! - toutes les professions ne participent pas à ce geste de solidarité. Les professions libérales par exemple ne sont pas sollicitées. Nous pensons que le jour férié doit être abrogé et remplacé par un prélèvement prenant en compte tous les revenus, comme le fait la CSG. C'est une question de justice sociale.

Le plan Raffarin, qui se voulait historique, a vite montré ses limites en raison de la méthode utilisée, mais aussi et surtout parce que le financement de la CNSA s'est révélé inconséquent. La suppression d'un jour férié n'est en effet pas suffisante pour financer le retard français en matière d'aide aux personnes âgées dépendantes handicapées.

De plus, le dispositif a subi plusieurs amputations puisqu'il a servi au financement de dispositifs décidés antérieurement, comme le plan d'aide aux personnes handicapées - certes indispensable mais qui aurait dû être mis en place grâce à d'autres financements -, ou comme l'aide personnalisée à l'autonomie votée en 2001 !

Depuis sa création, la CNSA a aussi été l'objet de pertes de crédits dues à des désengagements parfois importants de la sécurité sociale ou de l'État. En 2005 par exemple, l'État a fait diminuer l'effort de l'assurance maladie en matière d'aide aux personnes âgées, parallèlement à l'arrivée des crédits liés à la suppression du jour férié. La même année, l'État a utilisé une partie des fonds de la CNSA pour payer les engagements qu'il n'avait pas honorés antérieurement dans ses contrats de plan signés avec les régions. En 2006, l'État a demandé à la CNSA de financer les enquêtes sur les conditions de vie des personnes âgées et handicapées.

Si la CNSA est reconnue depuis sa création comme un véritable lieu de participation, d'échanges et d'information, nous pensons que la tutelle excessive et les pressions exercées par l'État doivent être considérablement allégées, afin de lui permettre de remplir ses missions en toute sérénité.

En mai dernier, le Gouvernement annonçait la mise en oeuvre du plan solidarité grand âge. Vous l'avez ensuite détaillé le 27 juin dernier, en évoquant le lourd défi posé à la France pour les prochaines années par un « tsunami démographique » d'ici à 2015, où le nombre des plus de 85 ans va passer de 1, 1 million à 1, 9 million.

L'objectif de ce plan est d'adapter le dispositif à la diversité des attentes et des besoins des personnes âgées. Il prévoit la création de 25 000 places supplémentaires en maisons de retraite, une augmentation du taux d'encadrement, mais aussi une plus grande possibilité de rester à domicile. Dans cette optique, il envisage la création de 32 000 places de services de soins infirmiers à domicile et de porter le nombre de places en hospitalisation à domicile à 15 000. Pour son financement, l'assurance maladie devra consacrer 2, 3 milliards d'euros de crédits supplémentaires, de manière progressive sur cinq ans.

Les réactions n'ont pas tardé. Les initiateurs de la pétition « Vieillir digne » ont évoqué un plan « largement sous dimensionné » par rapport à l'évolution des besoins. Ils ont trouvé « très étonnant - et même inquiétant - de voir qu'un plan censé être consacré à la prise en charge des personnes âgées faisait totalement abstraction de la problématique des unités hospitalières de soins de longue durée ».

L'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées, l'ADEHPA, a exprimé quant à elle son « désaccord sur les réponses qui sont apportées ». Pour elle, « on se trouve à nouveau avec un petit plan ». Pour l'UNIOPPS, ce plan « fixe des objectifs consensuels mais, quand on y regarde de près, il est très loin de répondre aux besoins, qu'il s'agisse du taux d'encadrement en personnel soignant dans les établissements ou les services de soins, ou du nombre de créations de places en établissements d'hébergement ».

Enfin, si la Fédération hospitalière de France, la FHF, a approuvé les mesures du plan, elle a estimé que « les moyens annoncés pour financer ce plan ne sont pas suffisants ». Elle a également regretté que la question « du ?reste à charge? » pour les résidents et leur famille, aujourd'hui encore beaucoup trop élevé » ne soit abordée que de manière partielle.

D'un avis unanime, monsieur le ministre, c'est le terme « insuffisant » qui caractérise le mieux votre plan. J'ajouterai même, au regard de sa mise en oeuvre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qu'il s'inscrit dans une démarche pusillanime.

Si l'on prend l'exemple du congé de soutien familial, permettant à un membre de la famille d'interrompre son activité professionnelle, il ne s'adresse qu'à des cas où les revenus familiaux le permettent. Comment feront les familles les plus démunies ? Elles devront se débrouiller pour financer la prise en charge de la personne dépendante avec des aides qui fondent comme neige au soleil.

Mettre en place une consultation de prévention pour les personnes de plus de soixante-dix ans afin de dépister des maladies ou des incapacités est certes une bonne idée, mais à cet âge, il est un peu tard pour faire de la prévention. C'est tout au long de la vie qu'il faut instaurer la prévention et l'éducation à la santé. Monsieur le ministre, il ne faut pas avoir peur d'aller plus loin !

La prise en charge de la dépendance des personnes âgées est une réforme qui doit être menée en profondeur. L'insuffisance de financement de votre plan fait craindre que des problèmes essentiels ne soient mis de côté.

La formation des personnels est l'un de ces problèmes. Il faut veiller à ce que la formation soit de qualité et à ce qu'elle intègre une approche spécifique et humanitaire du patient.

La complexité des financements est un autre problème. Cette complexité aboutit à des financements disparates sur tout le territoire, au détriment d'une prise en charge équitable des personnes dépendantes, ce dont ces personnes sont les premières victimes ainsi que leurs familles. La participation de l'État, du département, des communes, des caisses de sécurité sociale, sans oublier la contribution des personnes âgées rendent illisible le partage des responsabilités et des compétences en matière de financement. La trop grande hétérogénéité des tarifs ne permet pas d'appréhender facilement le « reste à charge ». Une transparence totale doit être apportée en matière de tarification.

La prise en charge de la dépendance est un défi auquel nous devrons faire face dans les années à venir. L'allongement de la durée de vie est une chance pour notre société, mais il doit être correctement accompagné par la création de places en maisons de retraite et d'emplois supplémentaires. D'autres questions essentielles devront être également traitées : le coût élevé des établissements, le « reste à charge », la clarification des compétences et la formation des personnels. Pour répondre à toutes ces questions, un débat public avec tous les partenaires nous paraît indispensable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion