Cela étant dit, comme on ne peut raisonnablement pas augmenter les prélèvements obligatoires, qui sont l'une des causes de la faible croissance en France et dans la zone euro, il faudra avoir le courage de faire des choix entre les différentes prestations et de remettre en cause une partie d'entre elles, dans certaines limites cependant. Ainsi, il ne faut pas toucher aux prestations concernant l'enfance, qui conditionnent notre avenir.
J'évoquerai également un sujet qui est cher à certains d'entre nous- je suis de ceux-là - et que d'aucuns considèrent comme un serpent de mer : la récupération sur succession.
On va crier à l'injustice, ce qui ne me paraît pas justifié. À mon sens, c'est la situation actuelle qui est injuste. En effet, la récupération est possible sur l'aide sociale à l'hébergement, mais non sur l'allocation personnalisée d'autonomie. La récupération s'effectue donc au détriment des personnes les moins favorisées, ce qui est un comble !
On peut certes préconiser la suppression de toute récupération, mais je pense qu'il faut faire le contraire. La récupération sur succession a un effet non négligeable de moralisation et de régulation de la demande. Elle permet à ces aides de demeurer ce qu'elles doivent être, c'est-à-dire des aides subsidiaires.
Nous devrons donc, les uns et les autres, faire preuve d'un peu de courage. Si tel n'était pas le cas, nous ne serions plus très fondés à récriminer contre l'augmentation des charges, notamment à l'échelon départemental.
Je n'ignore pas, monsieur le ministre, les objections juridiques que vous ne manquerez pas d'opposer à ces arguments, mais elles ne doivent pas, à mon sens, nous interdire d'examiner cette question de façon approfondie.
Pour terminer sur ce chapitre, j'indique dès maintenant que j'apporterai tout mon soutien aux amendements qu'Alain Vasselle défendra dans la suite du débat sur l'assurance dépendance.
En annexe à ces questions de financement, je tiens à aborder le problème des subventions d'investissement que l'on accorde aux établissements. J'ai évidemment accordé de telles subventions lorsque j'étais responsable d'une collectivité, mais je me suis toujours interrogé à leur sujet, notamment sur leur efficacité.
Il faut savoir que dans le prix de journée les frais de personnel représentent 70 %. L'investissement pèse donc assez peu. Lorsqu'il bénéficie d'une subvention d'investissement, l'établissement ne fait donc que l'économie des frais financiers que représente l'emprunt non réalisé. En revanche, le capital doit être amorti et répercuté sur le prix de journée. Bien sûr, nous pouvons utiliser l'artifice de l'allongement de la durée d'amortissement, mais cela a des limites, notamment pour la rénovation future et la modernisation des établissements. Il nous faut donc réfléchir à des moyens. L'idée du prêt à taux zéro constitue déjà un progrès dans ce sens.
Enfin, pour conclure, je dirai quelques mots de la complexité administrative de notre système de prise en charge.
Nous avons mis en place la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, ce qui est une bonne chose. Dans son principe, cette Caisse devait permettre une simplification. À cet égard, je tiens à saluer le travail qu'effectuent son président et son directeur pour la faire fonctionner le mieux possible.
Mais vues de la base, les choses ne paraissent pas si simples. Les responsables d'établissement sont ballottés entre la CNSA, le conseil général, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, les services centraux du ministère, sans oublier l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, la caisse régionale d'assurance maladie, la CRAM, la caisse primaire d'assurance maladie, la CPAM, la Mutualité sociale agricole, la MSA, et les divers organismes de retraite. C'est à se demander s'il y a réellement un pilote dans l'avion !
Pourquoi faire adresser à l'administration centrale les demandes de subventions qui sont financées par la CNSA ? Dans ce cas, à quoi sert la DDASS ? En matière de déconcentration, il me semble qu'on fait mieux et que cela n'accélère pas la consommation des crédits. Je vous laisse imaginer les dégâts lorsque la réponse est négative alors que le dossier a exigé beaucoup de temps, que la demande répond aux critères et qu'elle porte parfois sur un montant modeste ! Comment voulez-vous que les acteurs locaux ne perdent pas un peu confiance ? Ces demandes devraient être traitées à l'échelon local.
Monsieur le ministre, il me semble nécessaire de mettre un peu d'ordre dans ce domaine. Il est urgent que, sur le terrain, les responsables disposent d'un interlocuteur unique. Les DDASS sont-elles encore nécessaires ? Peut-être pas. Peut-être faudrait-il imaginer un autre dispositif et créer, par exemple, un échelon régional unique, regroupant la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, la DRASS, et l'ARH, avec des responsabilités déconcentrées.
Voilà les quelques réflexions que m'inspire la question de la dépendance. La façon dont nous y répondrons fixera l'image de notre société : elle sera positive si la solidarité s'exerce effectivement, négative si l'individualisme hédoniste le plus égoïste triomphe.