Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 14 novembre 2006 à 16h10
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Débat sur la prise en charge de la dépendance

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dépendance est une question grave, à la fois humaine et sociale.

À son sujet, nos concitoyens sont travaillés par deux interrogations : « comment prendra-t-on en charge la dépendance de l'un de mes proches ou de moi-même ? Combien cela me coûtera-t-il au final ? », qui deviennent tout simplement pour les plus modestes : « pourrai-je payer ? ».

Parce qu'il en va de la dignité de l'existence et qu'ils ont conscience que les handicaps physiques ou mentaux sont incontournables, les Français aspirent fondamentalement à une prise en charge collective de la dépendance.

Comme pour les risques traditionnels, ils souhaitent que nous nous dotions de mécanismes solidaires de prévention et de protection. Ils refusent ainsi de voir le devenir des personnes âgées ou handicapées relever de la simple responsabilité familiale, avec le cortège d'inégalités qu'implique le chacun pour soi.

C'est de l'adéquation entre les besoins des personnes dépendantes et les capacités de notre système de santé et de solidarité qu'il nous faut aujourd'hui parler. Mon propos consistera donc à aborder les deux défis que nous aurons à affronter : améliorer la qualité des soins et veiller à un financement suffisant et pérenne des politiques publiques de prise en charge de la dépendance. Comme l'atteste une récente étude de la DRESS, ce sont les deux préoccupations majeures des Français.

Je passerai assez rapidement sur la question de la qualité des soins et des prises en charge, tant les efforts accomplis par les professionnels, qu'il s'agisse des intervenants à domicile ou en établissement, sont constants et incontestables.

Toutefois, il est intéressant de noter que la CNSA a fait figurer parmi ses objectifs pour 2007 une inscription budgétaire en faveur de l'élévation de la qualité des interventions pour les personnes dépendantes. Ces subventions pour le renforcement de la professionnalisation des métiers de service, inscrites dans la section IV du budget de la caisse, vont dans le bon sens. Elles devraient cependant être réformées.

En effet, en 2006, les crédits budgétés pour l'aide à la qualification de l'aide à domicile n'ont été que peu consommés, faute sûrement d'incitation ou de communication suffisante. Ne pourrait-on imaginer que cette enveloppe soit déléguée aux conseils généraux afin qu'ils impulsent, en lien avec l'État et les conseils régionaux, des démarches locales pour améliorer la profession ainsi que les statuts des intervenants, qui sont souvent précaires ?

En 2007, la CNSA a prévu l'élargissement de ces actions de formation vers les personnes handicapées. C'est heureux ! Il serait paradoxal, alors que vient d'être instaurée une nouvelle et généreuse prestation centrée sur les aides humaines - la prestation de compensation du handicap -, que rien ne soit prévu pour la professionnalisation des métiers d'aide à la personne handicapée.

À ce propos, je souhaite préciser que la CNSA, malgré les déclarations rassurantes ou les documents d'objectifs communs, a pris un parti contraire à celui du Gouvernement. Ce dernier, en introduisant l'aide à domicile parmi les secteurs d'activité éligibles au chèque emploi-service universel, a en effet ouvert la brèche de l'abaissement de la qualification moyenne des intervenants, et donc de la réduction potentielle de la qualité des prises en charge.

La vision très libérale du Gouvernement, avec l'organisation d'une concurrence par les prix entre quelques grandes enseignes du secteur de la banque et de l'assurance, n'est pas celle que nous souhaitons. À nos yeux, l'aide à domicile n'est pas et n'a pas à devenir un marché comme les autres. Nous souhaitons donc que l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, créée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, permette la mise en place d'une évaluation objective et transparente du niveau des prestations fournies aux personnes âgées et handicapées.

Mais venons-en aux questions quantitatives, qui constituent le coeur du problème.

La solidarité pour l'autonomie progresse-t-elle en France ? Si oui, peut-on dire que son rythme de progression est compatible avec les besoins de notre époque ? Son financement est-il suffisant et pérenne ?

J'ai bien noté la volonté du Gouvernement, maintes fois réitérée depuis la catastrophe sanitaire de l'été 2003, d'« adapter le système de soins à la longévité de la vie », notamment par l'application du plan de solidarité grand âge.

J'ai également pris acte de la volonté exprimée dans le PLFSS d'offrir des solutions sur tout le territoire aux personnes en situation de handicap.

Reste toutefois à savoir si la vérité des actes est en harmonie avec le volontarisme des paroles. Pour répondre à cette question, je distinguerai deux éléments dans les engagements financiers de l'ONDAM médico-social et de la CNSA : d'une part, les établissements et, d'autre part, les allocations individuelles, qui, si elles ne relèvent pas de I'ONDAM stricto sensu, participent de la volonté d'humanisation de la dépendance.

En ce qui concerne les établissements, je veux d'abord saluer la méthode de travail instaurée par la CNSA en vue d'évaluer les besoins médico-sociaux sur l'ensemble du territoire. La méthode des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie, plus communément appelés PRIAC, devrait permettre une analyse exhaustive et, je l'espère, partagée des besoins. En tout cas, pour la première année de sa mise en oeuvre, la concertation entre les représentants de l'État - le préfet de région et le préfet de département - et les présidents de conseils généraux a été très limitée, du moins pour ce qui me concerne.

Aujourd'hui, sans contestation possible, nous savons où nous en sommes des projets sur le territoire. Mais passés les décomptes vient l'heure des comptes. Et là, malgré des efforts, le Gouvernement nous soumet un PLFSS trop peu doté !

Certes, l'objectif global des dépenses médico-sociales, c'est-à-dire le cumul de I'ONDAM médico-social et de la dotation complémentaire de la CNSA, augmente à un rythme notable, comme l'a indiqué M. le rapporteur. Avec une inscription de 11, 700 milliards d'euros, l'OGD évolue. C'est essentiellement le cas pour les crédits en faveur des personnes âgées, qui enregistrent une progression supérieure à 10 %, tandis que les financements médico-sociaux pour les personnes handicapées ne devraient augmenter que de 5 %, passant de 6, 8 milliards à 7, 5 milliards d'euros.

Nous pourrions être tentés de penser que le Gouvernement a enfin pris le parti de l'action, après quatre années insatisfaisantes. Mais les évolutions en pourcentage ne doivent pas masquer que nous partons de très loin ...

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