Intervention de Christian Poncelet

Réunion du 20 février 2007 à 16h15
Éloge funèbre de marcel lesbros sénateur des hautes-alpes

Photo de Christian PonceletChristian Poncelet, président :

Il est des circonstances douloureuses dans lesquelles il est bien pénible de remplir son devoir. Celui qui m'incombe aujourd'hui m'attriste profondément, comme vous tous d'ailleurs.

Depuis ce jour du 25 janvier 2007 où l'on a appris que Marcel Lesbros, sénateur des Hautes-Alpes, avait rendu le dernier soupir, notre assemblée ressent un grand vide. Comme l'a excellemment dit notre collègue le président Jean-Claude Gaudin, qui a bien voulu me représenter lors de ses émouvantes obsèques en la cathédrale de Gap, « avec lui, nous perdons à la fois un ami et un grand serviteur de la France et des Hautes-Alpes, mais surtout un grand serviteur de la personne humaine ». On ne saurait, je crois, mieux dire.

Par ses éminentes et solides qualités, par sa nature franche et loyale, le docteur Marcel Lesbros avait trouvé depuis 1989, date de sa première élection au Palais du Luxembourg, une place naturelle au Sénat. Sa longue carrière au service de son pays et de ses concitoyens l'y prédestinait.

Marcel Lesbros appartenait à cette génération qui a connu l'épreuve de la guerre et de l'Occupation. Il s'était engagé dans la défense de la patrie et avait ensuite tout naturellement prolongé, à la Libération, son action dans la vie publique. Cela pendant plus de soixante ans.

Né le 9 septembre 1921 à Gap, Marcel Lesbros était fils de commerçants. Enfant, il arpentait les rues du chef-lieu des Hautes-Alpes pour aller à l'école communale, puis au lycée Dominique-Villars. Après son baccalauréat, il embrasse la carrière médicale. Il s'inscrit à la prestigieuse faculté de médecine de Lyon. Il y obtient son doctorat, qu'il complète par une impressionnante série de spécialités : médecine légale, diplôme d'hydrologie et de climatologie.

Mais Marcel Lesbros allait être confronté à la défaite et à l'occupation de son pays, qu'il ressentit comme un drame. Dès lors, très tôt, il s'engage dans les maquis dans le sud de son département. Membre des Forces françaises de l'intérieur, il apporte à ses compagnons l'ardeur combative du sportif accompli qu'il était. Il leur apporte aussi les compétences naissantes d'un jeune externe en médecine.

De cette participation aux combats de la Libération, il gardera un attachement profond pour le monde des anciens combattants, qu'il soutiendra inlassablement, ici même, jusqu'à son dernier souffle.

L'estime qu'il suscitait lui ouvrit alors le chemin de l'engagement au service de ses concitoyens. Élu conseiller municipal de Gap pour la première fois en 1947, il fut ensuite maire de Châteauvieux, de 1953 à 1977, puis de La Saulce, de 1977 à 2001.

Ses mandats municipaux étaient pour lui une source intarissable d'enseignements et de joie. Marcel Lesbros appartenait à cette catégorie d'hommes publics pour qui l'engagement politique était surtout fondé sur le contact avec les citoyens et pour qui l'amitié et la confiance l'emportaient sur l'idéologie et les appareils partisans.

Il se plaisait à rappeler que sa profession avait favorisé sa carrière politique. Le médecin, disait-il, est le mieux placé pour comprendre la psychologie de ses patients ; il appliqua ce précepte à ses électeurs, que ce soit dans son cabinet ou sur le marché de sa ville, où il aimait rencontrer ses administrés.

En 1961, Marcel Lesbros fait son entrée au conseil général, où, élu du canton de Tallard sans discontinuer pendant trente-sept ans, il s'affirmera comme un défenseur infatigable et un promoteur efficace de ce « pays » qu'il aimait tant, comme en témoigne son action quotidienne pour ses habitants.

Ses qualités seront très vite distinguées au sein de l'assemblée départementale : l'humaniste, le travailleur, l'homme généreux et convivial y feront merveille.

Lorsqu'il sera porté à la présidence du conseil général, en 1982, Marcel Lesbros mettra son dynamisme au service des perspectives nouvelles ouvertes aux départements par la décentralisation. Il restera seize ans président du conseil général.

Ces années constitueront pour Marcel Lesbros l'un de ses meilleurs souvenirs. Il se plaisait à souligner que les responsabilités nouvellement confiées aux élus permettaient de répondre avec plus d'efficacité et de rapidité aux préoccupations des habitants.

La confiance que lui vouaient ses compatriotes s'étendit à ses pairs. Il fut ainsi trésorier de l'assemblée départementale des présidents de conseils généraux durant plusieurs années.

Cheville ouvrière de la mise en place de la décentralisation, Marcel Lesbros avait également perçu l'importance qu'allait prendre la région dans le paysage institutionnel. Aussi, dès 1974, il siégea au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il en fut vice-président jusqu'en 1989, date de son élection au Sénat.

Après un tel parcours, Marcel Lesbros se devait tout naturellement de siéger dans cet hémicycle. Il y accède donc en 1989, comme chaque fois qu'il brigue les suffrages de ses concitoyens : avec force, détermination, mais aussi discrétion, sachant mieux que quiconque que « le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit ».

Au Palais du Luxembourg, Marcel Lesbros déploiera une activité à la mesure de l'homme engagé et du travailleur qu'il fut sa vie durant. Membre de la commission des affaires sociales, il y était le rapporteur sourcilleux des crédits des anciens combattants. Il prolongeait de la sorte sa fraternité d'armes avec ses compagnons de combat.

Il eut la joie, quelques semaines avant la fin de sa vie, de voir levée la cristallisation des pensions des anciens combattants des anciennes colonies françaises, combat pour lequel il avait inlassablement multiplié ici même les interventions. Tout au long des débats, Marcel Lesbros ne manquait jamais de rappeler la nécessaire reconnaissance que la patrie se devait de manifester envers ses plus humbles et fidèles serviteurs. Là encore, son opiniâtreté et sa ferme détermination ont été couronnées de succès.

Marcel Lesbros avait reçu en reconnaissance de son action les plus hautes distinctions nationales et étrangères. Titulaire de la Croix de guerre à vingt-sept ans, ainsi que de la Croix du combattant volontaire de la Résistance, il fut ensuite nommé chevalier de la Légion d'honneur, puis promu officier de l'ordre national du Mérite. Les liens qu'il avait tissés avec la Principauté de Monaco, singulièrement avec le prince Rainier, lui avaient aussi valu d'être nommé dans l'ordre de Saint-Charles, la plus haute distinction monégasque.

Mais la place que Marcel Lesbros avait prise parmi ceux qui sont les serviteurs passionnés de l'idéal républicain se mesure avant tout aux regrets profonds et unanimes que notre ami disparu laisse aujourd'hui dans nos coeurs.

La foule émue des Gapençais et des Hauts-Alpins autour de son cercueil a témoigné de la haute estime et de l'affection qu'il avait su s'attirer au cours de soixante années de vie publique. Cet éloge massif, fervent et spontané fut l'expression de la reconnaissance d'une ville et d'un département envers un homme unanimement reconnu comme un serviteur éminent de la République et de la patrie.

Je tiens ici à adresser à son épouse, si douloureusement éprouvée, à ses enfants, à ses petits-enfants et à tous ses proches l'hommage de la sympathie profondément attristée du Sénat de la République. Puisse la part que nous prenons au deuil qui les frappe être un adoucissement à leur chagrin, qu'en la circonstance nous partageons.

À ses collègues du groupe UMP, j'exprime, avec nos très sincères condoléances, la solidarité et la compassion du Sénat. Enfin, je tiens à assurer nos collègues de la commission des affaires sociales, qui perdent en Marcel Lesbros un membre actif, assidu et emblématique, de la part que le Sénat tout entier prend à leur peine.

Marcel Lesbros, repose en paix !

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