Comme je suis d’un naturel optimiste, je reviens à la charge sur le calendrier de mise en œuvre de la réforme, notamment sur cette deuxième étape annoncée pour la fin 2011, et je renouvelle mes arguments afin que ce rendez-vous ne soit pas gravé aujourd’hui dans le projet de loi.
Je remercie M. Jean-Pierre Fourcade d’avoir au moins admis que la question se posait et d’avoir évoqué d’éventuelles clauses de revoyure. Mais, je l’ai expliqué tout à l’heure, la revoyure ne peut pas se réduire à l’accumulation de rapports dans les années à venir. Il faut que ce soit une vraie clause de revoyure, c’est-à-dire que le Parlement doit avoir demain la possibilité de prendre une autre position que celle qu’il adopte aujourd’hui à propos de la première étape.
Trois raisons conduisent à ne pas retenir ce rendez-vous de 2011 dans la rédaction de l’article 18.
La première raison est l’intérêt même de l’entreprise, auquel nous devons tous être attentifs. Celle-ci doit être en mesure de conduire une mutation réfléchie sans être en permanence cul par-dessus tête : on ne change pas les paramètres économiques et financiers d’une entreprise tous les trois ans ! Aucune grande entreprise, dans aucun secteur de l’économie, n’y survivrait.
La deuxième raison, qui a été reconnue sur tous les bancs, réside dans les inconnues absolument colossales concernant la transformation en cours du paysage audiovisuel, l’évolution du marché publicitaire et le passage au tout numérique, qui peut être une chance formidable, mais qui sera aussi un chantier gigantesque.
Je le répète, décréter aujourd’hui ce que sera l’économie de l’audiovisuel public après 2011, c’est mener une politique de gribouille ! Comme je ne veux pas croire que vous cherchez ici à fragiliser encore plus l’audiovisuel public, je vous conjure, mes chers collègues, de donner du temps au temps. Nous nous acheminons déjà vers une mutation très profonde.
La troisième raison de ne pas accepter ce rendez-vous déjà écrit et imposé, c’est l’attitude de l’État. Au moment du lancement de la réforme, j’ai entendu que la perte de recettes publicitaires serait compensée « à l’euro près ». Nous en sommes déjà très loin, puisqu’il est question de 450 millions d’euros alors que tous les chiffrages tournaient autour de 800 millions d’euros !
En contradiction avec l’engagement moral pris par l’État d’assurer cette compensation, vous avez refusé d’inscrire le qualificatif « intégral » dans le texte. C’est incompréhensible au regard de l’annonce de la réforme par le Président de la République. C’est également incompréhensible par rapport aux débats qui ont eu lieu avant l’été au sein de la commission . Enfin, c’est encore plus incompréhensible aujourd’hui, car l’État non seulement ne prend pas d’engagement de compensation au-delà des trois premières années, mais voudrait que nous consacrions le rendez-vous de 2011 comme celui du passage à la seconde étape.
Je ne demande pas à la majorité de conversion philosophique. Je lui demande simplement d’agir de façon responsable à l’égard de cette entreprise, sans préjuger l’avenir, et de nous donner à tous, et d’abord à l’entreprise elle-même, les moyens de revoir cette question après trois ans de cette énorme mutation.